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Points de vue

Aïd et Kippour pour tous

Rédigé par Samia Hathroubi | Samedi 26 Septembre 2015 à 08:00

           


Aïd et Kippour pour tous
Hier, toutes les écoles publiques new-yorkaises étaient fermées. Non ce n'était pas Noël. Ni Thanksgiving. Ni une grève générale. C'était l'Aïd-el-Kébir ou al-Adha, soit la plus importante fête musulmane commémorant le sacrifice du patriarche Abraham, fondateur des trois monothéismes.

Cette décision prise par le maire de New York Bill De Blasio et saluée par tous a eu lieu dans l'une des villes les plus cosmopolites du monde.

Pourtant, en terme de diversité culturelle et religieuse Paris et la France n'ont rien à envier à la Grosse Pomme. Je me souviens que chaque retour de classe après les fêtes de l'Aïd que j'ai toujours célébrées en famille ont été pour mes frères et sœurs et moi une source d'angoisse. Combien d'heures de colle, de remarques n'ai-je pas encaissés alors collégienne puis lycéenne?

Bien sûr, tout cela dépendait de l'appréciation et du bon vouloir du professeur et de sa vision de la laïcité, déclinée à toutes les sauces...

Ce n'est qu'une fois de l'autre côté de l'Education nationale en tant qu'enseignante que j'ai pris conscience de mes droits.

Qu'on le dise et le répète, le calendrier officiel des institutions publiques permet aux élèves et aux agents de l'Etat de bénéficier d'un jour de congé dont Yom Kippour et l'Aïd qui, cette année, tombaient respectivement le 23 et 24 septembre. Néanmoins, nous avons encore vu des écoles outrepasser leur droit, menaçant de sanctions parents et élèves en cas d'absence. Au nom de quels droits ? De quelles règles ? Je cherche encore...

Mais au-delà de cet ajustement qui est aussi souvent présent dans le secteur privé, ne serait-il pas temps que la France qui est l'un des pays les plus diversifiés et abrite les plus grandes communautés juives et musulmanes en terme de nombre permette l'installation de deux jours fériés empruntés aux calendriers musulman et juif?

Qu'on ne vienne pas me parler de laïcité tellement dévoyée qu'elle est devenue l'étendard de Marine Le Pen et autres municipalités de tous bords confondus pour faire la chasse à tous ceux qui ne mangent pas de porc. A tous les tenants d'une vision erronée de cette laïcité, je rappellerai que l'intégralité du calendrier scolaire français est calqué, je dis bien calqué, sur le calendrier chrétien.

Qu'on ne vienne pas me parler d'Histoire de France ou de l'ancienneté des deux monothéismes sur notre territoire.

Le judaïsme est pluriséculaire dans notre pays et qu'on le veuille ou non, la France a une histoire avec la religion musulmane au moins depuis le premier tiers du XIXe siècle à moins de faire fi d'un revers de main de la présence de l'Algérie alors département français sans parler aujourd'hui de Mayotte.

Si aujourd'hui ces deux jours fériés ne sont pas une réalité pour des millions de nos concitoyens, c'est d'abord à cause la frilosité des pouvoirs publics plus enclins à craindre les relents ou les réactions xénophobes d'une partie de l'opinion publique que ceux d'une France capable d'accepter et d'apprécier sa réalité diverse et multiculturelle.

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Samia Hathroubi, ancienne professeure d'Histoire, est engagée en Europe dans le domaine de l'interreligieux et celui des questions liées aux minorités religieuses.





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