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Rachid Santaki : « L’argent facile ne fait pas le bonheur »

Rédigé par Nadia Hathroubi-Safsaf | Mercredi 29 Juin 2011 à 08:45

Fresque urbaine fictive, « Les anges s’habillent en caillera »* met à l’honneur Saint-Denis, à travers une intrigue entre un escroc et un flic corrompu. Rencontre avec son auteur, Rachid Santaki, qui aime brouiller les pistes et broyer du roman noir.



C’est avec ce minibus habillé aux couleurs du livre que Rachid Santaki a sillonné la banlieue à la rencontre de ses lecteurs. Une façon de désacraliser la littérature.
Fondateur du magazine gratuit 5styles en 2003, pour lequel il a obtenu de la chambre de commerce et d’industrie de Paris le prix Espoir de l’économie 2006, Rachid Santaki publie avec Les anges s’habillent en caillera le « premier roman noir du 93 ».

Salamnews : Dans votre premier livre, « La Petite Cité dans la prairie », paru en 2008, il y avait beaucoup de vous. Quelle est la part de réalité et de fiction dans « Les anges s’habillent en caillera » ?

Rachid Santaki : Dans le roman, tout ce qui concerne le Marseillais est réel, sauf le meurtre et sa fuite au Maroc. Pour la fiction, j’ai inventé plusieurs personnages, notamment tous ceux qui gravitent autour de Stéphane, le flic ripoux. Je me suis inspiré de personnages qu’on peut retrouver dans ce genre d’univers. Je pense bien sûr à Sofiane, une espèce de Many (personnage emblématique du film Scarface) de Saint-Denis, à Mounir, un indic qui travaille avec la police, ou bien à Elvira, une femme obscure et torturée. Le roman est pour moitié une fiction et pour l’autre une réalité.

Cela vous agace-t-il qu’on vous dise que votre livre glorifie l’argent facile ?

R. S. : Je suis prêt à tout entendre et à expliquer ma démarche. Il suffit de voir l’issue tragique des personnages pour constater que je n’en fais pas l’apologie. Je pense, par exemple, à Mounir qui connaît une fin atroce face à ses propres cousins. Au fil de la lecture, on se rend compte que le Marseillais, le personnage principal, est pris dans l’engrenage de cet argent facile. Et que cette addiction va le mener à l’impasse.

Comment a réagi le Marseillais à la lecture du roman ?

R. S. : Il s’attendait à une « simple » biographie et a été un peu déçu de voir que c’était une fiction. Il avait envie de reconnaissance, mais je ne voulais pas écrire un récit autobiographique. J’avais déjà fait cet exercice avec mon premier livre. Là, je m’étais lancé le défi d’écrire un roman sombre dans la même lignée que Iceberg Slim, George Pelecanos. Finalement, quand il a lu le livre dans sa version finale, il est rentré dans l’histoire et a apprécié.

Vous considérez-vous comme un auteur de banlieue ?

R. S. : Les médias ont lancé ce terme qui ne veut rien dire, je suis un auteur tout court. J’écris des histoires qui se déroulent en banlieue et je me considère comme un auteur à part entière.

Et si finalement le personnage principal était Saint-Denis ?

R. S. : C’est le personnage principal ! Je kiffe Saint-Denis, c’est une ville qui m’a beaucoup apporté, j’y ai été scolarisé, y ai découvert la boxe thaïlandaise, été éducateur sportif et j’y ai rencontré plein de gens. Ce livre, c’est juste un hommage à une ville que je porte dans mon cœur.

Vous portez beaucoup de combats, notamment celui du Syndikat, quel en est son objectif ?

R. S. : C’est une association qui a pour but de révéler les nouveaux auteurs, de faire découvrir la lecture et l’écriture à un public frileux qui ne se reconnaît pas dans la littérature actuelle. J’aimerai désacraliser la littérature et raconter des histoires dans un français populaire qui ressemble à celui qu’on entend, qu’on pratique.