Religions

Elections du CFCM : l’UOIF boycotte, la Fédération de la Mosquée de Paris incertaine

Rédigé par | Mercredi 9 Mars 2011 à 09:55

A l’approche des élections du CFCM en juin prochain, l’une des plus importantes fédérations représentatives des musulmans du pays annonce son retrait de la course au leadership de l'islam de France. Par crainte d’avoir à faire face à un scrutin déjà couru d’avance, l’UOIF, qui souhaite une réforme en profondeur des statuts, brandit cette menace pour mieux se faire entendre. De son côté, la Fédération nationale de la Grande Mosquée de Paris (FNGMP) pourrait suivre ce chemin si elle n’obtient pas la certitude d’obtenir la présidence de plusieurs CRCM.



L’Union des organisations islamique de France (UOIF) semble avoir une dent contre le Conseil français du culte musulman (CFCM). Après sa défection à l’une des réunions du conseil d’administration du Conseil fin janvier en vue de l’adoption de la charte du halal, l’UOIF pourrait bien boycotter les prochaines élections du CFCM les 5 et 19 juin afin de renouveler ses instances au niveau national et régional. C’est en tous cas ce que Fouad Alaoui, son président, a annoncé par communiqué le 16 février dernier.

Conséquence : les délégués membres de l’UOIF, à l’instar du président du CRCM Rhône-Alpes Azzedine Gaci, ne sont pas sûrs de se (re)présenter en juin. Mais depuis cette annonce, plus une information ne filtre de l’UOIF. Contacté par Saphirnews, le président préfère rester discret sur ce sujet et s’en tenir au communiqué, quitte à rester vague dans ses revendications.

Un procédé électoral remis en cause

Considérant l’unité des musulmans de France « plus que jamais menacée » en raison de « l’installation de plus en plus visible d’un état de division dans l’espace cultuel musulman et au sein des mosquées », l’UOIF craint « de voir le prochain processus électoral affaiblir davantage le CFCM », préfèrant s’abstenir de participer aux élections tant que le CFCM ne s’attelle pas à la mise en place d’« une réforme profonde » de l’institution « en termes structurels, mais surtout dans sa manière d’aborder sa mission première de défense de la dignité et des intérêts du culte musulman en France ».

Le nombre d’élus au sein des CRCM et du CFCM dépendent bien en effet de l’espace occupé par chaque fédération dans les lieux de culte de l’Hexagone – un 100 m2 donne droit à un délégué et un 700 m², huit délégués -, entraînant avec ce système une véritable course aux mosquées ces dernières années entre les instances musulmanes. Une situation que dénonce l’UOIF. Toutefois, cette dernière ne s’attache pas (pour le moment) à donner des solutions concrètes pour remédier à la désunion à l’approche du scrutin.

Une réforme nécessaire des statuts en vue

Les observateurs du processus électoral devront se contenter des quelques mots bien pesés de l’UOIF. Le CFCM aussi. « A ce jour, le CFCM n'a reçu aucun courrier officiel lui signifiant cette décision. Le communiqué de presse de l'UOIF ne précise pas si cette décision est définitive ou révisable » et « ne nous permet malheureusement pas de tirer une quelconque conclusion sans risque de faire une erreur d'interprétation », nous fait savoir Mohammed Moussaoui, rappelant au passage que l’UOIF assure la vice-présidence chargée de la réforme et de la prospective depuis juin 2008.

Parmi l’un des grands chantiers du CFCM, figure bien la réforme des statuts et du règlement électoral. A l’heure actuelle, les statuts prévoient l’élection des deux-tiers du CA du CFCM par les délégués combiné avec une désignation directe des membres de droit par les fédérations et de grandes mosquées pour désigner l'autre tiers.

« L’esprit de l’actuel système ne sera pas modifié », affirme le président du CFCM mais « la part des désignés par les fédérations est renforcée » afin d’« atténuer les conséquences, parfois négatives, de la compétition électorale et assurer une représentation équilibrée des principales composantes ». « Ce choix unanimement partagé a été motivé, également, par la difficulté de dégager d’autres critères de substitution ou de complément significatifs au critère dit du "mètre carré" ».

Parmi les changements prévus, nous annonce M. Moussaoui, le mandat du CFCM durera quatre ans au lieu de trois actuellement, le nombre des membres de l’assemblée générale sera réduit au profit de celui du CA et « tous les membres du bureau exécutif seront investis d’une mission et (pourront) présider des commissions ». Quant à son organisation territoriale, les liens entre l’instance nationale et ses représentations régionales devraient être renforcés.

Le FNGMP et le RMF tracteraient en douce

Cependant, rien n’est acté. Les propositions du bureau exécutif feront l’objet de débats lors de la prochaine assemblée générale extraordinaire, qui aura lieu probablement vers fin mars 2011 selon M. Moussaoui.

A ce jour, aucune fédération n'a encore exprimé publiquement son intention de ne pas participer aux prochaines élections, y compris la Fédération nationale de la Grande Mosquée de Paris (FNGMP), qui avait boycotté le scrutin de 2008. Toutefois, cette fédération pourrait prendre une décision similaire à celle de l’UOIF.

Selon Le Progrès, Dalil Boubakeur exige d’obtenir la présidence de sept ou huit régions dans la foulée des élections. Pour parvenir à ses fins, des tractations seraient actuellement en train de se nouer entre la FNGMP, proche de l'Algérie, et le Rassemblement des Musulmans (ou plutôt des Marocains) de France (RMF), qui détient une douzaine de régions et dont le vice-président n’est autre que M. Moussaoui. Ces rumeurs demeurent invérifiées mais ces dessous de tables ont sans doute motivé la décision de l’UOIF.

Un scrutin dont les résultats sont connus d’avance n’est en rien démocratique. Le sera-t-il pour celui du CFCM ? La prochaine assemblée générale devrait dessiner des contours plus précis à ce propos.



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur