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Points de vue

Se faire rattraper par son destin

L’islam sans complexes

Rédigé par Abdallah Deliouah | Jeudi 11 Février 2016 à 13:35

           


Se faire rattraper par son destin
Il existe dans la tradition musulmane un hadith que beaucoup de personnes comprennent mal. Cette compréhension malaisée peut leur causer un souci dans leur foi ou leur cheminement vers Dieu. Beaucoup parmi vous le connaissent par cœur. Voici la partie qui nous intéresse de ce hadith authentique :

Le Messager (صلى الله عليه و سلم) dit : « (…) Par Celui en dehors de qui il n’est point de Dieu, l’un de vous fait certainement l’œuvre des gens destinés au Paradis jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’une coudée entre lui et le Paradis et voilà que son destin le devance, il œuvre alors comme les gens de l’enfer et il y entre. Et l’un de vous fait certainement l’œuvre des gens voués à l’enfer jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’une coudée entre lui et l’enfer et voilà que son destin le devance, il œuvre alors comme les gens du Paradis et il y entre. » (rapporté par Boukhari, d’après Ibn Massoud).

Un frère qui chemine vers Dieu est venu me voir hier pour me parler de ce hadith, il l’a lu pour la première fois et était complètement démoralisé. Il se posait la question suivante : « Alors cela ne sert à rien d’agir ? Selon le hadith, c’est uniquement la fin qui compte ! »
Je lui ai promis de lui expliquer ce hadith et d’écarter toute ambiguïté par l’aide d’Allah.

Le repentir sincère efface tous les péchés

Il s’agit d’un hadith authentique célèbre car il fait partie des 40 hadiths que le remarquable imam An-Nawawi a choisi de classer comme étant les plus importants.

Ce hadith parle de celui qui fait le bien toute sa vie et qui, à la fin de sa vie, voit son « destin » le rattraper et qui finit par accomplir les œuvres des gens de l’enfer, méritant ainsi l’enfer. Ce hadith parle aussi du cas contraire : celui qui fait le mal toute sa vie et qui, à la fin de sa vie, revient à Dieu, réalise les œuvres des gens du Paradis, méritant ainsi le Paradis.

Certes, la deuxième partie du hadith ne pose pas de problème particulier. Les croyants savent que Dieu est Miséricordieux et Généreux, que le repentir sincère efface tous les péchés et que finalement Allah, dans sa grande générosité, peut permettre à certaines personnes qui ont des cœurs propres d’accéder à sa satisfaction avec un effort minime.

C’est la première partie qui peut poser un problème de compréhension chez les croyants et introduire un doute concernant la Justice de Dieu ! Comment un homme qui a toujours fait le bien et qui s’approche du Paradis finit-il par céder au mal et agir dans le chemin de la malfaisance pour que l’enfer soit sa destinée ?

Une incessante démarche de perfectionnement et d’amélioration

En réalité, ce hadith est magnifique et contient une grande sagesse, je vous explique cela pas à pas.

D’abord, ce hadith a un objectif principal : ne jamais se dire : « C’est bon, avec mes œuvres, avec mes efforts, le Paradis m’est garanti », être toujours dans une démarche de perfectionnement et d’amélioration, dans la crainte de se faire rattraper par le péché et de succomber à la tentation.

Il est très dangereux pour l’individu de se sentir en sécurité par rapport à ses ennemis déclarés que sont ses passions, son ego et Ibliss le tentateur (celui que l’on nomme communément Satan). Tu es un être humain et tu resteras un être humain faible jusqu’à ta mort. Ibliss, qui refuse d’obéir à Dieu et se promit d’insuffler une part de mal en l’homme, ne baissera pas les bras : il cherchera à t’égarer jusqu’à la dernière seconde de ta vie, sois donc, toi aussi, vigilant jusqu’à la fin.

Dieu n’est et ne sera jamais Injuste avec l’un de nous. Jamais, jamais et jamais. Bien au contraire, Dieu veut notre bien, aime notre repentir, nous offre les occasions pour nous rapprocher de Lui. Il faut donc être rassuré et en sécurité du côté de Dieu.

Le Coran confirme à plusieurs endroits que Dieu ne fera pas perdre les œuvres des humains. Dieu donnera même pour une bonne action dix récompenses et ne donne pour la mauvaise qu’un seul péché.

« Leur Seigneur a exaucé leurs prières : “Je ne ferai jamais perdre à aucun d’entre vous, homme ou femme, le bénéfice de ses œuvres. N’êtes-vous pas issus les uns des autres ?” » (Coran, s. 3, v. 195).
« Celui qui se présentera alors avec une bonne action en sera récompensé au décuple, tandis que celui qui se présentera avec une mauvaise action n’en sera rétribué que par un châtiment équivalent. Et aucun d’eux ne sera lésé » (Coran, s. 6, v. 160).

Le chemin de l’humilité et de la vigilance

Il y a des règles de méthodologie qu’il faut bien comprendre. Un hadith doit être lu à la lumière du Coran et à la lumière d’autres hadiths qui parlent du même sujet. Les hadiths de notre Prophète (صلى الله عليه و سلم) s’expliquent mutuellement et s’expliquent par la parole de Dieu.

Dans un hadith qui parle du même sujet, le Prophète (صلى الله عليه و سلم) rajoute cette petite précision : « Il fait le bien dans ce qui apparait aux gens (ostensiblement). » Ce hadith nous explique que celui qui perdra ses bonnes œuvres est celui qui les faisait uniquement pour plaire aux gens et non pas pour plaire à Dieu. Sa motivation était le contentement des humains et non pas le contentement de Dieu.

Le hadith nous incite à vérifier nos actions et purifier nos intentions. Revenir au mal et au péché alors qu’on a fait le bien pendant longtemps est un signe d’un manque de sincérité ou de conformité à ce que Dieu veut de nous.

Ce hadith est en réalité magnifique et très pédagogique. Il faut juste bien le comprendre.

Il dit à celui qui sera touché par l’orgueil et l’autosatisfaction : sois humble, fais attention ! Le chemin est encore long, sois vigilant car des risques te guettent sur ton chemin.

Il dit aussi à celui qui est touché par le désespoir et la déprime à cause de ses péchés : non, ne perds pas espoir, reviens à Dieu et tu trouveras sa porte ouverte devant toi, à n’importe quel moment ; ne dis jamais : c’est trop tard ; ne dis jamais : Dieu ne me pardonnera pas.

Il nous dit à tous : ne soyez pas dans le jugement des autres, car même si vous vous voyez aujourd’hui sur le bon chemin le Paradis n’est pas garanti pour vous. Et même si vous voyez les autres dans l’égarement, vous n’avez pas à leur pronostiquer l’enfer : ils vous devanceront peut-être au Paradis…

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Abdallah Deliouah est imam à la mosquée de Valence (Rhône-Alpes) et auteur de La Zakât sur les salaires (Maison d’Ennour, 2012).





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