Cinéma, DVD

Fruitvale Station : La mort, le jour de l’an

Rédigé par | Jeudi 2 Janvier 2014 à 10:42



Fruitvale Station, une chronique sociale de Ryan Coogler, qui conte les heures qui ont précédé la mort d'Oscar Grant, un jeune Afro-Américain. Ce film de fiction permettra-t-il de sensibiliser à ce que d'autres drames semblables soient évités ? (Photo : © ARP Sélection)
Le 1er janvier 2009, après une nuit de fêtes, agonisait dans le métro Oscar Grant, 22 ans, à la suite d'un tir dans le dos par un agent de police, à Fruitvale Station, à San Francisco.

Inspiré d'une histoire vraie, le premier long métrage de Ryan Coogler, multiprimé* et produit par l'acteur Forest Whitaker (prix d'interprétation masculine dans Bird ; oscar pour Le Dernier Roi d'Ecosse ; Le Majordome), conte les 24 heures qui ont précédé le meurtre, qualifié par la justice américaine d'homicide involontaire, pour lequel le policier – qui a dit, lors du procès, avoir confondu son Taser avec son arme à feu... – a été condamné à 2 ans de prison et dont il a finalement purgé une peine de 11 mois avant sa libération conditionnelle. Plusieurs émeutes ont éclaté à la suite de cette bavure policière, il faut dire que de nombreux témoins avaient assisté à la scène, la filmant avec leurs téléphones mobiles et que les vidéos ont largement circulé sur les réseaux sociaux.

Et c'est toute la force du film Fruitvale Station : une fiction d'aujourd'hui (la jeunesse afro-américaine) réalisée sur une base documentaire (on devine bien que les témoignages des proches d'Oscar ont servi à la trame du film), sans héros, sans bons ni méchants. Car le meurtre d'Oscar Grant nous rappelle bien d'autres commis outre-Atlantique, comme celui de Trayvon Martin, ou ici, dans l'Hexagone . Un « dérapage » – un meurtre pour dire vrai – sur fond de racisme ordinaire.

Les heures qui précèdent le drame sont extrêmement bien filmées, d'autant plus poignantes que le spectateur sait d'emblée que le protagoniste du film va mourir... Car le réalisateur nous montre l'ordinaire d'un jeune père de famille (Michael B. Jordan), à la vie encore instable, aimant sa petite fille Tatiana qu'il a eue à 19 ans, aimant sa compagne Sophina (Melonie Diaz) qui le tient encore à distance à cause de ses multiples frasques passées, aimant sa mère (Octavia Spence, oscar du meilleur second rôle dans La Couleur des sentiments) qui lui a pardonné ses mois de prison écopés pour trafic de drogue, aimant sa grand-mère pourvoyeuse de bonnes recettes de poisson frit.

Dans ses dernières heures, Oscar tente de ne pas replonger dans le deal d'herbe et de shit, alors même qu'il a perdu son emploi : « Trop de retards répétés, trop d'absences », lui justifie son patron, directeur d'un supermarché. Pourtant, Oscar entend bien repartir de zéro à partir de cette nouvelle année qu'il entrevoit déjà. Oui, il s'en sortira.

C'est sans compter un destin qui ne lui sera pas favorable. Fruitvale Station, un film humain, tout simplement.

* Outre sa présentation lors de la sélection officielle « Un certain regard », au festival de Cannes 2013, Fruitvale Station a obtenu le Grand Prix du jury au Sundance Film Festival 2013 et le Prix du public et Prix de la Révélation Cartier, au festival du cinéma américain de Deauville 2013.

Fruitvale Station, de Ryan Coogler, avec Michael B. Jordan, Melonie Diaz, Octavia Spencer...
Sortie en salles le 1er janvier 2014.



Journaliste à Saphirnews.com ; rédactrice en chef de Salamnews En savoir plus sur cet auteur