Sur le vif

DOM-TOM : des jours fériés catholiques sur la sellette ?

Rédigé par Christelle Gence | Mardi 24 Février 2015 à 16:29



Voté par une poignée de députés le 14 février, un amendement de la loi Macron en faveur de la croissance économique qui permet de moduler les jours fériés selon les cultes dans les départements et territoires d'outre-mer (DOM-TOM) provoque des remous au sein du monde politique et religieux.

« Afin de tenir compte des spécificités culturelles, religieuses et historiques, un arrêté préfectoral peut remplacer des jours fériés catholiques (le lundi de Pâques, l'Ascension, le lundi de Pentecôte, l'Assomption et la Toussaint) par un même nombre de jours fériés locaux », prévoit le texte de l’amendement 2992, proposé par Ericka Bareigts, députée socialiste de La Réunion.

Concrètement, il pourrait, par exemple, se traduire par l’introduction à La Réunion de fêtes hindoues, deuxième religion de l’île, ou à Mayotte de fêtes musulmanes, qui concernent 95 % de la population. Si des jours fériés locaux existent déjà, en Alsace ou dans les DOM-TOM justement, ce serait la première fois que des jours fériés officiels – des fêtes catholiques, les jours fériés républicains restant intouchables – seraient supprimés des calendriers, pour être remplacés par des fêtes religieuses d’autres confessions.

L’opposition au créneau

Une disposition qui n’est pas du goût de l’opposition de l’UMP. Le parti a déjà annoncé qu’il saisirait le Conseil constitutionnel si l’amendement est maintenu dans les prochaines étapes de la procédure parlementaire. Nombre d’élus et de responsables de droite qualifient la mesure de « communautariste », à l’image du député UMP Eric Ciotti. « On entre de plain-pied dans le communautarisme. La France ne vient pas de nulle part, elle a une Histoire, elle a une identité. Elle est l'héritière d'une civilisation judéo-chrétienne », a-t-il fait valoir au Parisien. Même son de cloche du côté du Front national, dont le vice-président Florian Philippot dénonce « une atteinte manifeste au principe d'unité et d'indivisibilité de notre République ».

Des critiques rejetées par les partisans de l’amendement. Pour Ericka Bareigts, donner « un statut légal aux seules fêtes d'une religion, bien que celle-ci ait un caractère fortement majoritaire dans la population » constitue « un paradoxe dans une République laïque ». « Ce paradoxe est renforcé dans les départements d'outre-mer où le fait et l'histoire religieux sont parfois de nature bien différente » de ce qui existe en métropole.

L'Eglise divisée

La controverse a aussi gagné le monde religieux. Le directeur de la communication de la Conférence des évêques de France (CEF), Vincent Neymon, estime que l’amendement « va à l’encontre de la paix sociale » et qu’il est « déplacé ». « Les autres religions n'ont jamais demandé à obtenir leurs propres jours fériés. Pourquoi ouvrir cette brèche ? Ce débat est déplacé », a-t-il affirmé. Pour Mgr Olivier Ribadeau-Dumas, porte-parole du CEF, il s’agit d’« une attaque forte contre la religion catholique », dans une France « marquée par le christianisme ».

A contrario, des membres de l’Eglise officiant dans les territoires concernés ont favorablement accueilli la mesure, à l’image de l’évêque de La Réunion Gilbert Aubry, qui est aussi membre du comité sur le dialogue interreligieux à l’origine du texte. Selon lui, « une révision du calendrier des jours fériés (permettrait) aux hindous et aux musulmans d’avoir une journée de fête qui serait partagée par toute la population », et renforcerait ainsi « le vivre-ensemble réunionnais ».

La disposition, si adoptée, permettrait de mieux faire refléter la diversité culturelle et religieuse du pays, notamment dans les DOM-TOM. Mais ses chances d'être adoptée sont minces. La loi Macron sera débattue au Sénat au mois d’avril, une Assemblée dominée par l’opposition, vent debout contre l’amendement.