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Culture & Médias

Médias : le voile bientôt banni du service public suisse ?

Rédigé par | Mardi 11 Janvier 2011 à 00:00

           

Le foulard islamique fait débat au sein du service public suisse. La candidature d’une journaliste musulmane et voilée en décembre 2010 à un poste à la Radio suisse romande (RSR) suscite la controverse. Est-elle éligible à ce poste avec un voile ? Son image est-elle « compatible » avec celle de la radio publique ? Le groupe audiovisuel, qui ne dispose pas à ce jour de règlement sur les signes religieux, devra trancher.



Laurence Ferrari, voilée lors d'un entretien télévisé avec le président iranien, a fait le buzz en juin 2010.
Laurence Ferrari, voilée lors d'un entretien télévisé avec le président iranien, a fait le buzz en juin 2010.
Depuis le référendum sur les minarets, qui a conduit à une victoire du « oui » en novembre 2009, les musulmans ne cessent de faire la une de l’actualité en Suisse. Dernièrement, c’est la candidature d’une jeune femme voilée à un poste de journaliste à la Radio suisse romande (RSR), entité rattachée au groupe audiovisuel public Société suisse de radiodiffusion et télévision (SRG SSR), qui fait débat.

Pas un texte de loi ne vient régir (pour le moment) le port de signes religieux au sein de la RSR, qui réfléchit désormais sur la mise en place d’une directive à ce propos. Les conclusions de cette réflexion seront rendus d’ici au printemps, selon de le porte-parole de la SRG SSR Daniel Steiner. «Tous les symboles religieux, pas seulement le voile, seront concernés. Il faut des directives claires pour les radios et les télévisions ainsi que pour tous les types de journalistes, qu’ils travaillent sur le terrain, soient visibles ou non sur un écran », affirme M. Steiner.

Pourtant, c’est bien le voile qui est remis en cause. A en croire certains, ce tissu annihile les compétences de la candidate qui, rappelons-le, a effectué un stage de deux mois au sein de la radio sans que sa direction trouve à redire sur son voile. Jusque-là, l’intéressée a préféré rester dans l’ombre en attendant la décision de la SSR.

Quand les politiques s’en mêlent

La SSR devrait-elle être tenue aux mêmes règles que les écoles publiques ou l’administration ? Le débat déchaîne les passions de toutes parts et d’abord de l’UDC (Union démocratique du centre), qui est à l’origine du référendum sur les minarets et dont le leader a assisté aux « Assises sur l’islamisation de l’Europe » en décembre. Celui-ci s’est clairement prononcé contre le port du voile, « symbole d’oppression », à la SSR.

Du côté du PDC (Parti démocrate-chrétien, centre) et des socialistes, tous ne parlent pas d’une seule voix. L’homme de médias Filippo Lombardi, du PDC, ne voit, lui, aucun inconvénient à ce que la SSR engage des journalistes voilées. « Car je n’y vois pas un symbole religieux mais l’expression d’une tradition culturelle. Partant, le débat sur la laïcité du service public ne se pose pas. » Mais d'autres élus du PDC et d'ailleurs mettent en doute l’objectivité d’une journaliste voilée.

Pourtant, aucun journaliste ne peut se targuer d’être complètement neutre et objectif, chacun ayant ses propres convictions religieuses et philosophiques. Mais « s'agissant d'une musulmane voilée, tout se gâte : elle serait forcément suspecte, incapable de distance critique. Le garde-fou des devoirs et droits du journaliste ne serait plus valable. Le constat est désolant : tels les taureaux dans l'arène, nos braves politiciens ne voient que le fichu sur la tête, pas ce qu'il y a dedans », lit-on dans Le Courrier.

Evacuer la religion de la sphère publique

D’autres médias sont moins tendres. « A l’image de l’école, la SSR est l’institution de tous les habitants de notre pays, toutes convictions confondues. Sa neutralité politique et confessionnelle est un gage de paix sociale. Le principe de la séparation entre la société civile et la société religieuse est une des clés de voûte de notre démocratie, digne héritière du siècle des Lumières », se positionne le quotidien Tribune de Genève, qui veut non pas « reprendre les thèses fumeuses d’une "islamisation rampante de l’Occident", mais affirmer nos valeurs démocratiques ».

Sa solution est toute trouvée par le quotidien. « Pour éviter l’impasse, que les esprits ne s’enflamment, que des relents de choc des civilisations ne rejaillissent, la solution est pourtant très simple. Que cette jeune journaliste à la carrière prometteuse accepte tout simplement d’enlever son foulard le matin. Au nom de sa passion. Et qu’elle le remette le soir. Au nom de ses convictions. »

Liberté religieuse vs neutralité du service public

Plus simple à dire qu’à faire. La liberté religieuse est aussi une des garanties de la Constitution suisse, et la Suisse n’est pas un État laïc. En France, le débat aurait vite été expédié au nom de la laïcité. On se souvient du tollé général lorsque Laurence Ferrari, lors d’une édition spéciale du JT de TF1 en juin 2010, est apparue voilée en présence du président iranien Mahmoud Ahmadinejad. Pourtant, TF1 est une chaîne privée.

Si l’interdiction du voile s’officialise au sein de la SSR, la Cour européenne des droits de l’homme pourrait se saisir de son cas, mais nul doute que la journaliste devra faire un choix. Réponse au printemps.




Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur



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