Points de vue

Frondez !

Rédigé par Nassurdine Haidari | Jeudi 2 Avril 2015 à 00:36



Le Parti socialiste convulsionne, suffoque, se débat contre lui-même. La gauche est à l’agonie. Le PS veut s’extirper de cette dure réalité qui le ramène vers le néant territorial. Mais la défaite est sans appel, les chiffres sont là, ils imposent leurs lois et renvoient à une politique incomprise, imprécise et inefficace. Les résultats sont implacables, le Premier ministre aura beau mettre sur la table des suppliciés, la bêtise des appareils politiques, la division organisée d’une gauche mal en point, le peuple de gauche a bel et bien tourné le dos à la politique d’un gouvernement qui se dédouane de toute responsabilité.

Manuel Valls aura peut-être fait ce qu’aucun chef de gouvernement n’aura fait en une année : provoquer des défaites politiques de grandes ampleurs, doper le Front national par la nationalisation d’un scrutin local, laminer le Parti socialiste et la gauche française tout en dénonçant le mal-être français. Il aura su en une année imposer une politique des mots oubliant la célèbre citation de Jaurès : « N’ayant pas la force d’agir ils dissertent. »

On pouvait penser naïvement qu’après une telle raclée électorale un grand moment de lucidité allait s’emparer du Président et de son Premier ministre, il n’en est rien, sans sourciller, ils ne changeront rien, même pas de politique. Appliquant avec rigueur, la politique des trois petits singes de la sagesse consistant à ne pas voir le désastre électoral, ne pas entendre la souffrance des Français et ne rien dire sur la politique menée. Un exécutif malade du pouvoir, enfermé dans la tour d’ivoire des bonnes intentions, ne répondant plus aux besoins du peuple français.

Pire encore, un gouvernement qui retombe dans la petite robinetterie politique, voulant nouer des accords avec EELV en lui demandant d’accepter, contre vent et marées, une ligne politique au détriment des aspirations idéologiques. Jamais sous la Ve République le pouvoir n’avait été aussi petit, aussi médiocre dans son action démocratique.

Un logiciel périmé, un mépris assumé où les calculs d’apothicaires recherchent éperdument les chemins de la victoire présidentielle de 2017 en espérant secrètement que le Front national puisse aider à gravir la dernière marche en invoquant l’inépuisable front républicain.

Cependant, des voix s’élèvent. Des hommes et des femmes lucides réclament plus de justice et plus d’égalité sociale. Ces voix qui portent la fronde ne doivent pas s’éteindre. Ils doivent comprendre le peuple par le peuple pour le peuple. Comprendre que la force du Front national s’enracine dans la faiblesse des partis politiques traditionnels, comprendre la déception et les frustrations du peuple de France.

Comment expliquer élection après élection l’absence de résultats des gouvernements successifs ? La droite et la gauche ont partagé le pouvoir et se le dispute encore. Dans ce jeu d’alternance, ces gouvernements partagent entre autres cette incapacité à changer nos vies, à créer les conditions d’une France plus forte économiquement et plus solidaire humainement. Ces gouvernements portent également la responsabilité de cette fatigue démocratique appelée abstention qui dévisage le pays le plus métissé d’Europe.

Devant la force de cette vague bleu marine, les frondeurs doivent incarner cette volonté de changer de chemin, d’imaginer le futur sans perdre les acquis du passé. Certains élu(e)s ont vite compris le ras-le-bol de cette France fragilisée par la mondialisation sauvage et par la crise des valeurs où l’identité de l’autre est devenue un obstacle à la réalisation de soi. Une crise identitaire qui, fomentée par certains politiques, empoisonne la vie de tous les citoyens allant même chercher dans le petit périmètre de l’assiette de nos enfants un aliment de différenciation, une source de discrimination.

Nombreux sont ceux qui ont baissé les bras, refusant de placer leur confiance dans ces hommes et ces femmes politiques usés par la course effrénée de la conquête du pouvoir, refusant même de se déplacer pour ceux qui ont scellé l’ancrage de la pauvreté et l’accroissement des inégalités dans toutes ces demeures. Mais la nature a horreur du vide et la démocratie horreur de la résignation. Nous devons donc collectivement prendre nos responsabilités pour entrer en force dans ces partis politiques vieillissants, nouer de nouvelles alliances avec la classe politique, exiger de nos députés de désavouer publiquement leur majorité lorsque celle-ci serait en porte-à-faux avec l’intérêt général. Nous devons prendre la politique pour ce qu’elle est, non pas une machine à fabriquer des carrières individuelles, mais une formidable opportunité d’avancer ensemble vers la même direction dans un élan collectif.

Devant la gravité de la situation, nous sommes tous appelés à fronder.
Alors, n’hésitez plus, FRONDEZ !

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Nassurdine Haidari est délégué du CRAN PACA et ancien élu socialiste.