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Points de vue

Halal : Gardons la tête froide !

Par Nasséra Benmarnia*

Rédigé par Nasséra Benmarnia | Mardi 6 Mars 2012 à 23:13

           


Dans cette curieuse campagne présidentielle, la question de l’abattage rituel musulman semble être devenue une thématique obligatoire, presque au même titre que la crise de l’euro, la dette publique ou la lutte contre le chômage.

Sans être dupes des arrière-pensées nauséabondes chez ceux qui, de Marine Guéant à Claude Le Pen, cherchent à tirer profit de ce débat, essayons d’y voir une occasion de faire le point sur ce dossier, et de proposer quelques mesures simples et pratiques.

Rappelons d’abord que l’ensemble des produits halal (c’est-à-dire licites au sens religieux du terme) représente en France un marché estimé à 5 milliards d’euros, en croissance de près de 10 % par an.
Il est évident qu’une telle manne bénéficie à l’ensemble des entreprises françaises de la filière agroalimentaire. En clair, le halal profite à tous, musulmans ou non.

Par ailleurs, à l’heure actuelle, il n’existe pas de système efficace permettant la traçabilité des produits supposés halal.
Cette situation qui lèse en premier lieu le consommateur musulman est due à trois causes essentielles :
• l’hypocrisie des pouvoir publics qui ont fait le choix de sous-traiter le contrôle de ces produits à des institutions religieuses (Grandes Mosquées de Paris, d’Evry…) qui n’ont manifestement ni les moyens ni la volonté d’assumer une mission d’une telle ampleur ;
• la réticence, pour ne pas dire plus, des professionnels du halal de doter les circuits d’abattage et de distribution d’une véritable transparence ;
• l’inertie du CFCM (Conseil français du culte musulman), qui, en près de 10 ans d’existence, n’a pu présenter ni cahier des charges, ni label, ni procédure sérieuse de contrôle.

Dans ces conditions, il s’est créé autour de la question du halal, un climat délétère, propice aux amalgames et aux manipulations.

Pour y remédier, il est nécessaire que le prochain gouvernement organise une concertation avec l’ensemble des secteurs concernés :
• services de l’Etat ;
• éleveurs ;
• transporteurs ;
• abatteurs ;
• distributeurs ;
• associations de consommateurs, de défense des animaux ;
• institutions religieuses ;

qui devra se fixer trois objectifs :
• la création d’un label unique halal sur le plan national, à l’instar de ce qui existe déjà pour le bio ou les différentes AOC ;
• l’établissement d’un cahier des charges strict, fixant les obligations des opérateurs prétendant au label halal ;
• l’instauration d’une taxe parafiscale perçue par l’Etat et réaffectée à la Fondation pour les œuvres de l’islam de France, créée le 31 mai 2005 et invisible à ce jour. Un taux minimal de 0,2 % dégagerait 100 M€ par an et permettrait de financer la nécessaire construction de lieux de culte, dans le strict respect du principe de laïcité.

Si ces quelques mesures sont suffisantes pour régler la question du halal sur le plan technique et réglementaire, elles sont évidemment loin d’apaiser le débat actuel, car celui-ci est provoqué par la prise de conscience d’une réalité durable : la volonté de consommer halal d’une part de plus en plus importante de la population française.

Cette revendication, contrairement aux fantasmes véhiculés à l’heure actuelle, est d’abord individuelle et ne revêt aucun caractère obligatoire ni contraignant.

Dans cette optique, le fait que des familles souhaitent que leurs enfants aient accès au halal, y compris à la cantine, doit être envisagé avec pragmatisme, sans à-prioris, et surtout en ramenant le problème à ses justes proportions.

Après tout, la totalité des cantines de France et de Navarre servent bien du poisson le vendredi, sans menacer pour autant l’unité nationale ni le pacte républicain !

Les citoyens français de confession musulmane ont pour l’essentiel les mêmes aspirations que l’ensemble de la communauté nationale (sécurité, éducation, santé, pouvoir d’achat…).

Certains, parmi eux, souhaitent consommer halal, ce qui nécessite quelques aménagements, afin de respecter les droits de tous les consommateurs, ainsi que la liberté effective d’exercice du culte.

Il est tout à fait possible d’y parvenir à condition de faire preuve de pragmatisme et d’éviter les procès d’intention ainsi que la stigmatisation inutilement blessante des musulmans ; bref, en gardant la tête froide !


* Nasséra Benmarnia est directrice d'UFM13, l'Union des familles musulmanes des Bouches-du-Rhône, créée en 1996.






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