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Points de vue

Dernier crime à Gaza : le crime de haute trahison

Rédigé par Christophe Oberlin | Mercredi 6 Août 2014 à 15:00

           


Dernier crime à Gaza : le crime de haute trahison
Aujourd’hui est un jour de deuil supplémentaire pour les Palestiniens. Ce mardi 5 août, Riad Al-Maliki, ministre des Affaires étrangères de Palestine, a obtenu de Fatou Bensouda, procureure de la Cour pénale internationale (CPI), l’annulation de la plainte déposée le 25 juillet par Saleem Al-Saqqa, ministre palestinien de la Justice, et Ismaïl Jaber procureur général de Gaza, pour les crimes de guerre commis à Gaza par l’armée israélienne.

Cette plainte, élaborée par les meilleurs spécialistes du droit International, avait reçu l’appui de 130 professeurs de droit de par le monde qui avaient affirmé sa complète recevabilité au regard des statuts de la CPI. Dès la publication de la plainte, le président palestinien Mahmoud Abbas, le représentant de la Palestine à l’ONU, et Leïla Shahid, ambassadrice de Palestine auprès de l’Union européenne, ont développé une stratégie en vue de l’annulation de la plainte.

Le représentant à l’ONU a prétendu, à l’unisson avec la partie israélienne, que le dépôt de plainte risquait de se retourner contre la résistance palestinienne, ce qui est juridiquement faux (article 31D du statut de la CPI). Leïla Shahid est allée dans le même sens, provoquant le 4 août, une réaction officielle du Hamas par l’intermédiaire de son porte-parole Sami Abu Zouhri :

« N’écoutez aucune voix qui suggérerait que nous serions opposés à une action auprès de la Cour pénale internationale. Certaines personnes disent que le Hamas ou d’autres personnes résistantes pourraient être victimes d’une telle démarche, mais ce n’est pas vrai. Ce n’est que de la propagande. Rien de ce que nous faisons ne nous fait peur. Nous sommes sous occupation et c’est notre droit, selon la loi, de résister. Et c’est aussi le droit de notre population d’être défendue. »

Céder aux pressions, taire la justice

Ces pressions sur la CPI aboutissant à l’annulation de la plainte étaient malheureusement prévisibles. Déjà à la suite de guerre de l’hiver 2008-2009, Mahmoud Abbas avait dépêché Riad Al-Maliki auprès du procureur de la Cour, aboutissant à l’annulation de la procédure de plainte en cours. Ce sont les mêmes acteurs aujourd’hui qui sont à la manœuvre.

Il faut dire que la plainte déposée le 25 juillet, outre les crimes de guerre, mentionnait le crime de colonialisme, faisant ainsi peser une lourde menace sur Israël : dès la plainte transmise à la chambre intermédiaire, les entreprises étrangères travaillant dans les territoires occupés devenaient susceptibles de poursuites pour complicité. Les conséquences économiques pour Israël auraient pu être rapides, bien avant que n’advienne le jugement des commanditaires des crimes de guerre. Avant même que la bataille des armes ne soit terminée, Benjamin Netanyahu a remporté, grâce à Mahmoud Abbas et Leïla Shahid, une victoire politique déterminante : la menace économique est éloignée.

L'appel à adhérer à la CPI, un leurre

Comme toujours en pareilles circonstances, la communication palestinienne, et en particulier Leïla Shahid, prétend avoir une autre stratégie : celle de l'adhésion à la CPI. Pourquoi ne l’avoir pas fait plus tôt ? La supposée nécessité de reconnaissance préalable de l’Etat palestinien à l’ONU est un mensonge juridique. Mahmoud Abbas et Leïla Shahid auraient pu saisir la Cour depuis près de dix ans. Trois massacres à Gaza auraient peut-être pu être évité.

La décision de faire taire le droit met à nouveau en lumière le jeu meurtrier et la nature réelle de l’Autorité palestinienne. A-t-elle servi les Palestiniens en 2006 lorsqu'après avoir perdu les élections elle tente de reprendre le pouvoir par les armes ? A-t-elle servi les Palestiniens en 2006 lorsqu’elle condamne la capture d’un soldat israélien au poste de combat ? A-t-elle servi les Palestiniens en 2009 quand elle contribue à enterrer le rapport Goldstone sur les crimes commis à Gaza ?

Sert-elle les Palestiniens quand elle soutient officiellement le nouveau dictateur égyptien qui est à l’origine de la fermeture du seul point de passage de Gaza avec le monde ? Sert-elle les Palestiniens lorsque son président déclare quelques jours avant l’attaque israélienne : « Les tunnels entre Gaza et l‘Egypte sont illégaux. Nous (sic) avons essayé de les détruire, nous (sic) avons construit un mur d’acier souterrain, nous (sic) avons essayé de les noyer. »

Détruire le Hamas à tout prix

Toutes ces attaques ont en fait pour but de détruire un parti politique à référence culturelle musulmane, le Hamas, et quel qu’en soit le prix pour la population palestinienne.

Le droit international étant bafoué, force est d’observer à nouveau le droit national palestinien bafoué lui aussi. Le président Abbas, selon des lois fondamentales palestiniennes, a terminé son mandat en janvier 2009. Des élections ne pouvant avoir lieu, c’est le président du Parlement Aziz Duwaik qui aurait dû le remplacer. Aziz Duwaik est en prison. Alors que le Parlement aurait dû légalement voir son mandat prolongé, nombre de parlementaires ont été emprisonnés, parfois avec l’appui de la police palestinienne, et le Parlement est empêché de fonctionner.

Ainsi, on se bouscule aujourd’hui, parmi les dictatures arabes, pour être « le meilleur ennemi d’Israël ». Le président actuel est donc illégal autant qu’illégitime. Mahmoud Abbas règne sur un champ de ruines physique, politique et moral. Il sert l’intérêt de l’ennemi. La Palestine a son gouvernement de Vichy qui ne représente pas les Palestiniens, pas plus que Vichy ne représentait la France. Que ceux qui le contestent osent organiser des élections libres et non faussées à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.

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Christophe Oberlin est chirurgien orthopédiste, engagé depuis 30 ans dans l'humanitaire, et professeur émérite à l'université Denis-Diderot - Paris 7.






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