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Biodiversité : la sixième extinction de masse en marche, de l'urgence de renverser la vapeur

Rédigé par Lina Farelli | Mardi 7 Mai 2019 à 08:00

Jamais, dans l'histoire de l'humanité, la planète n'a été aussi malmenée. La plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services des écosystèmes (IPBES) alerte sur la rapide et inquiétante disparition de la biodiversité dans le monde. Une menace à terme pour l'Homme même, appelé à un sursaut pour préserver la nature. Ou, du moins, ce qu'il en reste.



A l’issue d’un sommet organisé à Paris du 29 avril au 4 mai, les experts de la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services des écosystèmes (IPBES), sous l’égide de l’ONU, ont publié, lundi 6 mai, la première évaluation depuis 2005 de l’état mondial de la biodiversité et des systèmes écosystémiques. Les constats de l’IPBES, inspirée du modèle américain de Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), sont accablants : jusqu’à un million d’espèces animales et végétales sur les quelque huit millions présents sur Terre sont menacées d’extinction.

Un taux d’extinction des espèces « sans précédent »

Le rapport de 1 800 pages est le résultat de trois années de recherche effectuées par environ 500 experts à travers le monde. Il indique que 75% de l’environnement terrestre et 40% de l’environnement marin présentent des « signes importants de dégradation ». Plus de 40 % des espèces d’amphibiens, près de 33 % des récifs coralliens et plus d'un tiers de tous les mammifères marins sont menacés. « La situation est moins claire pour les espèces d'insectes, mais les données disponibles conduisent à une estimation provisoire de 10 % d’espèces menacées », indique l'IPBES dans son communiqué final.

En parallèle, quelque 290 millions d'hectares de forêts primaires ont disparu à travers la planète entre 1990 et 2015. Aussi, plus d'un tiers de la surface terrestre et près de 75 % des ressources en eau douce sont destinées à l’agriculture ou à l’élevage. Les zones urbaines ont plus que doublé depuis 1992.

La sixième extinction de masse des espèces est bel et bien en marche. « Lors d'une extinction de masse, un nombre important d'espèces disparaissent dans le monde sur une période de temps relativement courte à l'échelle des temps géologiques », explique Futura-Sciences. « Il existe, certes, un processus naturel d'extinction des espèces (la durée de vie d'une espèce est de l'ordre de 5 à 10 millions d'années), mais le processus s'accélère lors d'une extinction de masse. »

À la différence que, pour cette sixième extinction (la précédente ayant conduit à la disparition des dinosaures 65 millions d'années plus tôt), elle est non seulement 1000 fois supérieure au taux naturel d’extinction des animaux et les Hommes en sont les seuls responsables. Oui, les seuls, et c’est inédit dans l’histoire de l'humanité.

« D’après une étude publiée en juin 2013 dans Science Advances, le taux d’extinction des espèces pourrait être 100 fois plus élevé que lors des précédentes extinctions massives – et encore, ne sont pris en compte que les animaux dont nous avons une bonne connaissance. Les océans et les forêts de notre planète cachent un nombre indéterminé d’espèces, qui disparaîtront pour la plupart avant même que nous n’en ayons entendu parler », indique, pour sa part, National Geographic.

Un « filet de sécurité étiré jusqu'à son point de rupture »

Les scientifiques du monde entier, qui tentent depuis de longues années d’alerter sur la gravité de cette situation, ont listé dans le rapport, par ordre, cinq facteurs de la disparition de la biodiversité : les changements d’usage des terres et de la mer (agriculture, déforestation), l'exploitation directe des ressources (pêche, chasse), le changement climatique, les pollutions et les espèces exotiques invasives.

« Les contributions apportées par la biodiversité et la nature aux populations sont notre patrimoine commun et forment le plus important "filet de sécurité" pour la survie de l'humanité. Mais ce filet de sécurité a été étiré jusqu'à son point de rupture », a fait part la professeure Sandra Díaz, qui a co-présidé l'évaluation de l'IPBES.

Un « changement transformateur » de nos sociétés nécessaires

« La santé des écosystèmes dont nous dépendons, ainsi que toutes les autres espèces, se dégrade plus vite que jamais. Nous sommes en train d’éroder les fondements mêmes de nos économies, nos moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, la santé et la qualité de vie dans le monde entier », alerte Robert Watson, président de l'IPBES.

« Il n'est pas trop tard pour agir, mais seulement si nous commençons à le faire maintenant à tous les niveaux, du local au mondial », estime-t-il. Pour cela, il faut « un changement transformateur dans les domaines de l’économie, de la société, de la politique et de la technologie » dans nos sociétés « pour restaurer et protéger la nature » et ralentir les « moteurs » de la perte de biodiversité qui menace l'Homme à terme.

L'IPBES « reconnaît l'importance d'inclure différents systèmes de valeurs, intérêts et visions du monde dans la formulation des politiques et des actions », appelant ainsi à « veiller à ce que la participation des peuples autochtones et des communautés locales soit pleine et effective dans la gouvernance, la réforme et le développement des structures d'incitation et à ce que la prise en considération de la biodiversité soit prioritaire dans la planification de tous les secteurs clés ».

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