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Points de vue

Du MTLD au FLN, au crépuscule de la guerre d’Algérie

Rédigé par Mehdi Benchabane | Lundi 2 Novembre 2015 à 12:38

           


De g. à dr. : Ferhat Abbas, Mohamed Boudiaf, Rabah Bitat, Ahmed Ben Bella et Hocine Aït Ahmed, en 1962.
De g. à dr. : Ferhat Abbas, Mohamed Boudiaf, Rabah Bitat, Ahmed Ben Bella et Hocine Aït Ahmed, en 1962.
Depuis les massacres de Sétif et Guelma en mai 1945, les partis indépendantistes algériens comme le PPA (Parti du peuple algérien) de Messali Hadj furent obligés de passer à la clandestinité. Il n'en demeure pas moins que les actions continuèrent et que le processus de décolonisation enclenché à l'échelle mondiale ne pouvait désormais plus épargner le Maghreb.

Jusqu'à présent, Messali Hadj (voir la thèse de Benjamin Stora) était le chef de file d'une autonomie puis d'une indépendance défendue dès les années 1920. Et dont le combat s'est renforcé avec le soutien du Parti communiste, d'une part, puis avec le soutien d'une petite élite algérienne reléguant le message aux masses populaires, d'autre part.

Dans le même temps, un autre courant était porté par Ferhat Abbas, pharmacien à Sétif, soutenu par un ensemble d'intellectuels algériens et défendant une politique d'autonomie au sein du giron français : l'Union démocratique du manifeste algérien.

Cependant, cette vision longtemps optimiste de Ferhat Abbas disparaît sur le long terme surtout après les violences de 1945. Il est désormais définitivement acquis à une séparation nette avec la puissance coloniale qui ne voulut pas entendre la voix d'un homme qui incarna pendant longtemps une troisième voie. Le PPA de Messali Hadj désormais interdit devint le MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques). Malgré un nombre d'adhérents assez limité, il bénéficia d'un écho non négligeable auprès des sympathisants de la cause indépendantiste, toutes classes confondues, et demeura sans doute l'organe le plus actif parmi les Algériens.

Le groupe des Six.
Le groupe des Six.

La lutte armée jusqu'à l’indépendance

Au début des années 1950, une crise profonde traverse le mouvement : l'ombre omniprésente de Messali Hadj devient insupportable pour certains adhérents qui souhaitent un pouvoir plus équilibré et une collaboration plus active entre les sympathisants. Deux camps s'affrontent : des militants fidèles à la figure tutélaire de Messali menant une politique de manifestations engagées sur le long terme, et des militants plus jeunes gagnés à la cause de l'action directe, c'est-à-dire armée.

En 1953, la rupture est consommée : Ben Khedda, Kiouane, Lahiouel s'emparent du comité central du MTLD. Dans la foulée, ils créent en 1954 le CRUA (Comité révolutionnaire d'unité et d'action), qui, comme son nom l'indique, vise à mettre en œuvre des actes de résistances armées sur tout le territoire algérien. C'est ainsi qu’apparaît le FLN (Front de libération nationale) la même année, avec à sa tête le groupe des six composé en partie d'anciens officiers de l'armée française devenus célèbres par la suite : Larbi Ben M'hidi, Rabah Bitat, Mostafa Ben Boulaid, Mohamed Boudiaf, Krim Belkacem, Didouche Mourad.

Leur objectif est clair : la lutte armée jusqu'à l’indépendance. C'est ainsi que le MTLD de Messali Hadj passe au second plan et insiste sur sa légitimité historique face au nouveau rival. Avec des moyens très modestes tant en armes qu'en effectifs, le FLN s'inspire des actions militaires d'autres mouvements politiques. Comme le cas indochinois (Hô Chi Minh), où des soldats algériens étaient présents lors de la défaite française de Diên Biên Phu. Combattre permet aussi de mettre en avant la question algérienne sur le plan international, et ainsi d'obtenir le soutien des puissances arabes, mais surtout celle des États-Unis et de l'URSS favorables au processus de décolonisation.

1er novembre 1954 : la « Toussaint Rouge »

Le FLN décide de frapper, le 1er novembre 1954. Une série d'attaques et d'attentats sont lancés dans toute l'Algérie provoquant la stupeur des autorités coloniales prises de cours. En témoigne cette attaque du commissariat d'El Khroub dans le Constantinois par Mohamed Larbi Ben Abdelkader dans la nuit du 1er au 2 novembre qui fit plusieurs morts parmi les policiers.

Longtemps considérée comme une organisation terroriste par Paris, de Mendes France à De Gaulle, il n'en demeure pas moins que le FLN devint l'interlocuteur officiel durant les accords d'Evian (signés en mars 1962) et qu'il fut l'un des acteurs majeurs de la guerre d'Algérie.

Grand artisan de l'indépendance mais aussi garant d'un pouvoir qu'il ne souhaita pas partager, aux dépens du MTLD avec qui les confrontations furent très violentes jusqu'en métropole (« guerres des cafés »), le FLN connut des tensions internes vivaces entres ses leaders (groupe de Tlemcen contre le GPRA) avant de prendre les rênes de l'Algérie algérienne en 1962.

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Mehdi Benchabane, professeur d’histoire-géographie, est notamment l’auteur de L’Émir Abdelkader face à la conquête française de l’Algérie (1832-1847), Edilivre, 2014. Il anime la page Facebook Histoire du Maghreb contemporain.





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