Société

Des « vacances apprenantes » pour limiter la casse scolaire

Rédigé par Assmaâ Rakho-Mom et Hanan Ben Rhouma | Lundi 3 Aout 2020 à 09:00

Le ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer annonçait en juin la mise en place du dispositif « vacances apprenantes » afin de permettre aux élèves en difficulté de rattraper des lacunes que le confinement a exacerbées. En parallèle, des initiatives privées fleurissent.



Le confinement a aggravé des inégalités scolaires déjà criantes en France. Après deux mois de fermeture des écoles, le ministère de l’Education nationale a reconnu que 5 % des élèves n’étaient plus joignables par leurs enseignants. Pour récupérer ces décrocheurs ainsi que les élèves que l’enseignement à distance a gravement mis en difficulté, les autorités misent sur un « rattrapage ludique » d’ici à la rentrée de septembre en leur permettant d’intégrer des « colonies de vacances très éducatives », selon les mots du ministre Jean-Michel Blanquer.

« Nous allons déployer le dispositif "écoles ouvertes" de manière générale dans toute la France, c'est-à-dire que le bâtiment sera ouvert et permettra dans un grand nombre de cas d'avoir des activités au quotidien de façon à ce qu'il n'y ait aucun enfant qui soit confiné pour des raisons sociales et non plus sanitaires aux mois de juillet et août », a-t-il précisé.


Des vacances apprenantes, mode d’emploi

Concrètement, les vacances apprenantes c’est quoi ? Déjà, c’est 200 millions d’euros débloqués par l’Etat pour atteindre un million d’enfants. C’est aussi un programme qui se décline en quatre grandes opérations.

Des écoles ouvertes. Près de 2 500 établissements, du primaire au lycée, ont été appelés à ouvrir leurs portes en juillet et en août afin qu’ils soient fréquentés par au moins 400 000 enfants, espère le gouvernement. Ces écoles sont ouvertes « pour des activités de soutien scolaire mais aussi des activités culturelles et sportives », a annoncé le ministre, qui a souligné que, pour cela, il aura besoin de 25 000 enseignants, « soit cinq fois plus qu’aujourd’hui ».

Des écoles ouvertes buissonnières. Il s’agit du même dispositif que les écoles ouvertes mais « à la campagne ou en zone littorale ». Des petits groupes d’enfants (moins de 17 ans) seront hébergés en internat ou sous la tente en mini-camps avec leur école ouverte. « Près de 10 000 enfants pourront ainsi être pris en charge par la fédération du scoutisme français », a annoncé le ministre, qui vise 50 000 enfants pour cette formule.

Des colonies de vacances apprenantes. Le gouvernement espère faire partir 250 000 enfants âgés de 3 à 17 ans en colonies, dont 200 000 issus des quartiers prioritaires de la ville pour lesquels le séjour sera gratuit. Une plateforme est ouverte aux familles depuis le 10 juillet, sur le site du ministère de l’Education nationale. Elle permet aux communes d’inscrire des groupes d’enfants, et aux familles de voir ce qui est proposé près de chez elles. Ces colonies offriront « des activités ludiques et pédagogiques qui permettront aux enfants de renforcer savoirs et compétences dans la perspective de la rentrée prochaine ».

Des centres aérés apprenants. Ce sont 300 000 enfants qui devraient être accueillis dans ces centres de loisirs, pour des activités qui iraient des jeux pédagogiques au rattrapage scolaire. Ces lieux sont « un élément essentiel de l’offre éducative pour les enfants et leurs familles » et constituent « des structures de proximité qui répondent à la fois à une demande de garde d’enfants, mais aussi d’éducation à la vie collective, sociale et citoyenne reconnaît le ministère ». « Une aide ponctuelle exceptionnelle de 30 millions d’euros » a ainsi été promise aux collectivités territoriales pour « faciliter l’ouverture des accueils de loisirs, augmenter leurs capacités d’accueils ou renforcer les contenus pédagogiques ». Des ressources pédagogiques y seront mises à disposition, « avec notamment des parcours d’apprentissage en ligne proposés gratuitement par le CNED pour tous les niveaux du primaire au lycée. »

Associations et structures privées se mobilisent aussi

Face à la crise du Covid-19, de tels dispositifs sont essentiels pour les enfants les plus exposés au risque de décrochage scolaire. A côté des opérations menées par le gouvernement, des initiatives privées fleurissent, proposant cours et ateliers tout au long de l’été. Ils existent évidemment de très nombreuses structures proposant des cours particuliers mais ces offres ne sont pas à la portée de toutes les bourses.

AlterSchool, une plateforme alternative basée en région parisienne, propose des stages d’une semaine courant juillet et août « pour poser les fondations de la grammaire et des mathématiques » du CP au CM2 avec le concours de deux enseignantes ayant respectivement 18 et 20 ans d’expérience dans l’enseignement public comme privé, et formées à diverses pédagogies alternatives « qui permettent aux enfants d’apprendre autrement ».

Interrogée par Salamnews, Fatima, à l’initiative du projet avec sa collègue, explique que son dispositif vise en priorité à revoir les fondamentaux du cycle 2 pour des enfants en difficulté en CP, CE1 et CE2, « car ce sont eux qui sont touchés de plein fouet par le confinement », et ce en petits groupes (10 personnes au maximum) afin de répondre tant aux exigences sanitaires qu'à des impératifs pédagogiques.

Un besoin urgent face à des inégalités exacerbées

« Le confinement n’a fait qu’exacerber les inégalités » entre les élèves selon leurs catégories sociales, constate l’enseignante. « L’écart s’est encore plus creusé entre les enfants qui réussissaient ou qui avaient des professeurs particuliers, donc des cours supplémentaires, et les autres. Cet écart s’est aussi creusé en raison du manque d’équipement. Les enfants ayant du mal avec les repères scolaires, ayant besoin d’apprendre à se concentrer, ont souvent décroché », signifie-t-elle.

« Les parents, malgré toute la bonne volonté, ne sont pas les meilleurs pédagogues. Ils ont littéralement appelé au secours. (…) Certains n’arrivaient pas à motiver et à stimuler leurs enfants. Il n’y avait plus de travail de groupe. Or, ceci est essentiel dans l’épanouissement d’un enfant », ajoute sa collègue. « Nous avons pu, en tant que professeures, être en première ligne » pour observer ces problèmes. « Nous avons donc décidé d’agir » pour répondre à un besoin urgent tant de parents que d’enfants en créant AlterSchool, indique encore Fatima. Et le tarif est très compétitif : le stage coûte 80 € la semaine pour 12 heures de cours.

L’utilisation des pédagogies dites alternatives comme Montessori est un moyen pour que « chaque élève devienne autonome, qu’il puisse être acteur de sa scolarité et, en cas de reconfinement, qu’il ait les armes pour mieux avancer et se battre ». Au-delà de l’été, AlterSchool espère renouveler l’opération durant les vacances scolaires.

Des vacances apprenantes ne pourront être que bénéfiques pour préparer une rentrée des plus sereines.

En partenariat avec le numéro 74 de Salamnews

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*Les stages programmés par la plateforme AlterSchool sont disponibles sur www.alterschool.fr