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Finance éthique

Finance islamique en Tunisie : nouvelle réglementation pour le takaful

Rédigé par | Mercredi 16 Juillet 2014 à 00:58

           


D’après l’agence Ecofin, l’Assemblée nationale constituante tunisienne (ANC) a adopté, le 14 juillet, un projet de loi amendant et complétant le Code des assurances dans le but d’assurer un cadre réglementaire à l’assurance islamique appelée takaful. Cet amendement va introduire cinq nouveaux chapitres dans le Code des assurances permettant d’encadrer et de promouvoir le développement du takaful en Tunisie.

Entraîné dans le sillage de la finance islamique, le takaful a connu dans le monde une croissance de plus de 300 % en 5 ans. L’assurance takaful est l’équivalent islamique de l’assurance classique, offrant à la fois des produits d’assurance vie (appelés « famille ») et des produits d’assurance dommages.

Fondements du takaful

L’islam encourage la prise de mesures de précaution contre les risques de la vie sur terre. Dans le Coran, on apprend comment le prophète Yusuf (Joseph) a rempli les silos à grains pendant 7 années de bonnes récoltes pour assurer la sécurité alimentaire de 7 années de sécheresse. L’assurance mutuelle islamique est un système d’assurance fondé sur des principes d’assistance réciproque et de contribution volontaire.

Au regard de l’islam, le contrat d’assurance de type commercial fonctionnant selon la méthode des primes fixes est entaché d’aléa excessif qui le rend illicite du point de vue du droit musulman. La solution réside dans le contrat d’assurance mutuelle fondée sur les principes d’entraide et de solidarité.

Cette forme d’assurance est non seulement admise par le droit musulman, mais aussi encouragée, car elle fait partie de l’injonction religieuse de recommander le bien et d’interdire le mal à condition cependant que l’investissement des actifs soit réalisé de manière conforme aux principes de la finance islamique. L’assurance takaful a été jugée comme étant permise par deux conseils de jurisprudence islamique : celui du Caire, en 1965, et celui de Djeddah, en 1972.

Le dernier rapport sur le takaful publié par Deloitte estime que l’industrie takaful mondiale représentera 20 milliards de dollars en 2017. Il est intéressant de noter que la prévision de 7,5 milliards pour 2015 effectuée en 1999 a été dépassée dès 2010. En effet, d’après Ernst & Young, le marché, à cette date, était déjà de 8,3 milliards de dollars après avoir connu une croissance de 19 % par rapport à 2009.

Fonctionnement du takaful

En Malaisie, pays pionner en la matière, l’article 2 de la loi de 1984 définit le takaful comme « un système fondé sur la fraternité, la solidarité et l’assistance mutuelle ». Comme dans les sociétés d’assurances mutuelles, bien qu’il soit recherché, le profit n’est pas l’objectif premier. Il est par ailleurs possible de partager les excédents, comme cela a été pratiqué par la Compagnie islamique d’assurance au Soudan en 1979. Cette société a été en mesure de distribuer ses excédents à ses participants, à raison de 5 % en 1979, de 8 % en 1980 et de 10 % en 1981.

L’AAOIFI (Accounting and Auditing Organization for Islamic Financial Institutions) définit le takaful comme un accord entre personnes présentant des risques déterminés et ayant pour finalité la réparation des dommages par le versement de cotisations sur le fondement de donations. Le fonds mutuel d’assurance ainsi formé peut être géré en fonction du modèle retenu par un comité choisi parmi les assurés ou par une société de gestion.

On peut retenir cinq éléments clés :
• les sinistres sont couverts par un fonds créé par les cotisations des souscripteurs. Comme dans le système mutualiste, les adhérents sont à la fois assureurs et assurés ;
• les assurés ont droit aux excédents réalisés par le fonds ;
• la cotisation est un don des adhérents au fonds takaful ;
• la gestion du fonds takaful est réalisée par un comité choisi par les assurés ou une société de gestion ;
• tous les investissements doivent être conformes à l’éthique musulmane(pas de ribâ, ni d’investissement dans des activités illicites).

L’opérateur takaful a pour mission de s’assurer que les opérations d’assurance sont conformes aux règles de la finance islamique et aux principes de l’éthique musulmane. S’il existe un déficit dans le fonds de souscription en raison d’une sinistralité trop importante, l’opérateur takaful devra accorder un prêt sans intérêts permettant de régler les sinistres ou d’effectuer un rappel de cotisations auprès des adhérents.

Pour exercer le takaful, il faut pouvoir transposer le droit islamique dans le respect des dispositions légales du pays dans lequel l’opérateur veut exercer. En règle générale, il n’existe pas de disposition juridique contraire au droit islamique en Europe, surtout en France où le secteur de l’économie sociale et solidaire est bien développé ainsi que les assurances mutualistes.




Ezzedine Ghlamallah
Ezzedine GHLAMALLAH est consultant, fondateur de SAAFI, cabinet de conseil en finance islamique et... En savoir plus sur cet auteur



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