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Monde

Mahmoud Sarsak, le porte-voix libre des détenus palestiniens, témoigne

Rédigé par Sabrina Bennoui | Lundi 22 Avril 2013 à 00:00

           

Après trois années de détention arbitraire en Israël, le footballeur Mahmoud Sarsak a achevé une tournée en France pour dénoncer le traitement des prisonniers palestiniens. Retour sur son histoire, qu'il raconte notamment à Paris le 6 avril dernier.



Le footballeur palestinien Mahmoud Sarsak, libéré des geôles israéliennes en juillet 2012 après trois ans de prison et près de 100 jours de grève de la faim.
Le footballeur palestinien Mahmoud Sarsak, libéré des geôles israéliennes en juillet 2012 après trois ans de prison et près de 100 jours de grève de la faim.
Devant le buffet convivial, Mahmoud Sarsak saisit une chips. « Mach’Allah », se réjouit-il en saluant les organisateurs d’une poignée de main. Un geste qui peut sembler anodin mais qui doit certainement être savouré, pour cet ancien détenu palestinien qui a dû arracher sa libération à Israël au terme d’une grève de la faim de 92 jours. Bien apprêté en costume noir et rasé de près, arborant une écharpe aux couleurs de la Palestine tel un ambassadeur, ce jeune footballeur originaire de Gaza a été arrêté par l’Etat hébreu en 2009 et emprisonné sans motif ni procès.

Il aura fallu la mobilisation d’organisations humanitaires et de footballeurs célèbres comme Eric Cantona pour qu’il soit libéré, après trois ans de détention. Sa pudeur et sa modestie laissent entrevoir des traits graves qui révèlent des cicatrices profondes, sans cesse ravivées par le souvenir de la détention. « Pour une fois, on peut se féliciter que de très nombreux médias (…) aient parlé de cette situation », estime Olivia Zémor, présidente de l’association CAPJPO-EuroPalestine.

Aujourd’hui âgé de 26 ans, Mahmoud Sarsak est venu dans un but bien précis : il entend dénoncer « l’honneur » accordé à Israël d’organiser la prochaine coupe européenne de football des moins de 21 ans prévue en juin et réclame son annulation, lui qui incarnait l’espoir du ballon rond palestinien et qui s’est vu emprisonné pour le seul crime d’avoir voulu représenter les couleurs de la Palestine sur un terrain de football.

Torture et mauvais traitements

Mahmoud Sarsak est aussi venu rappeler la situation d’autres Palestiniens incarcérés. Comme lui, ils sont plus de 4 500 prisonniers à être détenus dans les prisons israéliennes. « Je n’ai rien subi par rapport à d’autres qui sont encore emprisonnés », considère Mahmoud Sarsak. Durant la période qui a précédé sa détention, Mahmoud Sarsak a vécu 45 jours d’interrogatoire.

« C’était la période de ma vie la plus difficile », confie-t-il, « j’avais un sac noir sur la tête. Ils ont commencé par me mettre dans une cellule qu’on appelle le ‘frigo’ car c’est une toute petite cellule au milieu de laquelle il y a une chaise. On y attache le prisonnier, les jambes et les bras en arrière et on baisse la température à -7 degrés ». Stupeur et effroi dans la salle. « Les prisonniers donnent des noms aux méthodes de torture », ironise-t-il, avant d’en révéler certaines comme la « banane », appelée ainsi en raison de la position du prisonnier lorsqu’il est enchaîné. « On nous suspend avec un crochet qui sert à accrocher la viande et on nous laisse comme ça parfois toute une semaine », poursuit-il.

Suleiman Baraka, astrophysicien de Gaza qui a subi le même sort en 1988, révèle à son tour : « Les prisonniers palestiniens n’ont pas de nom mais des identifiants, même quand ils décèdent. » Il poursuit, non sans peine pour retenir ses larmes, devant Mahmoud Sarsak qui se frotte les yeux : « Il y a un cimetière palestinien qui s’appelle le cimetière des numéros. L’armée refuse de donner les corps des martyrs à leur famille. »

Une situation préoccupante

Tous n’ont pas eu la chance de s’en sortir et meurent de grève de la faim, sous la torture ou par négligence médicale. C’est le cas d’Arafat Jaradat, 30 ans, mort d’une crise cardiaque pendant sa période d’interrogatoire alors même qu’aucune accusation ne pesait contre lui. « Il n’était même pas encore en prison », insiste Mahmoud Sarsak. Dernièrement encore, Maissara Abou Hamdia, 64 ans, a succombé à un cancer contracté en prison.

Israël pratique la détention administrative, ce qui consiste à détenir un suspect sans lui faire subir de jugement et pour une période de six mois renouvelables. Cette pratique s’accompagne également de l’isolement carcéral : « Je n’avais pas le droit aux visites de ma famille, d’accéder à la lecture ou continuer mes études. On m’a empêché pendant trois ans d’aller voir un tribunal ou un avocat », explique Mahmoud Sarsak. « Nous voulons informer et sensibiliser l’opinion publique sur les différentes violations des lois internationales par les autorités israéliennes et les conditions de détention des prisonniers politiques palestiniens », déclare dans un communiqué l’Association France-Palestine Solidarité, qui a lancé une campagne de parrainage de prisonniers. Les femmes et les enfants ne sont pas épargnés.

En février 2013, un rapport de l’UNICEF a révélé que chaque année, 700 palestiniens âgés de 12 à 17 ans étaient arrêtés, interrogés et détenus, la majorité d’entre eux jugés par des tribunaux militaires pour avoir jeté des pierres. « Il faut transformer la souffrance et la douleur en épanouissement », conclut Suleiman Baraka, « nous savons qu’un jour la justice nous sera rendue ».






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