Finance éthique

Salama Assurances : « Notre système de gestion est conforme à la religion musulmane »

Rédigé par | Mardi 21 Octobre 2014 à 06:00

En termes de croissance, l’assurance takaful, équivalent islamique de l’assurance classique offrant à la fois des produits d’assurance vie et des produits d’assurance dommages, a bondi de plus de 300 % en 5 ans de par le monde. L'Algérie, qui compte 38,7 millions d'habitants et connaît un taux de croissance annuel de 2 %, est la 4e puissance économique du continent africain. Bien que le marché de la finance islamique y est encore tout récent, l'assurance takaful enregistre une expansion notable. Interview d'Abdelhakim Hadjou, directeur général de Salama Assurances Algérie qui s'est lancée sur ce secteur.



Selon Abdelhakim Hadjou, « l'assurance takaful n'existe qu'à travers Salama Assurances Algérie, face à une majorité d’assurances conventionnelles qui dominent le marché algérien ».

Peut-on avoir un aperçu sur Salama Assurance Algérie ?

Abdelhakim Hadjou : Salama Assurance est une compagnie d’assurance de droit algérien, créée en 2000. Nous appartenons à un groupe international d’assurance et de réassurance, Salama-lslamic Arab Insurance Company (IAIC). Notre filière algérienne dispose de plus de 200 points de vente et de 6 directions régionales.

Quels sont les activités et les produits offerts par Salama Assurances ?

Abdelhakim Hadjou, DG de Salama Assurances Algérie.
Abdelhakim Hadjou : Nous mettons à la disposition de nos clients particuliers et entreprises une gamme complète de produits d’assurance. Salama est la seule compagnie takaful en Algérie. En dépit de l’inexistence d’une réglementation spécifique qui régit ce type d’opération takaful, nous nous efforçons donc à appliquer notre modèle de gestion autant que la réglementation locale nous le permet. Il est utile de signaler que notre groupe est spécialisé dans le takaful à travers le monde.
A la lumière des visas obtenus du ministère des Finances, Salama offre à sa clientèle toute une gamme de produits. Il s’agit notamment de couverture des risques inhérents à l’automobile, à l’habitat, aux activités des professions libérales, aux transports, à l’engineering et aux risques techniques, aux responsabilités civiles et autres destinées aux particuliers, aux PME-PMI et aux professions libérales.
D’autre part, Salama dispose d’un éventail de produits destiné aux ménages devant répondre parfaitement aux besoins de couvertures des familles sous forme de solutions pour constituer une épargne pour la retraite, la protection en cas de décès ou d’accident, de maladie ou d'invalidité, par l’attribution aux ayants droits d’un capital ou de prestations. Ces formules permettent aussi d’ouvrir droit à un capital en cas de maladie grave, ce qui est souvent exclu de la garantie par les produits classiques.
La filiale spécialisée (Assurances de personnes) que nous comptons lancer prochainement prendra en charge cette gamme de produits.

Malgré l’absence de réglementation spécifique, vous avez lancé des produits takaful sur le marché algérien ; quels sont les obstacles que vous avez rencontrés pour implémenter le takaful en Algérie ?

Abdelhakim Hadjou : Takaful est une notion qui remplace l’assurance conventionnelle. Le takaful n’est pas seulement un concept mais aussi tout un modèle de gestion qui répond aux préceptes de la charia. L'opérateur, la compagnie d’assurances propose à la clientèle des couvertures de protection des personnes, du patrimoine et des responsabilités sous forme de nouvelles formules alternatives à l’assurance conventionnelle fondées sur le principe de la solidarité entre les membres de la mutualité formée par l’ensemble des participants.
En Algérie, l'assurance takaful n'existe qu'à travers Salama Assurances Algérie, face à une majorité d’assurances conventionnelles qui dominent le marché. Le service offert par l’assurance takaful est le même proposé par l’assurance traditionnelle, la différence réside dans le système de gouvernance. Cela veut dire, que le takaful repose sur des principes bien déterminés, notamment une organisation particulière de l’entreprise en adoptant comme conseillers et superviseurs à la fois des spécialistes de la charia musulmane.
Une assurance islamique est aussi dotée de deux fonds séparés : le premier est propre aux participants tandis que l’autre fonds est réservé pour les capitaux. Toutefois, il est tout à fait prévu de soutenir le premier fonds par le deuxième dans le cas de déficit.
Quant au principe le plus important et le plus évident est celui d’éviter la riba (taux d’intérêt). Pour ce faire, il est bien à noter que les fonds sont déposés dans les banques islamiques existantes en Algérie afin de financer des projets d’investissement. Cela permettra de fructifier les fonds grâce à des ribh (bénéfices) variables au lieu d’un taux d’intérêt riba, qui, par contre, lui, est fixe et déterminé à l’avance.
Cependant, la réglementation algérienne est très exigeante en ce qui concerne la gestion des fonds et leurs flux. Cela réduit les choix d’investissement pour les banques islamiques qui optent, par exemple, à investir dans la création des entreprises ou dans le commerce international.

Quelle est l'évolution de Salama Assurances, depuis sa création en 2000 ?

Abdelhakim Hadjou : Salama Assurances a enregistré en 2013 un taux d’évolution de 24 %. Notre part de marché était de 2,5 % il y a cinq ans ; elle est aujourd’hui de 4,5 % avec 500 000 clients et plus de 4 milliards de dinars de chiffre d’affaires. Dans ce marché prometteur, Salama Assurance Algérie prévoit le lancement d’une assurance-vie avant la fin de l’année en cours, et ce, en s’associant avec un partenaire algérien conformément à la règle 49/51 %.

Quel modèle utilisez-vous ?

Abdelhakim Hadjou : Les différents modèles de gestion des assurances participatives takaful ont en commun le principe de séparation des fonds en deux entités juridiques distinctes : d’une part, le fonds où sont versées les cotisations des participants (assurés) chargé de payer les sinistres et les charges de fonctionnement ; d'autre part, un fonds des actionnaires de la société qui a comme objet la gestion de fonds des participants.
En fin d’exercice l’excédent sera totalement réparti entre les actionnaires et les participants selon un pourcentage préalablement définis dans le cadre du modèle moudharaba.
En cas de modèle wakala, l’excédent sera totalement versé au fonds des participants. Par contre, en cas de pertes, ces dernières seront financées par un prêt sans intérêt qardh hassan remboursable progressivement par le fonds de participants.
A Salama, nous avons opté pour un modèle hybride qui est éclectique ralliant les deux modèles, moudharaba et al wakala bi adjr maloum. Dans tous les cas, une exécution parfaite du modèle nécessite une réglementation adaptée car actuellement en Algérie il n’existe pas de réglementation spécifique régissant le takaful.

La communauté algérienne est très présente en France. Pensez-vous pouvoir proposer une offre d’assistance rapatriement, obsèques takaful aux Algériens de France ?

Abdelhakim Hadjou : Juste après le lancement de notre filiale en assurances de personnes, ce segment de marché nous intéressera certainement notamment que le dispositif réglementaire en la matière a déjà été mis en place par les autorités algériennes.
Au regard du nombre de plus en plus important d’Algériens vivant à l’étranger, notamment en France, il est utile de penser à mettre en place des couvertures spécifiques pouvant les intéresser et permettant la protection de leurs familles, c’est-à-dire que nous y pensons sérieusement.




Ezzedine GHLAMALLAH est consultant, fondateur de SAAFI, cabinet de conseil en finance islamique et… En savoir plus sur cet auteur