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Société

La langue des signes, nouvelle langue des prêches dans les mosquées

Rédigé par Maria Magassa-Konaté | Mardi 14 Janvier 2014 à 06:00

           

Depuis décembre 2013, la Grande Mosquée de Saint-Etienne propose la traduction en langue des signes de ses prêches du vendredi. Cette initiative salutaire pour les sourds et malentendants annonce toute une série de projets en direction d’un public pour qui œuvre l’association parisienne Donne moi un signe depuis sept ans.



 La langue des signes, nouvelle langue des prêches dans les mosquées
La Grande Mosquée Mohammed VI de Saint Étienne propose dorénavant une traduction en langage des signes du prêche du vendredi. Cette initiative a été lancée le mois dernier pour permettre aux sourds et malentendants musulmans de « vivre leur islam sans être complètement exclus de son enseignement », indique la mosquée dans un communiqué, lundi 6 janvier.

Cette démarche fait suite à la demande de plusieurs fidèles sourds et malentendants qui assistaient aux prêches sans pouvoir les comprendre, explique à Saphirnews Aldo Oumouden, le porte-parole du lieu de culte. C’est un des fidèles malentendants qui se charge bénévolement de traduire les prêches.

Prêches en langue des signes au Bourget et à Bagneux

« Entre 25 et 30 personnes » bénéficient de ce service original et rare. Il est notamment proposé à la mosquée du Bourget (Seine-Saint-Denis). Depuis un an, les prêches y sont traduits en langue des signes, fait savoir Safa-Catherine la présidente de l’association Donne-moi un signe, qui propose des cours de LSF et un enseignement de la langue arabe et des sciences islamiques aux sourds et malentendants.

C’est l’un des deux traducteurs de l’association basée à Paris qui intervient de façon irrégulière à la mosquée du Bourget. Ces personnes « n’ont pas le statut d’interprète, qui s’obtient après le passage dans une école mais l'un deux est un enfant "coda", c'est-à-dire que ses parents sont sourds, et le second a appris la langue des signes car il a un cousin sourd », précise Safa.

Depuis peu, Donne-Moi un signe intervient également à la mosquée de Bagneux (Hauts-de-Seine). « De plus en plus de mosquées nous sollicitent », fait savoir la présidente de l'association. Cependant, si la demande est là, l’offre ne suit pas.

Stand de Donne moi un signe à la Rencontre Annuelle des Musulmans de France (RAMF) en 2012.
Stand de Donne moi un signe à la Rencontre Annuelle des Musulmans de France (RAMF) en 2012.

5 000 € pour devenir interprète

Après sept ans d’existence, l’association s'arme toujours de bénévoles pour assurer les activités mais se professionnalise doucement. Les cours de langue proposés par l’association peuvent être une première étape pour intégrer une formation universitaire en LSF et obtenir le statut d’interprète.

A cet effet, Donne-moi un signe propose un tarif de 225 € par an, pour l’apprentissage de deux niveaux LSF sachant qu’il faut atteindre 16 niveaux pour devenir interprète. 12 filles suivent ces cours hebdomadaire qui ont lieu le samedi, et trois garçons viennent de démarrer le cursus en décembre dernier. « Depuis 2013, nous faisons appel à une professeure professionnelle que nous rémunérons », indique Safa-Catherine.

« Dans la plupart des cas », la motivation des élèves vient de leur envie de « communiquer avec les sourds », commente par ailleurs la présidente de Donne-moi un signe, précisant que pour ceux qui veulent pousser plus loin leur apprentissage il n’y a « pas de chômage » dans le métier d’interprète. Mais le coût des études pour le devenir est élevé. Il faut compter entre 4 000 et 5 000 € pour 16 niveaux en intensif, nous indique-t-elle. « L’argent fait beaucoup reculer. C’est un frein », regrette-t-elle.

« Les sourds sont pris en considération »

En parallèle, l’association, qui vit essentiellement des frais de scolarité de ses élèves, offre la possibilité pour les personnes sourdes et malentendantes de suivre des cours d’arabe et de religion pour seulement 10 € par mois. 25 personnes en profitent actuellement.

Le projet remarquable de l’association, qui œuvre à une plus grande accessibilité religieuse des musulmans sourds et permet des rencontres entre sourds et entendants, fait des émules. Deux structures indépendantes de Donne-moi un signe, reprenant son nom et son concept, ont ainsi vu le jour à Lyon et à Montpellier, nous indique Safa.

Elle se félicite également du fait que Mourad, un de leurs traducteurs (enfant « coda »), ait pu traduire l’intégralité de la cérémonie des Mokhtar Awards en décembre dernier. C’est le signe que les « sourds sont pris en considération », se réjouit-elle.

La Grande Mosquée de Saint-Etienne, elle, compte bien « élargir son champ d’action » dans ce domaine. L’apprentissage de la langue arabe aux sourds et malentendants, la traduction de conférences en langage des signes ou encore la mise à disposition d’un lexique de mots en rapport avec la religion musulmane en langue des signes sont prévus prochainement, annonce le lieu de culte.





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