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Aéroports : les musulmans, cible favorite du profilage racial

Rédigé par | Jeudi 31 Décembre 2009 à 00:35

La tentative d’attentat sur le vol Amsterdam – Détroit relance le débat sur la sécurité des aéroports. Bien que l’islam ne fasse aucunement l’apologie de l’intégrisme et du terrorisme, les musulmans sont une fois de plus au centre des attentions des autorités aéroportuaires. À quelques jours de leur départ vers les États-Unis, un couple de Français musulmans livre son état d’esprit à Saphirnews.



Les Pays-Bas et le Nigéria viennent d'annoncer, le 30 décembre 2009, que leurs aéroports internationaux vont être équipés de scanners corporels, conséquence de l’attentat manqué contre le vol Amsterdam-Detroit le jour de Noël.
« Nous partons à New York pour y passer une semaine pour la nouvelle année. Nous avons prévu ce voyage depuis au moins deux mois. Je pensais que 2001 était derrière nous. Il a fallu que l’histoire du Nigérian qui a tenté de faire exploser son avion éclate maintenant », a déclaré, mercredi 30 décembre, Amir à Saphirnews.

Comme sa femme Karima, Amir, 33 ans, pense que les musulmans sont encore une fois pointés du doigt à la suite de l’attentat manqué d’Umar Farouk Abdulmutallab contre un avion de ligne américain, le 25 décembre dernier.

Le jeune homme de 23 ans avait pourtant tout pour réussir. Brillant étudiant à Londres, il est le fils d’un ancien ministre nigérian, devenu un riche banquier. Al Qaïda, qui a revendiqué l’attaque lundi 28 décembre, lui a volé son avenir.

L'attentat raté revendiqué par la branche yéménite

Jusqu’à présent, difficile de comprendre comment Umar Farouk Abdulmutallab est monté incognito à bord. Son père avait signalé sa radicalisation aux autorités américaines en novembre. Le Nigérian faisait depuis partie d’une liste de 550 000 personnes potentiellement dangereuses. Surtout, il est arrivé à passer les détecteurs de métaux sans difficulté avec une poudre explosive cachée le long de sa cuisse, qu’il a tenté d’activer à l’aide d’une seringue emplie de liquide chimique.

Selon les premiers résultats de l’enquête, l’action a été « préparée de manière assez professionnelle mais exécutée en amateur », ce qui explique pourquoi les passagers ont su rapidement maîtrisé l’incendie.

Depuis, les files d’attente s’allongent dans les aéroports. Des retards sont prévus sur les vols vers et à destination des États-Unis. « Nous n’avons rien à nous reprocher. J’espère simplement que les douaniers et les passagers de notre vol ne se fieront pas qu’à notre origine (marocaine, ndlr) et notre religion. Les terroristes ne sont pas des musulmans, ce sont plutôt des fous », réagit Amir.

Des experts estiment que la tentative d’attentat sur le vol de la Delta Airlines aurait pu être déjouée si des scanners avaient été mis en place sur l’aéroport hollandais. Ces appareils détectent en effet tout objet non signalé par les portiques de sécurité classiques.

La controverse des scanners qui nous déshabillent

Cependant, leur utilisation est très controversée, en raison, notamment, des présomptions de voyeurisme. Ces machines permettent de voir à l’écran des douaniers le corps dévêtu des passagers en 3D. Les courbures des seins, les parties intimes, le nombre de bourrelets… aucune partie du corps n’est à l’abri des rayons X de la cabine.

« Je ne voudrais pas qu’on me voit sous tous les angles. Par pudeur. (…) Maintenant, si je suis obligée de passer par ces scanners, autant que ce soit des femmes qui vérifient derrière l’écran », juge Karima.

Dans le cadre de la politique de lutte contre le terrorisme des États-Unis, 19 aéroports américains sont équipés de ces « body scanner » malgré leur coût très élevé : plus de 1 million de dollars la pièce !

Il est probable que le couple passe par un de ces scanners à leur arrivée à New York. Dans l’Union européenne, en revanche, aucun aéroport ne s’en est équipé en raison des réserves émises par les eurodéputés fin 2008, qui jugent leur utilisation comme « une atteinte au droit à la vie privée, à la protection des données et à la dignité personnelle ».

La tentative d’attentat pourrait bien changer la donne. Sans attendre l’avis de la Commission européenne, les autorités hollandaises ont annoncé la présence de ces scanners d’ici à trois semaines. La Grande-Bretagne compte aussi en installer plusieurs le plus rapidement possible. Pour éviter toute polémique, les Pays-Bas comptent équiper leurs appareils d’un logiciel, représentant le corps humain sous la forme d'une poupée et non nu.

Les musulmans face au profilage racial

Outre le débat sur les scanners se pose aussi la question de la mise en place du profilage racial et religieux, dont les voyageurs musulmans peuvent faire l’objet. Cette méthode implique que ces derniers fassent l’objet de tests de sécurité supplémentaires en raison des préjugés et des stéréotypes qui pèsent sur eux.

Une pratique que beaucoup jugent discriminatoire, comme le Conseil de l'Europe. « Nous nous plierons aux exigences des aéroports pour éviter tout problème. Même si cela nous enchante pas forcément », assure le couple, qui ne veut pas voir d'abus à son encontre.

« Les actions d’un individu égaré ne doit pas ternir la réputation de la majorité », a déclaré Muhammad Abdul Bari, président de l’organisation Muslim Council of Britain dans un communiqué. Al Qaïda ne laisse décidemment aucun répit à la communauté musulmane.


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Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur