Points de vue

Et si Marine Le Pen était la prochaine présidente de la République ?

Rédigé par Abel Sena | Mardi 18 Avril 2017 à 07:55



Marine Le Pen présidente. Une éventualité plus que jamais probable. Au-delà des sondages qui font d’elle une favorite des intentions de vote au premier tour de l’élection présidentielle, des facteurs objectifs pourraient même lui ouvrir un boulevard vers la consécration suprême : un climat politique et social trouble, une situation économique difficile et un contexte international inédit.

Les affaires Fillon font le bonheur du FN

Les affaires qui entachent la campagne présidentielle de François Fillon, désigné candidat de la droite et du centre, sont du pain bénit pour le parti d’extrême droite. Et pour cause, Les Républicains aborde la joute électorale avec un lourd handicap. Celui d’un candidat fragilisé par une mise en examen dans l’affaire des soupçons d’emplois fictifs et qui voit sa cote de popularité fondre au gré des révélations sur les différentes affaires le mettant en cause.

François Fillon, qui se voyait déjà succéder à François Hollande après avoir largement remporté les primaires à droite, se retrouve aujourd’hui dans une position où il n’est même pas certain de franchir le premier tour. Un sérieux concurrent dans la course à l’Elysée pour Marine Le Pen, qui a tout de même pris le soin de ne pas surfer sur les déboires des Républicains tant le FN est aussi fragilisé par plusieurs affaires judiciaires. Cependant, Marine Le Pen semble bénéficier d’une clémence populaire et d’une bienveillance qui reflètent un changement de mentalité au sein d’une partie de la population française, plus encline à voter pour la candidate frontiste malgré ses démêlés judiciaires.

La gauche éclatée, une aubaine pour le FN...

On savait que le rapprochement entre les différentes composantes de la gauche était une entreprise difficile. Mais l’on ne s’attendait pas à voir le Parti socialiste aussi divisé sur le choix du candidat qui le représentera aux prochaines échéances électorales. Le président Hollande renonçant à briguer un deuxième mandat, Benoit Hamon avait la légitimité des urnes à l’issue de la primaire socialiste et devait avoir l’appui inconditionnel des instances du parti. Cette légitimité a été mise à mal par les ambitions personnelles d’Emmanuel Macron qui a décidé de se porter candidat en dehors du carcan socialiste.

Aussi, cette légitimité a-t-elle été ébranlée par le renoncement de plusieurs responsables socialistes à l’engagement pris lors des primaires de soutenir celui qui en sortirait vainqueur. Ainsi, il résulte de cette situation que le PS est plus que jamais décimé et affaibli et il est fort à parier que ses chances de voir son candidat à la présidence l’emporter sont sérieusement compromises au profit du FN.

...renforcé par le bilan mitigé du quinquennat

A tort ou à raison, le bilan de François Hollande au terme de son quinquennat est considéré sinon négatif, du moins mitigé. Celui qui voulait être un président normal l’aura été, pense-t-on, un peu trop et n’a su habiter solennellement le rôle que lui confèresa position de chef d’Etat. Pour ses détracteurs, il aura laissé l’image d’un président hésitant et incapable de maitriser la fronde au sein de sa famille politique. D’ailleurs, Benoit Hamon et Emmanuel Macron n’ont-ils pas quitté le gouvernement après avoir été respectivement ministre de l’Education nationale et ministre de l’Economie? Le changement tant promis par François Hollande n’a pas eu lieu : la croissance n’a pas été au rendez-vous et la courbe du chômage n’a pas été inversée.

D’ailleurs, d’aucuns estiment qu’en se retirant de la course à l’Elysée, le président de la République reconnait implicitement son échec à redresser la situation du pays. Il partira en laissant derrière lui un goût d’inachevé et des promesses et des espoirs sans lendemain. Ce bilan, talon d’Achille des socialistes, constitue l’arme avec laquelle ses adversaires, notamment Marine Le Pen, le combattent. En fine et habile stratège, elle s’ingénie à en pointer les failles et à tirer profit du mécontentement d’une partie de la population déçue par le mandat du président Hollande.

Il est loin le temps où le vote pour le FN était un vote contestataire. Aujourd’hui, il y a lieu de parler d’un vote d’adhésion aux idées du parti d’extrême droite dont le discours trouve un écho parmi des catégories socio-professionnelles de plus en plus disparates. En témoignent les scores qui flirtaient avec les 30 % lors des dernières régionales. Il est intéressant de noter, à cet égard, qu’en termes de communication, Marine Le Pen a habilement réussi sa stratégie de dédiabolisation en se gardant de faire dans la provocation et dans l’outrance ou de s’aventurer dans des polémiques contre-productives afin de permettre au parti bleu Marine de paraitre plus acceptable et d’attirer un maximum d’électeurs possibles.

Pendant le quinquennat de François Hollande, la France aura aussi subi le plus grand nombre d’attaques terroristes de son histoire. Si le terrorisme, de l’aveu de tous les analystes, est un fléau international difficile à éradiquer et face auquel aucun pays, aussi sécurisé soit-il, n’a de solutions miracles, plusieurs voix dans l’Hexagone se sont toutefois levées pour reprocher au gouvernement sa politique laxiste en termes de sécurité et d’immigration. Il s’agit là d’un opportunisme politique dont Marine Le Pen était la première à brandir l’étendard pour mettre en avant sa thèse de prédilection, à savoir le lien étroit entre le climat d’insécurité qui règne dans le pays, l’immigration et l’islam radical. Ainsi, sa stratégie de jouer sur la corde sensible de la peur et de l’insécurité se révèle payante car de plus en plus de Français semblent entendre ce discours et même y adhérer.

Marine Le Pen, sur les pas de Donald Trump ?

L’élection de Donald Trump à la tête des Etats Unis en a surpris plus d’un. Et pour cause, le profil du 45e président américain est pour le moins atypique. Homme d’affaires, animateur et néophyte en politique, il s’est illustré davantage par ses idées et ses prises de positions extrémistes, notamment en matière d’immigration, une thématique dont il partage la même approche avec Marine Le Pen et qui se trouve au cœur de leurs préoccupations.

Taxée de xénophobe, la politique de Donald Trump concernant l’immigration ne l’a pas empêché d’être élu à Maison Blanche. Car il a su tirer profit du désarroi dans lequel se trouvait une frange de la population américaine à cause d’une situation économique et sociale difficile. Peut-être que, par un effet de miroir, les électeurs français, lassés comme les Américains, par des décennies de politiques stériles voudront porter Marine Le Pen au pouvoir et en faire le Trump français au féminin, elle qui ne cesse de prôner la préférence nationale et de marteler son euroscepticisme, à la faveur du Brexit auquel personne ne s’attendait. Après tout, dirait-on, les Américains survivent encore à Donald Trump, pourquoi les Français ne survivraient-ils pas à Marine Le Pen ? Serait-ce pour autant une bonne expérience à vivre pour la France ?

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Abel Sena est enseignant.