Arts & Scènes

Téléphone Arabe : l’humour pour combattre les images racistes

Rédigé par | Mercredi 23 Mars 2016 à 09:00

De multiples initiatives sont déployées à l'occasion de la Semaine contre le racisme inaugurée lundi 21 mars. L'une d'elles émane de l’association Remembeur, qui a mis en place le dispositif itinérant, multimédia et interactif « Téléphone Arabe », composé d’une exposition et de projections de courts-métrages afin de tourner en dérision l’expression populaire du racisme en France. Reportage.



Place de la République lundi 21 mars. Entre le Monument à la République et le café tendance Fluctuat a pris place le dispositif « Téléphone Arabe », mise en place par l’association Remem'beur, l’installation comporte le bus Caravanserail ainsi que l’exposition « Attention travail d’arabe ».

Les organisateurs rappellent que l’expression « travail d’arabe » désignait auparavant une tâche délicate et soignée, à l’image de l’Alhambra de Grenade. La colonisation et le racisme en ont fait une expression désignant un travail bâclé. L’exposition présente une série de détournement d’images issues de l’iconographie populaire et qui dénoncent avec ironie le racisme.

« Il y a de l’humour, ça frappe où il faut, ça me plait beaucoup », commente Daniel, 54 ans, un passant. « J’aime bien que les messages soient visuels parce qu’on entend beaucoup de discours sur ces sujets là. Cela permet d’aborder les choses de façon plus ludique », surenchérit Delphine, 23 ans.

L'humour, un super ambassadeur

L’auteur de l’expo, Ali Guessoum a fondé l’association Remem’beur en 2011, qui travaille sur la mémoire et la contribution de l’immigration dans le roman national français. « Nos parents ont construit la France et nous on déconstruit les préjugés », explique le quinquagénaire, né en Algérie et qui a rejoint ses parents en France à l’âge de 7 ans.

À la tête d’une agence de communication depuis plus de 25 ans, il pense que les militants de sa génération ont parfois manqué un peu de légèreté pour se faire entendre : i[«]I L'humour est un super ambassadeur. Une fois qu’on a rigolé, on peut parler de choses sérieuses. Si on commence par plomber les gens avec une vision dramatique, c’est compliqué. »

Avec l'exposition, on retrouve le Caravansérail, un bus comportant un dispositif d’enregistrement vidéo destiné à alimenter un web-documentaire qui relayera la parole citoyenne. L’idée est simple : les visiteurs sont encouragés à venir raconter leurs histoires du quotidien reflétant une discrimination.

« Cela permet au public de témoigner des discriminations. Les gens n’osent pas trop parler. On laisse trop les gens parler à notre place. Il faut une réappropriation de la narration », explique Ali Guessoum.


Six films d'animation pour raconter le quotidien des discriminés

Cela fait une douzaine d’années que Mabrouck Rachedi fait ce travail de réappropriation. L’auteur du Petit Malik et du Poids d’une âme a rédigé les scénarios et les dialogues de la série de courts-métrages animés diffusés dans le bus. Les six petits films racontent chacun le quotidien des discriminés sur les thèmes de l’accès au logement, de l’emploi, de l’école, du genre, de la santé et de l’origine.

Ali Guessoum s’est cette fois chargé de la réalisation. « C’était une rencontre artistique entre Ali et moi. C’est parce que j’admire son travail que je me suis inscrit dans cette démarche. On a essayé de construire un message intelligent et créatif », explique Mabrouck Rachedi.

Le résultat est réussi puisque chaque film raconte de façon originale et drôle les problématiques du quotidien. Exemple avec le thème de la santé, illustré par un clip de rap animé avec pour refrain « Je vis pas au Carlton », parodiant ainsi le morceau « Fresh Prince » de Soprano. Un autre court-métrage montre la réalité du plafond de verre auquel sont confrontées les femmes au travers d’un jeu-vidéo dont l’issue est fatalement un « Game ovaires ».

L’installation « Téléphone Arabe » est présente place de la République mercredi 23 mars de 10h à 18h. Elle sera présentée le 25 mars à la Maison des associations de Roubaix, puis en septembre à Montpellier et à Béziers, dirigé par Robert Ménard.

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