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Société

Les tirailleurs naufragés de la Grande Guerre, une mémoire à réhabiliter

Rédigé par | Vendredi 11 Novembre 2016 à 14:00

           

A l'heure des commémorations du 11 novembre célébrant la fin de la Première Guerre mondiale, retour sur l'histoire méconnue de l'une des plus grandes catastrophes maritimes françaises impliquant la mort de 178 tirailleurs sénégalais sur le retour vers leur patrie après la victoire de la France. Oubliés de l'histoire, une association milite pour réhabiliter leur mémoire en France.



Les tirailleurs naufragés de la Grande Guerre, une mémoire à réhabiliter
La France commémore, vendredi 11 novembre, le 98e anniversaire de l’armistice de 1918, qui marque la fin des combats de la Première Guerre mondiale. Près de 100 ans après, l’histoire des tirailleurs sénégalais naufragés du paquebot nommé « L’Afrique » est une de celles qui sont encore largement méconnues en France.

Le 9 janvier 1920, le bateau qui a quitté Chartrons, sur la côte bordelaise pour rejoindre Dakar, comptait à son bord près de 600 passagers, membres d’équipage, missionnaires, familles de colons et soldats lorsqu'il s’est échoué en mer. Il s’agirait de la plus grande catastrophe maritime française qui a coûté la vie à 178 tirailleurs sénégalais, mobilisés pendant la Grande Guerre.

L’association bordelaise Mémoires et partages a organisé, jeudi 10 novembre, un flashmob devant des locaux du ministère de la Défense pour rappeler cette épisode oubliée de l'Histoire. Les militants, accompagnés de parlementaires, d’élus et personnalités, ont remis une pétition et les questions écrites des députés à Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État aux Anciens combattants. Ils ont aussi soumis des propositions de commémorations à mettre en place à l'horizon du centenaire de la Première Guerre mondiale.

Des soutiens à la réhabilitation de la mémoire des tirailleurs naufragés entourés de Karfa Sira Diallo, fondateur de Mémoires & Partages (2e à droite).
Des soutiens à la réhabilitation de la mémoire des tirailleurs naufragés entourés de Karfa Sira Diallo, fondateur de Mémoires & Partages (2e à droite).

Commémorer pour ne pas oublier

En janvier 2016, l'association avait adressé une lettre ouverte au président François Hollande et au maire de Bordeaux Alain Juppé afin de les sensibiliser sur la cause de ces tirailleurs qui n'ont reçu jusqu'à présent aucun hommage national.

Si le président de la République a répondu à la demande en encourageant le dépôt de doléances auprès du ministère de la Défense, le maire de Bordeaux n'a toujours pas formulé de réponse. En revanche, Mémoires et partages a reçu le soutien du député de Bordeaux Noël Mamere, du sénateur communiste Pierre Laurent, de l'ancienne ministre Michèle Delaunay et d'autres parlementaires tels qu'Alexis Bacheley, Olivier Falorni ou Dominique Bussereau. Monseigneur Ricard, archevêque de Bordeaux, a également souscrit au projet.

L'oubli, « un linceul supplémentaire » pour les tirailleurs

Le Bordelais d'origine sénégalaise Karfa Sira Diallo milite depuis une vingtaine d'années entre la France et le Sénégal sur les questions mémorielles. Fondateur de Mémoires et partages, il rappelle que « cette histoire n'était connue que par des passionnés d'histoire maritime ». En 1920, la presse n'a pas fait écho de la mort des tirailleurs mais seulement de celles des passagers blancs du paquebot, a-t-il rappelé.

« Dans le contexte de l'après-guerre où 10 millions de personnes ont péri, les 600 morts du naufrage ne retiennent pas l'attention », encore moins celle de 178 combattants africains. Pire, les familles de ces soldats n'avaient même pas été informées, selon le militant. Seuls 36 rescapés ont survécu à la catastrophe dont 14 tirailleurs. Karfa Sira Diallo a découvert leur histoire en préparant l'exposition Frères d'âmes qui porte sur les poilus issus des colonies.

L'installation itinérante a ainsi rendu hommage à Goran Kodio, rescapé de la terrible bataille du Chemin des Dames en 1917 et miraculé du naufrage de L'Afrique dont il a réchappé sur un radeau en compagnie de six camarades. « Il a fait partie de ceux qui ont échappé deux fois à la mort mais pas à l'oubli. C'est un linceul supplémentaire pour ces personnes », estime Karfa Sira Diallo. Un film documentaire qui retracera la tragédie est en cours de réalisation et devrait sortir courant 2017.






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