Société

Fake news : lynchages, insultes, romophobie... halte aux fausses rumeurs d’enlèvements d’enfants

Rédigé par | Mardi 26 Mars 2019 à 15:18

Depuis plusieurs semaines, des rumeurs concernant des rapts d’enfants dans la région parisienne circulent activement sur la Toile. Ces rumeurs, bien qu'infondées, ont généré ces derniers jours une véritable psychose, à la source d'un emballement sur les réseaux sociaux qui a conduit à une série de violences verbales et physiques, en particulier envers des Roms et des personnes issues de la communauté du voyage. La préfecture de police de Paris et plusieurs municipalités franciliennes lancent l'alerte : stop aux fake news !



Des hommes circuleraient à bord de camionnettes - blanches la plupart du temps - à travers l’Ile-de-France, en particulier dans les Hauts-de-Seine, en Seine-Saint-Denis et dans le Val d'Oise, pour enlever des enfants qui alimenteront des réseaux de prostitution ou de trafic d’organes... Voici la rumeur folle qui court depuis plusieurs semaines sur les réseaux sociaux et qui a obligé la préfecture de police de Paris à réagir lundi 25 mars après que des lynchages d’innocentes personnes ont été constatés ces derniers jours.

Une infox aux dangereuses conséquences

Plusieurs des internautes qui alimentent la rumeur ont été contactés par Saphirnews afin de connaître les sources et éléments sur lesquels ils s'appuient pour créditer leurs allégations. Seul l'un d'eux, dont la vidéo a été partagée plus de 11 000 fois depuis sa mise en ligne le 21 mars, a répondu, lundi 25 mars, en exprimant son refus... « de parler aux journalistes ».

« Les rumeurs de kidnapping d'enfants avec une camionnette sont totalement infondées. Aucun enlèvement n'est avéré. Ne relayez plus cette fausse information, n'incitez pas à la violence », signifie via Twitter la préfecture mardi 26 mars, avec la mention « fake news ».

La veille, elle écrivait le message suivant : « "Une fourgonnette blanche circule entre les villes de Nanterre et Colombes pour enlever des jeunes femmes." Suite au partage de cette rumeur sur les réseaux sociaux, deux personnes ont été injustement accusées puis lynchées. Ne relayez plus cette fausse information. »

La rumeur a en effet pris une ampleur telle que deux hommes à bord d’une fourgonnette ont été roués de coup par une vingtaine de jeunes à Colombes (Hauts-de-Seine) le 16 mars sur la base de fausses accusations. Leur véhicule a été incendié mais les deux hommes ont réussi à s’en échapper pour se cacher dans un pavillon jusqu’à l’arrivée des policiers et des pompiers qui ont pu disperser les jeunes.

Une fake news aux relents romophobes

De nombreux messages activement relayés sur les réseaux sociaux par des internautes sont, par ailleurs, teintés d’une romophobie inquiétante. Des violences envers des Roms et des personnes issues de la communauté du voyage ont en effet été observées, dernièrement dans la nuit du lundi à Clichy-sous-Bois et Bobigny où 20 personnes ont été interpellées pour « participation à un groupement en vue de commettre des dégradations ou des violences » selon LCI.

« Suite aux fake news racistes parlant de tentatives de kidnapping d’enfants, des agressions ultra-violentes de personnes rroms, roumaines ou perçues comme telles se multiplient », alerte l’association La Voix des Rroms dans un communiqué parvenu à Saphirnews mardi 26 mars.

« Nous appelons chacun à contribuer à la protection urgente des personnes ciblées par ces attaques criminelles en démentant les fake news sur les réseaux, en orientant le victimes vers La Voix des Rroms, en organisant pour la nuit qui vient sur votre commune des rondes de protection citoyenne autour des lieux de vie des personnes en danger », indique-t-on.

Des appels au calme lancés par les municipalités

Le maire de Montfermeil Xavier Lemoine a assuré, pour sa part, ses administrés qu’il a « fait procéder à toutes les vérifications pour être sûr que rien de ce qui circulait comme rumeur ne soit vrai ». « Au regard de l’ampleur de ces rumeurs et de ce que certaines associations, sans avoir interrogé les autorités policières, ont cru devoir écrire, je tiens à diffuser le communiqué émanant du commissariat de Clichy-Montfermeil », a réagi le maire.

« Aucun élément tangible n’est venu confirmer ces allégations puisque aucun appel sérieux, aucune plainte ou main-courante n’ont été enregistrée au commissariat de Clichy-sous-Bois » et qu’« aucune victime ne s’est fait connaitre », lit-on en effet dans le communiqué du commissariat de Clichy-sous-Bois et de Montfermeil en date du 25 mars.

Face à la « psychose qui commence à s’installer et la multiplication d’appels fantaisistes qui pourrait nuire aux cas pouvant réellement nécessiter une intervention », le commissariat a appelé les citoyens à « faire preuve de prudence » et à se référer rapidement aux forces de l’ordre s’ils sont victimes ou témoins d’une agression.

Toutefois, afin d’« apaiser » les craintes, « les patrouilles de police vont être accentuées aux abords des établissements scolaires et des prises de contact réalisées » par les forces de l’ordre. « Soyez assurés de notre constante vigilance pour la sécurité de vos enfants. »

Cesser de relayer des rumeurs sans fondement

La ville de Bondy a démenti dès mi-mars la rumeur sur « des tentatives d’enlèvement en Seine-Saint-Denis liées à un véhicule blanc ». Dans la même déclaration, elle a appelé ses habitants à « vérifier une information avant de la partager » et a rappelé qu’une « affirmation sans source n’a pas de valeur d’information ».

Des enlèvements d’enfants peuvent évidemment survenir en tout lieu et en toutes circonstances ; la vigilance est un devoir de tous les instants aussi bien pour les parents que pour les citoyens. Mais il faut se refuser de céder à la psychose ou, pire encore, de l'alimenter, a fortiori en l'absence d'éléments tangibles. Et cela commence par cesser de partager des rumeurs sans fondement, au risque de provoquer des actes de violence verbales et physiques gratuites.

Mise à jour vendredi 29 mars : A Mantes-la-Jolie (Yvelines), une adolescente, qui s'est présentée comme une prétendue victime de tentative d'enlèvement, a reconnu avoir tout inventé. « Elle avait entendu parler de cette rumeur de camionnette blanche à la maison et a voulu attirer l’attention sur elle », a fait savoir à Actu une source policière. Elle est convoquée pour un rappel à la loi devant le procureur de la République, pour « dénonciation de faits imaginaires ayant entraîné des recherches inutiles ».

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Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur