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Points de vue

Les associations islamiques de France, en pleine crise de distribution du pouvoir

Par Abderrahmane Nafaa

Rédigé par Abderrahmane Nafaa | Samedi 22 Octobre 2011 à 16:22

           


La gestion du champ religieux en France représente un service public dédié aux usagers/fidèles dans le but de répondre à leurs besoins cultuels et intellectuels et de les satisfaire. Les investigations menées par les responsables/gérants font foi d’une tâche lourde et de longue haleine, afin de préserver l’identité cultuelle des pratiquants et de sauvegarder les lieux d’exercice.

À l’échelle nationale et en l’absence d’un guide spirituel et de modèles religieux compétents, les associations islamiques, gérées d’une manière ou d’une autre, tentent de tenir le coup dans le but de s’intégrer, s’il y a lieu, dans l’espace européen. L’ingérence directe des représentants de ces associations dans la sphère spirituelle des fidèles met l’accent sur le degré de leur compétence et leur contribution.

État des lieux : trois modèles de gestion

Dresser en toute transparence un portrait sur la gestion des lieux de culte musulman en France serait une aventure sans résultat définitif. La majorité représentative des associations ne permet pas d’analyser la situation réelle de ces dernières, parce qu’elle prend pour prétexte de ne pas remettre en question « les œuvres dédiées à Allah ».

Cependant, la gestion du culte musulman en France se caractérise bel et bien par l’existence de clans d’appartenances diverses, nous laissant nous interroger sur le fond de la question.
• À qui appartient la parole ?
• Qui sont les véritables garants de l’exercice religieux en France ?
• Qui gère les mosquées françaises ?

Nous sommes ainsi devant trois modèles de gestion.

• Un premier modèle « règne » depuis une trentaine d’années et n’a pas l’intention de céder sa place aux nouvelles compétences. Durant toute cette période, ce modèle a pu former autour de lui un groupe solide qui le protège et le soutient.

• Un deuxième modèle de gestion, plus compliqué, s’attache à la responsabilité autant qu’il s’attache à son Créateur. Ce genre de personnes serait prêt, si les circonstances l’exigent, à faire appel à la justice pour garder son statut de gestionnaire. Dépassé par les événements et, la plupart du temps issu de l’ignorance, ce modèle milite pour rester à la tête de l’association, qu’il conçoit comme un prestige et un honneur personnel.

• Un troisième modèle, issu de la masse étudiante et doté de compétences considérables, prévoit la consolidation du groupe et le maintien des préceptes « réels » de l’islam. Ce modèle ne trouvant pas de satisfaction chez la première génération de musulmans se lance dans le débat avec la société civile et les autorités publiques.

Condamnation morale des attitudes

En l’absence d’une vraie et sérieuse démocratie de l’opinion et des règles encadrantes au sein de l’islam de France, nombre de responsables d’associations musulmanes se permettent de considérer le patrimoine collectif comme un patrimoine qui leur est propre. Leur vision, mêlée à la convoitise, se focalise sur la protection de leur « règne » avec tous les moyens nécessaires. Face à cette situation, les fidèles se trouvent dans l’obligation de courber leur échine pour bénéficier des services présentés par ces lieux de culte.

Dans des associations où les esprits et les réflexions sont renforcés, d’aucuns s’interrogent sur ces gens qui profitent surtout des esprits en repos afin de régner.

• À qui appartient donc la parole ? À ces innocents qui se livrent à des pillages intellectuels ou à ces représentants qui cherchent à défendre leurs intérêts personnels ?

La question est critique dans plusieurs mosquées de l’Hexagone.
• Où sont les imams ? Pourquoi essaye-t-on de les intimider lorsqu’ils tentent de prendre la parole ? Existe-t-il encore des garants qui pourraient transmettre la voix de ces imams et la défendre ?
• A-t-on besoin d’une condamnation fraternelle des attitudes critiquables des responsables de culte ou faut-il les mettre devant la réalité blessante qui préoccupe chacun des fidèles quand il se dirige vers un lieu de culte pour accomplir ses devoirs spirituels ?

Notre rôle est de participer à libérer les consciences des responsables des lieux de culte de leur convoitise et de leur aveuglement. Il est donc nécessaire de déchirer ces rideaux blindés qui cachent la réalité de ce qui se passe dans le territoire des mosquées.

Si nous nous permettons d’analyser cette situation, ce n’est pas par goût du récit : au contraire, c’est pour briser les frontières et libérer les fidèles qui se sentent menacés par des discours divins exploités, selon les circonstances, pour calmer les esprits et empêcher la réforme.

Ces gens/responsables doivent se convoquer devant eux-mêmes : ils doivent comprendre que le travail associatif ne peut pas réussir sans la contribution de chacun. Ils se doivent d’exploiter toutes les énergies et d’apprendre à écouter l’autre.

En l’absence de ces conditions et d’autres encore plus strictes, la crise de gestion des associations musulmanes pointe, ce qui aggrave la fissure existant entre les gestionnaires et les fidèles.

Crise de distribution du pouvoir : à quand la fin ?

À chaque phase des élections organisées au sein des associations musulmanes, des candidatures se profilent. Selon nos constats, plusieurs associations n’appliquent pas les méthodes démocratiques pour élire leurs candidats aux différents postes de responsabilité.

En général, le choix se fait selon les critères suivants :
• l’aptitude et la capacité nécessaires à l’exécution de la mission ;
• la tendance nationale du candidat (Maroc, Algérie, Turquie…).

Or l’élection d’un candidat doit suivre le réalisme et le pragmatique. Il doit s’agir d’un candidat qui peut métamorphoser les regards, loin de toute hypocrisie politique ou dogmatique, pour engendrer une mutualité pleine de convivialité et de fraternité.

Les fidèles ont besoin d’avoir avec eux de véritables guides qui les sécurisent, à l’image du lieu (la mosquée) qui les accueille. Ils ont besoin de responsables qui se propulsent du passé vers l’avenir pour se ressourcer afin de présenter une image profonde de fidélité et de fraternité religieuses. Des responsables qui les protègent des mouvements extrémistes et les aident à vivre leur spiritualité dans un climat de solidarité et de vivre-ensemble.

Dans l’esprit qui gouverne une association, il doit y avoir place pour les jeunes ainsi que pour les femmes, comme il doit y avoir un désir d’alternance.

Malheureusement, la participation des jeunes à la gestion des lieux de culte demeurent très faible, les prétextes avancés sont qu’ils sont encore fragiles et qu’ils ignorent tellement de choses de la vie ! On leur donne un statut de mineurs.
Les femmes, de leur côté, présentent, aux yeux des dirigeants, le même « gabarit » que ces jeunes, sans oublier que, selon certaines mentalités, leur place se trouve au foyer et non pas parmi les hommes. Cette situation fait des dirigeants des « gérants-statuts » et des fidèles des préposés subalternes qui doivent applaudir tout, même ce qui est mauvais.

Le moment est-il donc enfin venu pour remettre chacun à sa place afin que la machine associative puisse tourner normalement ? Est-il logique que ces « gérants-statuts » continuent à diriger les associations musulmanes et à faire subir aux pratiquants toutes sortes de mépris et de soumission ? Vont-ils s’arrêter de faire courir les fidèles dans leur cage de hamster ?

Ils doivent savoir que le voyant est passé à l’orange ! Comme ils doivent savoir également que les musulmans de France ont besoin de voir des changements radicaux. Ils attendent depuis des décennies de prendre la parole au moins une fois dans leur vie pour s’exprimer et dénoncer les comportements de leurs présidents. Les imams, de leurs côtés, ont besoin davantage de se libérer pour dénoncer ces comportements, pour dire stop à toute dictature, stop à tout dérapage et stop aux abus qui surviennent dans les lieux de culte.







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