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Monde

Mahieddine Khelladi, du Secours Islamique France : « Je n’ai jamais vécu de situation humanitaire pire que celle de la Somalie actuellement »

Entretien exclusif avec Mahieddine Khelladi, directeur exécutif pour le Secours Islamique France

Rédigé par Pauline Compan | Mercredi 10 Août 2011 à 08:03

           

Une catastrophe humanitaire d’une ampleur sans précédent. La situation dans la corne de l’Afrique devient chaque jour plus urgente. Plusieurs mois de sécheresse ont abouti à une famine qui touche plus de 11 millions de personnes. En Somalie, la situation est aggravée par un contexte de guerre civile entre des milices islamistes du Shebab et le gouvernement fédéral de transition somalien (TFG), soutenu par la force de l’Union africaine (Amisom).



Mahieddine Khelladi, directeur exécutif auprès d'une famille somalienne déplacée.
Mahieddine Khelladi, directeur exécutif auprès d'une famille somalienne déplacée.
Lundi 7 août, les premiers avions du pont aérien du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés sont arrivés à Mogadiscio, la capitale. Des colis humanitaires qui devraient venir en aide aux dizaines de milliers de déplacés internes de Mogadiscio. Une situation facilitée par l’abandon, de la capitale, de la majorité des forces Shebab, le week-end dernier. Mais l’accès à certaines zones, contrôlées par le Shebab, reste extrêmement difficile. Entretien avec Mahieddine Khelladi, directeur exécutif pour le Secours Islamique France (SIF), sur le terrain dans la corne de l’Afrique.

Saphirnews : Quelle est la situation à Mogadiscio ?

Mahieddine Khelladi : Il y a des dizaines de milliers de déplacés dans la capitale. Ils affluent dans des conditions catastrophiques. Les gens s’installent où il y a de place : en conséquence, des camps de fortune se forment un peu partout. Ces réfugiés vivent dans une misère inimaginable. De plus, la situation est aggravée par l’insécurité. Il y a encore quelques jours, une distribution de nourriture de la FAO (Food and Agriculture Organization) a été attaquée par des milices, le chaos règne. Les humanitaires doivent obligatoirement bénéficier d’une escorte pour évoluer dans le pays.

Dans le sud de la Somalie, 640 000 enfants souffrent de malnutrition dont 310 000 atteints de malnutirtion aigüe.
Dans le sud de la Somalie, 640 000 enfants souffrent de malnutrition dont 310 000 atteints de malnutirtion aigüe.

La famine qui touche actuellement la Corne de l’Afrique est décrite comme « sans précédent » dans beaucoup de reportages…

M. K : J’ai effectué beaucoup de missions humanitaires dans ma carrière, mais je n’ai jamais vu ça. Une femme que j’ai rencontrée avait marché 17 jours et plus de 250 kilomètres avec ses enfants ; c’est exceptionnel ! Lors d’une autre famine en 1992, jusqu’à 75 % des enfants des camps de réfugiés étaient morts de faim : on essaye d’éviter cela cette fois-ci, mais les chiffes sont durs. On estime que plus de 10 000 enfants sont morts en Somalie sur les trois derniers mois.

La famine en Somalie est aggravée par une situation politique explosive….

M. K : Les zones du sud du pays sont contrôlées par les islamistes du Shebab qui refusent toute aide du programme mondial. Et à Mogadiscio, les combats sont encore fréquents. Pendant longtemps il n’y avait pas de représentants de l’ONU en Somalie pour coordonner l’aide. Mais les avions arrivent. Nous avons pu en voir atterrir de plus en plus, avec de l’aide européenne mais aussi du Moyen-Orient et de la Turquie.

Actuellement à Nairobi (Kenya), vous revenez d’une mission en Somalie, comment se sont déroulées les dernières semaines ?

M. K : Mogadiscio est saturée. Pour essayer d’enrayer l’afflux de déplacés, nous avons mené une mission de quinze jours dans les villages, mais c’est très difficile. Il faut à chaque fois négocier avec les milices locales et acheter l’aide sur place. Paradoxalement, il existe une zone, à Mogadiscio, bien sécurisée, où les importations de nourriture continuent à arriver. Comme des milices ne veulent pas du programme alimentaire mondial, nous devons procéder ainsi.

Parallèlement, des colis Ramadan sont distribués dans les camps. Nos efforts commencent à peine, le pic de sécheresse est attendu pour septembre-octobre dans la région.

A l’occasion du Ramadan, le SIF récolte des dons pour venir en aide à la Corne de l’Afrique. A Lyon, une nouvelle permanence du SIF vient d’ouvrir, au 371, rue Garibaldi, dans le 7e arrondissement (téléphone : 04 37 66 11 16).






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