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Economie

L’apprentissage des jeunes : « Pas une voie de garage, mais un passeport pour l'emploi »

Rédigé par Maria Magassa-Konaté | Dimanche 6 Mai 2012 à 00:10

           

L’apprentissage est un sujet pris au sérieux par les politiques. Tout au long de son mandat, Nicolas Sarkozy a beaucoup mis en avant ce mode de formation. Pourtant, une enquête de la Jeunesse ouvrière catholique* (JOC), dévoilée lundi 30 avril, nous apprend que les jeunes estiment que les apprentis sont mal considérés dans la société et que beaucoup de jeunes intéressés par l’apprentissage y renoncent. Saphirnews s’est penché sur le sujet.



L’apprentissage des jeunes : « Pas une voie de garage, mais un passeport pour l'emploi »
Aujourd’hui, les politiques veulent changer la donne et améliorer l’image de l’apprentissage. Ils se sont emparés du sujet et font la promotion d’un système qui permet aux jeunes sortis du système scolaire et à ceux qui le souhaitent de se former à la fois en entreprise et à l’école. Mais d’après l’étude du JOC, de gros progrès restent à faire.

L’enquête menée en septembre 2011 auprès de 1 080 jeunes âgés de 15 à 30 ans montre, en effet, que deux jeunes sur trois pensent que les apprentis ne sont ni respectés ni entendus.

L’apprentissage : une voie de garage ?

Il est vrai que l’apprentissage reste dans l’esprit de beaucoup une voie pour les « ratés » relié à l’échec scolaire. Une image que gardent en tête les jeunes. Pour une large majorité d’entre eux, les apprentis sont ni respectés ni entendus par la société (68,3 %) et par leur employeur (60,5 %).

Mais pourquoi l’apprentissage est-il si mal considéré ? Tout simplement parce que « la mauvaise image de l’apprentissage est très culturelle, elle est ancrée dans nos mentalités et on ne peut la changer du jour au lendemain» explique Henri Lachmann, chargé de la mission de valorisation de la formation en alternance pour le gouvernement en 2009, dans une interview accordée au Centre Inffo. Il est vrai qu’en France ce sont les filières générales et classiques qui sont valorisées au détriment de l’apprentissage que « les Français assimilent souvent (…) à des métiers manuels, difficiles et réservés aux garçons », commente Henri Lachmann.

Un déficit d’image qui n’est pas perceptible en Allemagne. Là-bas, la culture technique a une très bonne image. Ainsi, 1,8 million de jeunes suivent une formation en apprentissage contre 600 000 en France. Pour changer ce regard et arriver au niveau de l’Allemagne, Nicolas Sarkozy a mis en place un système de bonus-malus pour inciter les entreprises à embaucher des apprentis. La part de contrat en alternance pour bénéficier d’un bonus est fixée à 5 %.

Une prise en compte du politique appréciée par Lydia Chevallier, responsable de l’antenne de la Mission locale de Bobigny, en Seine-Saint-Denis, car pour elle « l’apprentissage n’est pas une voie de garage », mais « une des meilleures façons d’apprendre un métier ».

Mais s’ils ressentent la mauvaise image véhiculée par la société sur l’apprentissage, les jeunes en ont une bonne opinion dès lors qu’ils connaissent des apprentis. En effet, 82,9 % des jeunes qui connaissent des apprentis ou d’anciens apprentis affirment que ces derniers leur renvoient une bonne ou une très bonne image de l’apprentissage, indique le sondage de la JOC. Ousseynou, 24 ans est l’un de ces jeunes apprentis. « Je n’hésite pas à conseiller à d’autres jeunes de suivre cette voie », explique cet habitué de l’alternance, actuellement en Master 1 Sciences pour l’Ingénieur et titulaire d’un BTS et d’une licence qu’il a également effectué en apprentissage. Ces études longues, il ne les aurait sûrement pas faites s'il avait suivi une formation classique, avoue-t-il.

Trouver une entreprise : quelle galère !

Mais concrétiser son projet d’apprentissage comme Ousseynou n’est pas toujours simple. L’étude de la JOC démontre, en effet, que 53,8 % des jeunes intéressés par l’apprentissage y renoncent. La plupart décident de se réorienter dans une autre voie, mais les jeunes vraiment attirés par l’apprentissage y renoncent souvent faute d’avoir trouvé un employeur (17,9 %).

Malgré les efforts du gouvernement, les entreprises ont encore dû mal à embaucher des jeunes apprentis. Les chiffres du nombre de contrats en alternance pour 2011 sont d’ailleurs en baisse par rapport à 2010. Dans un communiqué de presse, l’Association nationale des apprentis de France (ANAF) s’inquiète de ce recul qui montre « une baisse de 44 % en un an dans le nombre de signatures de contrats en alternance par les jeunes ».

Pourquoi les entreprises refusent t-elle d’embaucher plus de jeunes ? Un sondage des Apprentis d’Auteuil nous apprend que les dirigeants pointent en premier lieu « l’inadéquation des profils des candidats » (54%) et « l’insuffisante adaptation des apprentis au monde de l’entreprise » (29%).

Dommage, car Lydia Chevallier reçoit beaucoup de jeunes intéressés par l’apprentissage. « Les entreprises ne jouent pas le jeu », dénonce-t-elle. Pour y remédier, la mission locale de Bobigny a créé des partenariats avec les centres de formation des apprentis (CFA). « Des ateliers CV, des stages, toute une démarche d’accompagnement est mise en place pour les jeunes», commente Mme Chevalier, qui rajoute que ses « collègues sensibilisent les entreprises à l’apprentissage ». Des espaces découvertes de métier seraient nécessaires pour créer un dialogue entre les jeunes et les entreprises car on sent la fracture entre ces deux mondes.

Ousseynou, actuellement dans sa troisième entreprise en tant qu’apprenti, sait combien ce n’est pas simple de trouver une entreprise d’accueil. Le jeune homme a pas mal « galéré » surtout pour sa licence. « J’ai beaucoup postulé » et « participé à tous les salons », se rappelle-t-il.

Conscient que trouver une entreprise n’est pas simple, Mamoudou, 17 ans, qui recherche un employeur pour préparer un CAP Pâtisserie a déjà prévu de se rendre à la mission locale de sa ville : « Je compte sur eux pour qu’il m’aide dans la rédaction de mes lettres de motivation », explique-t-il. Sa recherche sera peut-être plus facile, car Lydia Chevallier note que des métiers peu courtisés par les jeunes comme « les métiers de bouche, de la restauration, du nettoyage et certains métiers du bâtiment recherchent des apprentis».

L’apprentissage : un passeport pour l’emploi mais un statut précaire

L’apprentissage reste donc difficile d’accès pour les jeunes car les entreprises leur ouvrent peu les portes et ils ne se tournent pas vers les secteurs qui recrutent massivement avec ce système.

Reste que ceux qui suivent une formation en apprentissage trouvent plus facilement du travail. Dans une lettre ouverte aux candidats à l’élection présidentielle, l’ANAF indique que « celui qui prépare un CAP en apprentissage, où il a prétendument été orienté par défaut, a 11 points de chances de plus de trouver un emploi dans l´année que celui qui est resté au lycée (respectivement 82 % contre 71 %) ». Normal. Les entreprises savent apprécier leurs compétences professionnelles. « C’est clair, on peut trouver du travail plus facilement », assure Ousseynou, qui compte d’abord voyager dans un pays anglophone avant de chercher du travail.
Pour Lydia Chevalier, l’apprentissage est une « très bonne formule pour trouver un emploi car elle allie pratique et formation ».

Certes, l’apprentissage permet aux jeunes de trouver plus facilement du travail mais les conditions de travail rebutent beaucoup d’entre eux. 54,2 % pensent que les conditions de travail de l’apprenti ne sont pas bonnes et 70 % considèrent que l’apprenti est mal payé. Pour cela, l’ANAF demande aux politiques le « développement d’une structure pouvant répondre aux jeunes en difficulté juridiques (par exemple, le non-paiement des salaires avec leurs entreprises) » ou encore une « vraie représentativité dans les conseils d’administration des écoles et des universités » car les apprentis sont « trop souvent mis à l’écart du débat démocratique ».

Des revendications qui, si elles sont acceptées, pourraient encourager plus de jeunes à emprunter cette voie, même si l’enjeu majeur reste de convaincre les entreprises à accueillir les jeunes apprentis. Pour cela, une communication plus ciblée auprès des entreprises pourrait faire changer la donne. En effet, un sondage Ipsos pour les Apprentis d’Auteuil indique que la méconnaissance de ce dispositif (20 %) et la complexité administrative du recours à l’apprentissage (16 %) sont des freins pour les chefs d’entreprise.

Et même si 89 % d’entre eux pensent que c’est un outil efficace pour favoriser l’insertion des jeunes, seuls 14 % des chefs d’entreprise pensent qu’ils vont davantage recourir à des apprentis en 2012. En effet, pour une grande majorité (63 %), la crise ne renforce pas leur intérêt pour l’apprentissage.


* Lire l'enquête complète de la JOC « Quelle image pour l'apprentissage ? » ici






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