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Monde

Mort de Yasser Arafat : ouverture d’une enquête judiciaire en France

Rédigé par Maria Magassa-Konaté | Jeudi 30 Août 2012 à 00:00

           

Connaîtra-t-on enfin la vérité sur la mort de Yasser Arafat ? Huit ans après le décès du chef de l'Autorité palestinienne, le parquet de Nanterre a ouvert une information judiciaire pour assassinat, mardi 28 août. Elle fait suite à la plainte déposée par Souha Arafat, la veuve du défunt qui soupçonne qu’il a été assassiné à la suite d’un empoisonnement.



Mort de Yasser Arafat : ouverture d’une enquête judiciaire en France
Souha Arafat a déposé une plainte contre X pour assassinat le 31 juillet. La veuve de Yasser Arafat veut connaître la vérité sur la mort de son mari, décédé le 11 novembre 2004, à l'hôpital militaire de Percy, en région parisienne. A l’époque, la cause exacte de son décès était restée mystérieuse pour les médecins. Aujourd’hui, l’enquête judiciaire, ouverte le 28 août et qui sera menée par trois juges dont les noms ne sont pas encore connus, devrait permettre d’éclaircir les circonstances de la mort de l’ancien leader palestinien.

D’autant plus que son décès fait l’objet de révélations fracassantes. En effet, si Souha Arafat porte plainte, c’est parce qu’une nouvelle piste pourrait prouver que son mari est décédé des suites d’un empoisonnement au polonium.

Poison radioactif

C’est Al-Jazeera qui a lancé l’affaire. Dans un documentaire diffusé, mardi 3 juillet, on y apprend que des quantités anormales de polonium ont été trouvées sur les effets personnels de Yasser Arafat lors de tests effectués par l'institut radiophysique de Lausanne, en Suisse. La substance radioactive hautement toxique aurait pu tuer l’homme comme elle a servi à l’empoisonnement, en 2006, à Londres, d'Alexandre Litvinenko, un ex-espion russe devenu opposant.
Mais dans le documentaire d’Al-Jazeera, François Bochud, le président de l’institut, indique qu’une analyse de son corps doit être réalisée pour confirmer si ce poison est bien à l’origine de sa mort.

Immédiatement, sa veuve, Souha Arafat, a demandé l’exhumation et une autopsie du corps de son mari. Mahmoud Abbas, l’actuel président de l’Autorité palestinienne, l’a soutenue et a déclaré être favorable à l’exhumation du corps de l’ancien leader.

Moins d’un mois après le dépôt de la plainte de Souha Arafat, le 31 juillet, la France se charge donc de ce dossier sensible avec l’ouverture d’une enquête judiciaire par le parquet de Nanterre.
« Nous saluons cette décision », a déclaré le négociateur palestinien Saëb Erakat, précisant que le président palestinien Mahmoud Abbas avait « officiellement demandé » à « François Hollande de nous aider à enquêter sur les circonstances du martyre de l'ancien président Arafat ».
Souha Arafat, qui s’est félicitée de cette décision, attend à présent, selon son avocat genevois Me Marc Bonnant, l’ouverture de l’enquête pour donner son « accord formel » à l'exhumation du corps de son mari.

Qui a tué Arafat ?

Sur Europe 1, l’avocat dit s’attendre à une enquête « compliquée et longue ». « Les conclusions probables auront d'immenses incidences, c'est une raison de plus pour qu'elles soient formulées dans le cadre d'une enquête judiciaire rigoureuse », estime-t-il.

La mort mystérieuse de Yasser Arafat avait suscité de nombreuses questions dès 2004. La majorité des Palestiniens en a conclu qu’il avait été empoisonné par les Israéliens. Ainsi, un sondage du Palestinian Center for Policy and Survey Research (PSR), publié un mois après sa mort et cité par Le Monde, concluait que « près de 72 % des sondés pensent qu'Arafat est mort empoisonné, et la plupart d'entre eux (64 %) pensent qu'Israël est responsable de cet empoisonnement ».

Le documentaire d’Al-Jazeera a relancé ces accusations. Ainsi, Tawfiq Tiraoui, le chef de la commission d’enquête palestinienne sur la mort d’Arafat, avait estimé qu’il « confirme l’implication d’Israël dans l’assassinat du défunt président Yasser Arafat ».
Chez les Palestiniens, la thèse du complot israélien reste très vive. La disparition de Yasser Arafat aurait pu être bénéfique à Israël, car il arrivait à fédérer. Fondateur du Fatah, il parvenait à rallier des membres de la mouvance du Hamas. Cependant, avant sa mort, il avait perdu de l’influence en Palestine mais aussi à l’étranger.

L’ouverture d’une enquête judiciaire permettra, on l’espère, de faire la lumière sur cette affaire. C’est également ce que dit espérer la diplomatie israélienne, qui affirme ne pas sentir concernée par « cette enquête malgré des accusations farfelues portées contre nous ».

Si la thèse de l'empoisonnement est vérifiée, « le juge partira sûrement à la recherche du ou des auteurs », pense l'avocat de Souha Arafat, qui précise qu’elle ne souhaite pas qu'« il y ait des récupérations politiques ».

Dossier médical détruit ?

Avant de mourir, le chef de l’autorité palestinienne était isolé dans son quartier général à Ramallah, encerclé par les forces israéliennes depuis trois ans avant qu’il ne tombe malade en 2004.
L’homme de 75 ans est admis en urgence à l’hôpital de Percy, le 29 octobre. Il souffre alors de nausées, de vomissements, de douleurs abdominales sans fièvre et de diarrhées.
Deux semaines plus tard, le 11 novembre, il décède sans que la cause exacte de sa mort soit trouvée.

Juste après avoir déposé sa plainte, Souha Arafat expliquait avoir demandé à avoir accès aux prélèvements de sang et d'urine effectués sur son mari, afin de procéder à de nouvelles analyses. « J'ai reçu une réponse disant que les prélèvements d'urine et de sang avaient été détruits, il y a quatre ans. Cela m'intrigue. Pourquoi a-t-on détruit une partie du dossier médical, alors que tout justiciable peut saisir la justice dix ans après la mort d'un proche ? », s’était-elle étonnée dans une interview accordée au Figaro.

Aujourd’hui, pour déceler les traces de polonium dans le corps de son mari, la justice devra se dépêcher, estime Me Marc Bonnant, car « le polonium se dissipe, et plus on ira vite, plus il y a de chances de trouver des traces scientifiquement exploitables ».

Le site Slate publiait, mardi 28 août, une partie de son dossier médical montrant que l’état de santé de Yasser Arafat s’était dégradé vers une coagulation vasculaire disséminée sévère. Mais « l’’hypothèse du polonium ne tient pas la route », indique le Pr Marcel Francis-Kahn, ancien chef du service de rhumatologie de l’hôpital Bichat (Paris), qui privilégie plutôt l’hypothèse d’un « empoisonnement par une des toxines de l’amanite phalloïde ou du cortinaire des montagnes » et précise que « ce type de toxine est étudié notamment dans le centre de Nes Ziona, pas très loin de Tel-Aviv ».

C’est à l'institut de Lausanne, en Suisse, que reviendra la tâche d’examiner le corps de Yasser Arafat pour faire toute la lumière sur son décès.






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