Sur le vif

Etats-Unis : un journal du Kansas reconnaît des décennies de couverture raciste envers les Noirs

Rédigé par | Mardi 22 Décembre 2020 à 13:15



C’est un mea-culpa des plus remarqués dans le secteur des médias américains. Plus de deux ans après la prise de position notable de National Geographic, le Kansas City Star, l’un des journaux les plus importants de l'Etat du Kansas, a présenté, dimanche 20 décembre, ses excuses à la communauté afro-américaine pour ses décennies de traitement médiatique raciste dans un édito écrit par son président et rédacteur en chef, Mike Fannin.

Dès les premières lignes, il n’hésite à pointer la responsabilité du journal, son pouvoir d’influence et les dégâts que ses choix éditoriaux ont pu causer à une échelle locale. « Aujourd'hui, nous racontons l'histoire d'une puissante entreprise locale qui a mal agi. Depuis 140 ans, elle a été l'une des forces les plus influentes dans le façonnement de Kansas City et de la région. Et pourtant, pendant une grande partie de ses débuts - par péchés de commission et d'omission - elle a privé de leurs droits, ignoré et méprisé des générations de citoyens noirs du Kansas. (...) Décennie après décennie, elle a privé toute une communauté de possibilités, de dignité, de justice et de reconnaissance », admet-il, avant d’écrire « Nous sommes désolé ».

En plus de cet édito, la rédaction a réalisé une série de six enquêtes remontant le fil de sa couverture médiatique, archives à l’appui, depuis sa création en 1880. Un travail qui montre que, pendant plusieurs décennies, les rédactions qui se sont succédées ont ignoré la communauté noire, sauf quand ses membres étaient accusés de crimes. « Les journalistes étaient souvent dégoûtés par ce qu'ils trouvaient - des décennies de reportages qui dépeignaient les citoyens noirs du Kansas comme des criminels vivant dans un monde où règne la criminalité. », confirme Mike Fannin.

Des exemples à l'appui

Dans son éditorial, le rédacteur en chef revient sur la couverture médiatique d’une inondation survenu en 1977 causant la mort de 25 personnes dont huit afro-américain. Drame que les journaliste d’alors avaient choisi d’occulter évoquant plutôt les conséquences sur les commerces blancs. Le journal a aussi fait l’impasse sur les prouesses du jazzman Charlie Parker, natif de Kansas City. Il a fallu attendre sa mort en 1955 pour que le musicien soit mentionné dans les colonne du journal qui, à l’époque, avait écorché son nom et s’était trompé sur son âge.

Ces quelques exemples d’un traitement biaisé n'ont pas du tort qu’à la communauté noire selon Mike Fannin : « Les journalistes ont regretté que la couverture historique des journaux n'ait pas seulement rendu un mauvais service aux citoyens noirs du Kansas, mais aussi aux lecteurs blancs privés de la possibilité de comprendre la véritable richesse que les citoyens noirs apportent à Kansas City. »

Le lendemain, le patron du Kansas City Star s’est à nouveau exprimé sur CNN, confiant que ce passé entachait la crédibilité de son travail, à une époque où le combat pour contre les discriminations contre les noirs aux Etats-Unis occupe une place de plus en plus importante.

« Alors que nous traitions la question du racisme systémique dans nos institutions, nous ne nous sommes jamais mis sous le microscope pour essayer de mieux comprendre comme le Star avait couvert la communauté noire pendant des années. Et j’ai eu l’impression qu’à cause de ce manque d’autocritique, de nombreux membres de la communauté noire pensaient que nous manquions de crédibilité pour raconter quelques-unes de ces histoires », a-t-il déclaré.

Si ces aveux sont un premier pas de taille, Mike Fannin reconnait que le journal doit encore améliorer ses relations avec la communauté afro-américaine. « Nous avons besoin d'un personnel plus diversifié. Nous avons besoin de conversations communautaires plus approfondies pour mieux cibler notre couverture. Nous avons besoin d'un éventail de voix pour représenter l'ensemble de notre communauté. Et nous avons parfois besoin de bons conseils », a-t-il indiqué. Pour autant, le rédacteur en chef affirme que ce passé ne doit pas avoir prise sur le futur du journal : « Nous ne devons pas laisser notre histoire nous posséder. »

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