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Yasser Arafat : le patient le plus célèbre du monde

Rédigé par Bamba Amara | Vendredi 5 Novembre 2004 à 00:00

           

Le médecin-chef Christian Estripeau a déclaré hier après-midi que «M. Arafat n'est pas décédé». Porte-parole de l'hôpital Percy, le Dr Estripeau a mis fin à une série d’affirmations contradictoires annonçant la « perte de conscience », le « coma » voire « la mort clinique » de Yasser Arafat accueilli à l’hôpital militaire Percy de Clamart (92) depuis le vendredi 29 octobre. Agé de 75 ans, l’état de santé du leader palestinien s’était gravement détérioré deux jours plus tôt. Il aurait perdu connaissance au milieu des ruines de la Muquata, son quartier général, où l’armée israélienne le tient enfermé depuis trois ans. Le monde entier a les yeux tournés vers l’hôpital de Clamart où réside le patient le plus célèbre du monde.



Le médecin-chef Christian Estripeau a déclaré hier après-midi que 'M. Arafat n'est pas décédé'. Porte-parole de l'hôpital Percy, le Dr Estripeau a mis fin à une série d’affirmations contradictoires annonçant la ' perte de conscience ', le ' coma ' voire ' la mort clinique ' de Yasser Arafat accueilli à l’hôpital militaire Percy de Clamart (92) depuis le vendredi 29 octobre. Agé de 75 ans, l’état de santé du leader palestinien s’était gravement détérioré deux jours plus tôt. Il aurait perdu connaissance au milieu des ruines de la Muquata, son quartier général, où l’armée israélienne le tient enfermé depuis trois ans. Le monde entier a les yeux tournés vers l’hôpital de Clamart où réside le patient le plus célèbre du monde.

Abou Ammar, un symbole vivant

Avant de l’enfermer au milieu des décombres de la Muquata, l’armée israélienne avait échoué à tuer Yasser Arafat. Il faut croire qu’une étoile particulière veille sur celui que la Palestine désigne par son nom de guerre : ' Abou Ammar '. Plus d’une dizaine de fois, il a été porté pour mort avant que son éternel keffieh ne surgisse des gravats de sa demeure ou des débris fumants de son avion. L’air d’abord grave, puis un malicieux sourire au coin des lèvres, il lève la main et signe le v de la victoire. Yasser Arafat s’est toujours redressé de ses coups durs comme pour dire à la face du monde : ' la partie n’est pas finie, la Palestine n’est pas encore libre '. Pour ceux de sa génération et pour les plus jeunes, il est à jamais le symbole de la lutte d’un peuple. Un symbole que trente années d'exil lui permettront de conforter et d’étendre dans le monde entier.

Fin stratège politique, courageux négociateur, il saura fédérer l’ensemble des mouvements de la résistance palestinienne au sein de l’OLP pour cheminer péniblement vers la paix. La conduite des négociations signera la fracture au sein de l’OLP. La main amicale tendue à Yitzhak Rabin divisera profondément la société palestinienne (comme la société israélienne). Mais cette poignée de mains historique conférera à M. Arafat, sa place de leader incontesté aux yeux de la communauté internationale. Elle lui attirera cependant les foudres d’une partie de ses concitoyens.

La signature de ces accords a néanmoins vu naître l’Autorité palestinienne. Sur le terrain, l’armée israélienne continuera ses blocus. Les colonies israéliennes continueront de prospérer sur les terres palestiniennes. Ainsi, pour les Palestiniens, la paix signée à Oslo ne se traduira au quotidien que par des violences militaires toujours plus subtiles. La popularité de Yasser Arafat en souffrira considérablement en Palestine pendant que son audience internationale ne cessait de croître. L’assassinat de M Rabin par un israélien opposé aux accords d’Oslo apparaîtra alors comme la première mort de M. Arafat, le 4 novembre 1995.

Sharon a besoin de Arafat en vie

Yasser Arafat ressuscitera de cette première mort. Face à la victoire du ' camp de la guerre ' en Israël, Yasser Arafat devra ménager le camp de la guerre en Palestine. Il condamnera régulièrement les opérations du Hamas, celles du Jihad islamique et du Front populaire de libération de la Palestine sans jamais se résoudre à désarmer ses concitoyens comme l'exige Israël. Dans le discours politique israélien, M. Arafat passe alors pour le ' chef terroriste ' avec qui Sharon refuse de discuter. Dans la réalité, c’est à un jeu d’équilibriste politique qu’il a dû se livrer pour éviter une guerre civile entre les factions palestiniennes rivales. Aujourd’hui, l’ironie du sort veut que M. Sharon applique le plan de retrait préconisé par M. Rabin. Le même sort veut que le leadership de M. Arafat soit devenu le meilleur argument stratégique de M. Sharon pour justifier sa ligne politique aux apparences pacifiques.

En effet, la veille des ennuis de santé de M. Arafat, le Premier ministre Sharon avait réussi à faire adopter son ' plan de retrait unilatéral ' par la Knesset. Disposant de 67 voix contre 45, M. Sharon était un Premier ministre heureux. Il n’avait plus d’obstacle pour procéder à l’évacuation de près de 8 000 colons israéliens en colère. Bien entendu les partis de gauche et ceux du centre y sont favorables (le montant des indemnisations serait en discussion avec M. Shimon Peres). Bien entendu la décision ne fait pas plaisir au Likoud. Et les tentatives d’intimidation de l’extrémiste Netanyaou n’ébranlent pas M. Sharon. Mais le plan machiavélique de M. Sharon n’échappe pas aux observateurs.

C’est après avoir déclaré Yasser Arafat infréquentable que M. Sharon décide, sans négociations, de se retirer de Gaza. Fort de ce geste spectaculaire de paix, il se prépare à faire main basse sur la Cisjordanie en refusant toute négociation avec le même argument : pas de discussion avec Arafat. Pour être crédible, M. Sharon a besoin de M. Arafat vivant, comme prétexte. La disparition de M. Arafat mettrait donc Ariel Sharon à court d’arguments. Car il ne fait aucun doute que M. Arafat sera valablement remplacé. Et M Sharon devra alors s’asseoir à la table de discussion. Ce qui n’a jamais été son intention, autrement, il l’aurait fait depuis longtemps. Ariel Sharon a donc bel et bien besoin de Yasser Arafat… en vie et enfermé à la Muquata !

Le leurre de la succession

Depuis près d’une décennie, les adversaires politiques de Yasser Arafat tentent de noyer le poisson en faisant de sa succession un enjeu particulièrement important. Ce leurre politique est un jeu qui n’amuse que les éditorialistes éloignés de la réalité de la lutte de libération de tout un peuple. Ces spéculations n’occupent pas véritablement les acteurs palestiniens confrontés à l’injustice quotidienne de l’occupation.

Il est vrai que Yasser Arafat n’est pas seulement chef de l’Autorité palestinienne. Il est aussi chef de l’OLP tout comme il dirige le Fatah, son parti politique. Il est certes difficile d’imaginer qu’une même personnalité pourra lui succéder à tous ces postes de responsabilités. Pour un monument historique de la dimension de M. Arafat, aux affaires depuis un demi-siècle, il faudra plusieurs successeurs. Chacune des instances qu’il dirige lui trouvera un successeur. Ainsi, si le successeur de Yasser Arafat n’existe pas, les successeurs de M. Arafat existent bel et bien. Les assassinats des leaders palestiniens perpétrés par l’armée israélienne sont loin affaiblir le vivier politique palestinien. Qu’ils soient aux commandes, dans la clandestinité ou même en prison comme Marwan Bargouthi, la volonté de libérer la Palestine est partagée par la totalité des responsables palestiniens. La méthode variera. Mais, depuis longtemps, ils ont tous conscience que la solution est politique. M. Arafat en a donné l’exemple. En exile politique, en exile médical, détenu à la Muquata, mort ou en vie le symbole Arafat est un paramètre au cœur de la lutte de libération de la Palestine.

 





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