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Religions

John R. Bowen : « L'intégration des musulmans repose sur les associations religieuses »

Un regard américain sur l’islam en France.

Rédigé par Pauline Compan | Lundi 22 Août 2011 à 13:04

           

L’anthropologue John R. Bowen signe « L’Islam à la française »*, une enquête au cœur du quotidien de ceux qui font vivre l’islam dans l’Hexagone. Anthropologue, John R. Bowen enseigne à la Washington University de Saint-Louis. Il consacre ses recherches à l’islam dans le monde. Il est également l’auteur de « Pourquoi les Français n’aiment pas le voile ». Entretien.



La couverture du livre "L'Islam à la française".
La couverture du livre "L'Islam à la française".

Saphirnews : Les musulmans de france sont depuis de nombreuses années déjà étudiés sous toutes les coutures. Qu'est ce qui vous a intéressé et surtout quelle méthodologie avez-vous utilisée pour votre enquête?

John R. Bowen : Celle d’un anthropologue. Je me suis rendu dans des lieux où l’islam est enseigné. Mais mon point de départ, ce sont les échanges, les discours et les débats. Ce qui m’intéressait, c’était comment, en France, on enseigne les fondements de l’islam, dans les écoles et les instituts. Car il y a des personnes « d’origine musulmane » qui ne connaissent rien à leur religion. Je voulais comprendre comment les enseignants montrent l’islam et sa complexité. Car il n’est pas question de téléphoner à l'Arabie Saoudite dès qu’il y a un problème. Il faut appréhender la complexité méthodologique, la science des hadiths et le Coran. Il faut voir l’islam comme une religion qui s’adapte et regarder celle-ci de manière pragmatique.

L'adaptation de l'islam fait justement débat. Plusieurs approches s'affrontent...

J. R. B. : Il y a un courant de pensée philosophique auquel se rattache Malek Chebel par exemple, qui est très critique avec ceux qui prennent leur point de départ dans le Texte. Les tenants de ce courant recommandent de puiser leur point de départ dans les droits de l’homme ou dans les Lumières, mais cela reste sur les généralités. On voit au succès du halal, à la pratique grandissante du Ramadan ou à la recherche nouvelle de produits bancaires éthiques que les musulmans ont des besoins. Il faut des savants formés à la jurisprudence qui peuvent donner des avis sur ces questions, même s’ils ne sont pas tous d’accord entre eux.

L'anthropologue John R. Bowen.
L'anthropologue John R. Bowen.

Dans votre livre, vous parlez d’« accommodements raisonnables »…

J. R. B. : Le cadre juridique français permet aux musulmans de vivre leur foi, comme la loi sur la laïcité qui doit être défendue. Paradoxalement, les associations créées sur une base religieuse par les musulmans relèvent en fait d'une démarche d’intégration. En observant le cours de l’Histoire, on s’aperçoit que des fidèles d’autres religions ont suivi la même démarche et beaucoup d’associations ont alors pris un caractère plus universel. L’intégration peut se fonder sur ces associations.

Quel accueil avez-vous reçu lors de votre phase de recherche ?

J. R. B. : Les gens étaient très ouverts. Mais il est vrai que je m’intéresse aux personnes qui font des efforts pour adapter l’islam en France, donc ils sont nécessairement ouverts. Ceux qui s’enferment existent mais ils sont minoritaires et ils ne m’intéressent pas. J’étais là pour écouter et j’avais déjà des connaissances précises de cette religion, j’ai été très bien accueilli.

Quel regard portez-vous sur l’Islam de France ?

J. R. B. : Les problèmes des musulmans sont les mêmes que tout le monde : la nourriture, les enfants, etc. Il n’y a pas de problème théologique mais il y a des problèmes pratiques concrets. Les enjeux se situent surtout au niveau local, dans les municipalités. Certaines font des efforts pour trouver des solutions, comme les partenariats menés avec des abattoirs à l'occasion de la fête du sacrifice de l’Aïd, par exemple. En France, ces résolutions dépendent beaucoup du bon vouloir du maire.


* John R. Bowen, L'Islam à la française, Edition Steinkis, 2011, 324 pages.







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