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Points de vue

Se souvenir de Mandela

Rédigé par Susan Collin Marks | Samedi 7 Décembre 2013 à 12:03

           


Washington - Alors que nous pleurons tous la mort de Nelson Mandela, il convient de se pencher sur sa vie et de célébrer sa grandeur en tant que leader et en tant qu'homme
Mandela Day. Sa mort est une perte pour notre planète mais son esprit continuera de vivre dans le monde entier et en chacun de nous.

A 44 ans, Nelson Mandela a été emprisonné dans une cellule de deux mètres sur trois à Robben Island par le régime de l'apartheid. Il avait 71 ans lors de sa libération, le 2 février 1990. Ce jour-là, je l'ai attendu en plein soleil au milieu de 80 000 personnes sur la place de l'hôtel de ville du Cap. Soudain, il est apparu. L'homme xhosa était grand, fort, souriant, joyeux, les yeux pétillants. Nous avons crié, chanté et dansé notre admiration et notre amour pour lui. Il nous a ébloui avec sa vision d'un avenir où tous les Sud-Africains, Noirs et Blancs, seraient égaux dans leur pays. Sa générosité d'âme et son esprit se sont inscrits en nous et se sont glissés dans nos cœurs et nos os. Le fauteur de troubles venait de retrouver le vieux sage ; il allait maintenant nous conduire dans la « nouvelle Afrique du Sud ».

Tandis que la majeure partie des pays d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient continuent d'imposer les peines grandissantes du réveil arabe – y compris la violence interethnique et les problèmes de gouvernance –, l'esprit et le style de leadership assurément plein d'entrain de Nelson Mandela peuvent peut-être aider à montrer la voie à suivre à d'autres nations ainsi qu'à nous tous.

Il incarnait les principaux traits d'un grand chef, même s'il restait pleinement humain avec ses défauts et sa part d'ombre. Il exprimait une vérité profonde selon laquelle nous sommes grands non pas malgré nos erreurs mais avec celles-ci. Nous ne pouvons feindre d'être différents de ce que nous sommes et une grande partie des gouvernements autoritaires et inflexibles que nous voyons aujourd'hui sont un rempart contre la peur de l'échec personnel et la faiblesse. Son authenticité nous a beaucoup appris. Il restait toujours lui-même. Malgré son tempérament impétueux, il ressentait de la compassion et de l'empathie pour ceux qui l'avaient emprisonné tout en regrettant de ne pouvoir entretenir de bonnes relations avec certains membres de sa famille.

Il était un chef pour tous les Sud-Africains – ne s'écartant jamais de sa vision de nation arc-en-ciel – et savait régler les problèmes avec bravoure et pragmatisme sur la base de valeurs fortes qui traduisaient un cadre éthique personnel et professionnel profondément ancré en lui. Son inspiration venait d'un objectif plus grand que lui et sa présence, sa voix et sa discipline ont poussé d'autres personnes à être meilleures qu'elles ne l'avaient imaginé.

En ces temps de bouleversements mondiaux, il fut un leader de cette trempe. Alors que de vieilles certitudes sont emportées, le défi consiste à créer un nouveau monde pour le bien de tous, et pas seulement pour « son » groupe, « son » camp ou « son » parti. Il nous a non seulement montré quoi faire et comment le faire mais aussi quel genre de leaders – et de citoyens – il faut être.

En Libye, les gens ont soif d'un chef capable d'unir les Libyens grâce à leur humanité commune. A Syrte, un chef local m'a confié avec nostalgie que Mandela avait été l'ingrédient secret de l'Afrique du Sud et qu'il en souhaiterait un aussi pour son pays.

A côté, en Egypte, les gens aspirent également à avoir un dirigeant capable de sauver le pays de la violence et des dissensions permanentes. Et les Syriens espèrent une solution pacifique pour guérir les divisions d'aujourd'hui.

Puisque nous nous penchons sur la vie et l'héritage de Nelson Mandela, nous pouvons méditer sur son poème favori, Invictus, de l'écrivain William Ernest Henley et sur les lignes qui, a-t-il déclaré, l'ont soutenu tout au long de ses 27 années d'emprisonnement.

Je suis le maître de mon destin : je suis le capitaine de mon âme.

Nelson Mandela avait compris que la vie réservait bien des surprises et qu'il nous appartenait de décider comment y répondre. Il connaissait le pouvoir du pardon et a pris le thé avec Betsie Verwoerd, veuve de Hendrick Verwoerd, l'architecte de l'apartheid. Il avait appris que l'amour représentait le plus grand pouvoir au monde et a invité ses gardiens de prison à son investiture en tant que premier président démocratique d'Afrique du Sud. Il nous a enseigné comment vivre avec nous-mêmes et les uns avec les autres en embrassant notre nature humaine.

Je suis reconnaissante d'avoir été parmi les milliers de personnes qui ont vécu dans son ombre ce jour de 1990 lorsqu'il est revenu parmi nous et qu'il nous a montré comment s'engager dans un avenir démocratique que nous allions créer tous ensemble.

Susan Collin Marks, première vice-présidente de Search for Common Ground, est une promotrice de la paix, médiatrice et écrivaine originaire d'Afrique du Sud, de renommée internationale. Son livre, Watching the Wind, relate en détail son expérience durant la transition démocratique de son pays. Une version antérieure de cet article a été publiée par Forbes.com en avril 2013.





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