Sur le vif

Syrie : une étude inédite sur les familles de jeunes endoctrinés

Rédigé par Christelle Gence | Vendredi 25 Avril 2014 à 06:00

Dounia Bouzar, anthropologue du fait religieux, a sondé 40 familles de jeunes musulmans radicalisés qui ont contacté le Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam (CPDSI), entre février et avril 2014. De leurs déclarations, elle en a tiré une première étude que Saphirnews a pu consulter cette semaine. Principal enseignement : ils sont pour la plupart issus de familles athées et de nationalité française, sans origine particulière.



C’est l’un des faits les plus marquants de ces statistiques. Les familles des jeunes « endoctrinés », selon les termes du CPDSI, sont majoritairement athées, pour près de deux tiers d’entre elles (63,3 %). Seulement 20 % des familles sont de confession musulmane, non pratiquantes pour la plupart (13,3 %). La plupart d'entre eux sont des jeunes convertis qui manquent souvent d'un cadre et d'un accompagnement religieux adaptés.

Les familles des jeunes endoctrinés sont pratiquement toutes de nationalité française (96,7 %). Un tiers d’entre eux ont des grands parents nés à l’étranger (30 %), parmi lesquels 16,7 % sont originaires du Maghreb (6,7 % d'Algérie et de Tunisie, 3,3 % du Maroc).

Très souvent pointé du doigt, le rôle d’internet dans la radicalisation des jeunes est passé au crible par l’étude : 90 % des endoctrinements ont un lien avec Internet. Mais le web ne fait pas tout. Il est l’unique vecteur de radicalisation pour 6,7 % des jeunes seulement. Pour les autres, plus de 80 % des cas, c’est la combinaison d’internet et de l’intervention d’un interlocuteur physique qui fait basculer les jeunes. La moitié a d’abord rencontré une ou des personnes qui les a sensibilisés, avant d’aller surfer sur des sites extrémistes. C’est l’inverse pour un tiers des jeunes.

En dehors de ces trois enseignements clairs, l’étude fournie par Dounia Bouzar met en lumière la difficulté à dresser un profil type du jeune endoctriné. Certains constats peuvent néanmoins être établis. Les jeunes concernés sont majoritairement des filles (60 %). Souvent, ils sont issus de familles appartenant à la classe moyenne (63,3 %), et ils résident, pour près de la moitié d’entre eux, dans la région parisienne (46,7 %).

Un tiers des jeunes est déjà parti est Syrie (36,6 % dont 10 % sont morts), et 16,7 % d’entre eux essayeraient de s’y rendre. Les endoctrinés sont, pour 20 % d'entre eux, des mineurs, et 43,3 % sont de jeunes adultes (18-21 ans). Des chiffres en accord avec les propos de Laurent Fabius, selon qui « les gens partent plus nombreux et plus jeunes ». Le ministre des Affaires étrangères a estimé à 500 le nombre de Français partis combattre en Syrie, un chiffre qui aurait doublé en trois mois.