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Société

Contre les instrumentalisations, l'Observatoire de la laïcité rappelle le droit

Rédigé par | Jeudi 9 Juin 2016 à 18:30

           

L’Observatoire de la laïcité a dévoilé, mercredi 8 juin, son troisième rapport annuel. Un document qui rappelle la législation en vigueur après une année 2015 marquée par des attentats et de fortes tensions identitaires.



Anouar Kbibech, président du Conseil français du culte musulman (CFCM), et Jean-Louis Bianco, président de l'Observatoire de la laïcité lors du 25e anniversaire des Scouts musulmans de France. © Saphirnews.com
Anouar Kbibech, président du Conseil français du culte musulman (CFCM), et Jean-Louis Bianco, président de l'Observatoire de la laïcité lors du 25e anniversaire des Scouts musulmans de France. © Saphirnews.com
Voici six mois, Elisabeth Badinter déclenchait une polémique en affirmant qu’il ne fallait « pas avoir peur d’être traité d’islamophobe ». Nicolas Cadène, rapporteur de l'Observatoire de la laïcité, avait alors condamné ces propos suscitant ainsi une controverse au sein de l'institution.

Elle fut une occasion pour le président de l’Observatoire, Jean-Louis Bianco, de rappeler, après la fâcheuse intervention du Premier ministre Manuel Valls dans le débat, que, de la laïcité, « il n’y a pas deux lignes, il n’y en a qu’une ». Mais aujourd’hui, l’institution appelle à l’apaisement au travers de son troisième rapport annuel publié mercredi 8 juin.

Le document, qui s'étale sur près de 400 pages, débute par un message aux médias où l’Observatoire appelle à davantage de prudence : « Le caractère éventuellement "passionné" du traitement médiatique de la laïcité prend le risque, de fait, d’empêcher toute approche rationnelle. » Les rapporteurs du rapport dénoncent la perception religieuse de la laïcité diffusée par les médias. Le président François Hollande est cité à cet effet lorsqu’il a expliqué en 2013 que « la laïcité n’est pas un dogme de plus, elle n’est pas la religion de ceux qui n’ont pas de religion. Elle est l’art du vivre-ensemble ».

Dans la synthèse du rapport, Jean-Louis Bianco rappelle que son rôle consiste essentiellement à rappeler à la société et à ses institutions ce que dit la loi : « Face aux replis identitaires et aux pressions contre la République, que l’on ne doit surtout pas nier, mais aussi face à l’instrumentalisation dangereuse et trop courante de la laïcité, tous nos travaux s’attachent à rappeler le droit, à rappeler ce qui est possible et ce qui ne l’est pas, et sous quelles conditions. »

Des guides pratiques pour une laïcité apaisée

Le rapport, qui indique que « les atteintes directes au principe de laïcité ne semblent pas en augmentation » par rapport à 2015, met en valeur quatre guides pratiques - réactualisés - pour répondre aux différents cas de conflits autour de la laïcité. Le premier portant sur les collectivités locales rappelle notamment que les agents du service public sont soumis à un devoir de neutralité les interdisant de « manifester leurs croyances religieuses (ou leurs convictions politiques) par des signes extérieurs, notamment vestimentaires ». Cependant, il rappelle aussi que les élus ne sont pas concernés par cette interdiction, de même pour les « collaborateurs occasionnels du service public » dont les accompagnateurs de sortie scolaire.

Le second guide portant sur le monde de l’entreprise privée précise, par exemple, que lors d’un entretien d’embauche, un candidat ne peut être interrogé sur sa religion. Un autre guide est adressé aux structures socio-éducatives. Enfin, le quatrième guide, adopté en février dernier, concerne les établissements publics de santé et adresse des règles claires quant à la gestion du fait religieux dans les hôpitaux.

Contre les instrumentalisations, l'Observatoire de la laïcité rappelle le droit

Des initiatives à valoriser

Au cours de l'année passée, diverses initiatives autour de la laïcité ont été déployées. L'Observatoire estime que « les collectivités, les préfectures, les associations ou les citoyens eux-mêmes ont un impact positif certain tout en restant le plus souvent méconnues. Ces initiatives doivent être mises en valeur et démultipliées sur l’ensemble du territoire ».

C’est la raison pour laquelle il a remis des Prix de la laïcité de la République française le 9 décembre 2015 à la Bibliothèque nationale de France. L’école d’art Brassart de Tours a obtenu le premier prix après avoir réalisé 18 affiches « visant à promouvoir le principe de laïcité auprès de divers publics ».

La laïcité, toujours mal comprise à l’étranger

Face aux nombreuses polémiques qui fracturent la société, le modèle français de laïcité reste souvent incompris dans les pays étrangers. L’Observatoire désigne trois critiques majeures récurrentes à l’égard de ce modèle : « On lui reproche d’être liberticide dans la mesure où elle ferait obstacle à la liberté de conscience et de culte. Elle est jugée antireligieuse dans les pays où la religion occupe une grande place dans la vie civile (Sénégal, Nigéria, Mexique, Brésil, Géorgie, Oman…), mais pas seulement (Royaume-Uni), puisqu’elle entraverait les pratiques religieuses. Elle est considérée comme discriminante, notamment au détriment de l’Islam (Turquie, Algérie, Malaisie, Singapour, Autriche, Soudan…). »

Si le rapport indique que ce sont essentiellement les pays musulmans qui sont hostiles au modèle français, « il convient aussi de noter que les membres des minorités religieuses en pays musulmans, longtemps favorables à un système confessionnel à la libanaise, s’expriment de plus en plus en faveur d’une laïcité dont le modèle français serait la référence. »

Malgré la condamnation unanime des attentats de janvier 2015, des « critiques se sont élevées dans le même temps contre l’autorisation par la France de publier les caricatures ». Néanmoins, en Islande, ce débat a abouti à la suppression de la loi pénalisant le blasphème. L’Observatoire préconise de « continuer à solliciter les représentations diplomatiques de la France » et de « multiplier les initiatives expliquant ce principe majeur de la République ».






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