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Autriche : juifs et chrétiens aux côtés des musulmans pour dénoncer la « carte de l'islam »

Rédigé par | Lundi 7 Juin 2021 à 17:45

Des représentants chrétiens et juifs en Autriche ont fait part de leur vive inquiétude après la mise en ligne d'une « carte de l'islam » dans laquelle sont répertoriées les noms de mosquées et d'associations musulmanes, présentée par le gouvernement comme un outil contribuant à lutter contre « l’islam politique ». Le Conseil de l'Europe est également monté au créneau.



La controverse autour de la fameuse « carte nationale » de l’islam présentée le 27 mai par le gouvernement autrichien n’en finit pas d’enfler. Après les organisations musulmanes, ce sont les représentants des cultes juifs et chrétiens qui dénoncent une initiative discriminante. « Plus jamais ça ! », s’est indigné le secrétariat général de la Conférence autrichienne des ordres religieux auprès de l’agence de presse catholique Kathpress.

Selon l’instance, cette carte répertoriant les noms de responsables, les adresses et les liens étrangers supposés des quelque 600 mosquées et associations musulmanes d'Autriche « rappellent l’une des pires périodes de ce pays. Les fidèles sont stigmatisés et dénoncés en général et sans aucun fondement, quelque chose comme ça ne doit plus jamais se reproduire ».

« Pourquoi une religion a-t-elle été pointée du doigt ? », questionne, pour sa part, le cardinal Christoph Schönborn, ancien président de la Conférence épiscopale autrichienne. « Je pense qu’il est dangereux de donner l’impression que l’une des communautés religieuses fait l’objet d’une suspicion générale. Notre droit pénal est suffisamment clair pour poursuivre les tendances terroristes où qu’elles se manifestent », a-t-il affirmé dans une tribune parue sur Heute.

Des responsables juifs ont eux aussi tenu à faire part de leur désapprobation, à l'instar du président de la Conférence des rabbins européens et grand rabbin de Moscou, Pinchas Goldschmidt. Il a exhorté le gouvernement à « respecter les droits à la liberté d’association et de religion, à une époque où i[« le sentiment anti-musulman » est en hausse à travers « toute l’Europe ».

Le Conseil de l'Europe appelle à supprimer la controversée carte

Après la Turquie, le Conseil de l’Europe a dénoncé, fin mai, « une carte hostile aux musulmans et potentiellement contre productive ». « La lutte contre l’extrémisme et les idéologies dangereuses est aujourd’hui l’une des principales priorités en matière de sécurité nationale. Il est donc tout à fait logique de prendre des mesures contre la propagation de discours dangereux, qui a lieu sous couvert de liberté de religion », écrit l’institution.

« Malheureusement, la "carte de l’islam" adoptée par l’Autriche va trop loin et alimente les rancœurs déjà existantes, et risque donc de se montrer contreproductive. De nombreux musulmans considèrent que la forme de cette publication et le moment choisi pour la faire sont extrêmement discriminatoires. Ils se sentent stigmatisés et menacés dans leur sécurité par la publication d’adresses et d’autres informations détaillées. La "carte de l’islam" mise en place par l’Autriche devrait donc être supprimée sous sa forme actuelle. » Une demande partagée par Daniel Höltgen, le Représentant spécial sur la haine et les crimes de haine antisémites et antimusulmans, au sein du Conseil de l'Europe.

La carte n'est actuellement plus en ligne, officiellement « pour des raisons techniques liées à un changement d’hébergeur », a fait savoir le Centre de documentation sur l’islam politique, l'organisme gouvernemental à l’origine de l'initiative tant décriée.

Des organisations musulmanes, inquiètent de la montée de l'islamophobie en Autriche depuis les attentats de Vienne en novembre 2020, ont déclaré la survenue de plusieurs actes antimusulmans depuis le 27 mai. La police a saisi plusieurs panneaux réalisés par l'extrême droite se référant à la carte, dans les jours suivant la présentation de la carte, rapporte l’AFP. « Attention ! L’islam politique est près de chez vous », pouvait-on lire sur des panneaux installés par un mouvement identitaire à Vienne et dans une ville de Basse-Autriche.

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