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Points de vue

Islam et politique : refuser le pouvoir à ceux qui le réclament

Rédigé par Seyfeddine Ben Mansour | Vendredi 28 Décembre 2012 à 00:00

           


Islam et politique : refuser le pouvoir à ceux qui le réclament
Jean-François Copé, président proclamé de l’UMP, a appelé le 12 décembre dernier à une « trêve des confiseurs ». Même son de cloche chez son rival François Fillon, qui, la veille, sur Europe 1, lançait un « Ça suffit ! ». Les deux hommes sont néanmoins tombés d’accord sur le principe d’un nouveau vote des militants qui devrait assurer au vainqueur une légitimité au-dessus de toute contestation.

Même ton conciliant et même désir de pouvoir en Egypte, où le président Morsi a annoncé dans la nuit du 8 au 9 l’annulation du décret constitutionnel du 22 novembre par lequel il s’arrogeait des pouvoirs exceptionnels. Le référendum sur le projet de Constitution qui a eu lieu le 15 décembre devrait contribuer à légitimer le président Morsi, fortement contesté ces dernières semaines.

En islam, le pouvoir est une responsabilité valorisée en tant que telle dès lors qu’elle s’accompagne de compétence, d’humilité et de sens de l’équité. Le désir de pouvoir, en revanche, est fortement condamné. Il relève de l’orgueil et, plus généralement, des vices qui nient le principe d’égalité.

Les hadiths sont à cet égard sans équivoque. « Vous désirez ardemment le pouvoir. Ce sera là cependant une cause de regret au jour de la Résurrection. Quel heureux début, mais quelle fin terrible ! », a dit ainsi le Prophète (d’après al-Bûkhari).

Ce désir de pouvoir se traduit notamment, sur le plan pragmatique, par l’accaparement de la parole : le pouvoir est pouvoir de dire et, singulièrement, de se faire écouter par ceux qui n’en disposent pas.

D’où cet autre hadith, rapporté par at-Tabarani : « Evitez les chaires ! » Le goût pour les étiquettes, protocoles et autres usages destinés à marquer la préséance du chef, autre aspect formel, visible, du désir de pouvoir, sont, par voie de conséquence, condamnés. « Celui qui aime voir les serviteurs de Dieu se lever pour lui, qu’il se choisisse une demeure en Enfer », dit ainsi un hadith rapporté par al-Bûkhari.

Condition du pouvoir : une moralité irréprochable

Ces qualités morales qui doivent être celles du responsable politique en islam sont une partie d’un tout ; elles relèvent de la conception même du pouvoir politique telle qu’elle s’est initialement constituée à la mort du Prophète.

Cette conception dessine un système politique contractuel, qui prendra la forme d’un régime califal polycratique, où la légitimité est, entre autres, le fruit d’une élection (au sens large de « choix »), et où l’élection elle-même est liée aux qualités morales du candidat.

La légitimité des quatre premiers califes, dit « bien-guidés » (al-khulafâ ar-râshidûn), dont la moralité devait être au-dessus de tout soupçon, s’articulait ainsi autour de quatre axes : la concertation, le libre choix, la libre candidature et le serment d’allégeance.

La succession du deuxième calife Omar se déroula en deux temps : premièrement, la désignation d’un collège en vue de sélectionner les candidats, et, deuxièmement, l’élection. Quant à la succession du troisième calife, elle fut organisée par une concertation libre entre les six prétendants, choisis par la communauté pour leur mérite. Aucun d’entre eux, en effet, ne l’avait réclamé.

Abû Mûsa al-Ash’ari rapporte à cet égard un hadith significatif : « Un jour que j’étais chez le Prophète avec deux de mes cousins, l’un d’eux dit : "Ô Envoyé de Dieu ! Accorde-nous le commandement de certaines des régions que Dieu l’Exalté t’a confiées !" L’autre fit aussi la même demande. Ce à quoi l’Envoyé de Dieu répondit : "Par Dieu, nous ne confions jamais le pouvoir ni à celui qui le réclame, ni à celui qui le convoite." »






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