Economie

Quick halal : des clients satisfaits, un chiffre d’affaires doublé

Le jackpot du halal

Rédigé par Leïla Belghiti | Jeudi 12 Novembre 2009 à 00:37

On l’annonçait il y a quelques semaines déjà : trois Quick, dont deux à Marseille n’ont pas résisté à la mode du halal. Bingo ! Ça rapporte gros, très gros même, parce qu’en l’espace de quelques semaines les enseignes ainsi halalisées ont doublé leur chiffre d’affaires.



Quick Le Merlan (Marseille), devenu halal depuis octobre 2009, a enregistré une affluence croissante et un doublement de son chiffre d’affaires en volume et en valeur.
Au Quick Le Merlan, à Marseille, quelque chose a changé. Non, ce n’est ni l’ambiance typique des fast-food, ni le design, ni la phrase fétiche. Les serveurs voient, depuis près d'un mois maintenant, arriver de nouveaux clients, nombreux, toujours plus nombreux. Ceux-là, ils sont musulmans, et mangent du burger viande, à toutes les sauces.

On imagine aisément le directeur marketing de Quick France, dans son bureau, se frotter les mains de satisfaction. La recette a formidablement réussi : la clientèle est captive, le cœur de cible touché, les consommateurs fidélisés et tout cela sans la moindre communication.

Certificat halal pour les produits Chickens Dips, délivré par la société Moy Park.
En effet, la nouvelle des deux Quicks version halal à Marseille s’est répandue comme une trainée de poudre, dépassant même rapidement les frontières de la cité phocéenne. Kahina a traversé tout Marseille, depuis Luminy, avec après avoir su par bouche-à-oreille − tout comme la plupart des autres clients musulmans − que ce Quick était passé au halal. Venue avec son mari, ses deux enfants et un couple d’amis, la jeune femme est ravie de pouvoir enfin choisir entre tous les différents hamburgers : « Étant jeune, j’y ai mangé et quand je me suis mis bien dans la religion j’ai arrêté et, franchement, je suis contente d’y revenir. »

Pour être sûrs de la qualité halal de leur assiette, la plupart des consommateurs demandent à voir le certificat [voir photos ci-contre], disponible sur simple demande. Mais pour ces deux couples, ils ne pouvaient se suffire du seul papier présenté aux caisses : « J’ai appelé la Grande Mosquée d’Évry et SOCOPA », précise ainsi le mari de son amie.

Pour Kader, Samir et Mohammed, qui auparavant ne prenaient que des burgers o’ fish, « c’est la révolution ! […] Ça fait marcher les opérateurs téléphoniques aussi : on appelle toujours pour dire : “Viens, on va manger au Quick !” », déclarent, amusés, les trois amis.

Même son de cloche pour Zina, « surprise » et « contente » de pouvoir tester pour la première fois les hamburgers avec deux de ses enfants : « Le Quick halal, ça permet à tout le monde d’y avoir accès. […] Il y a du mélange, tant mieux ! », sans cependant oublier que « c’est aussi bien pour eux que pour nous : s’ils le font, ça marche aussi pour eux ».

« Ils ont tout compris », poursuivent en chœur Mehdi et Sabrina, « ça permet aux musulmans d’accéder à autre chose que les kebabs et les tournedos ».

Une zone de chalandise majoritairement musulmane

Ben-Nassur Madi, assistant manager en alternance au Quick Saint-Louis et engagé tout juste un mois avant le lancement du halal, analyse : « Le chiffre d’affaires du Quick Saint-Louis n’était pas celui auquel il pouvait prétendre. Pour s’adapter à la situation géographique et à la population qui peut fréquenter cette zone, explique-t-il à Saphirnews, il se devait de tester la mise en place du halal. »

Certificat halal pour les viandes provenant de SOCOPA, délivré par la Grande Mosquée d'Évry.
À Saint-Louis, la fréquentation aurait doublé en quelques jours, les soirs et les week-ends surtout. Un véritable succès. Les clients viennent même d’Aix-en-Provence et de Marignane. Et ils consomment globalement plus : le ticket moyen est ainsi passé de 9 à 14 €. Pour faire face à l’afflux de la nouvelle clientèle, les horaires d’ouverture sont désormais prolongés jusque 23 heures.

William Warzee, manager qui a travaillé à la mise en place du halal au Quick Saint-Louis à partir du 13 octobre, y a lui aussi été envoyé en renfort. « Notre franchisé, propriétaire des Quick de Saint-Louis et de Grand Littoral, a demandé directement à la direction de Quick France d’être le deuxième restaurant test sur le halal dans l’enseigne », nous explique-t-il. « Pour le moment, ces tests ne concernent que des franchises », qui sont au nombre de 250 en France, sur un total de 450 restaurants.

« Le restaurant de Saint-Louis est situé dans un secteur où 80 % de la population est musulmane. On savait donc qu’en faisant du halal ça allait nous apporter des nouveaux clients. Et comme il y a peu de restaurants Quick sur Marseille et encore moins halal, notre clientèle s’est élargie, aussi bien parce qu’on touche des clients qu’on ne touchait pas avant mais aussi parce qu’ils viennent de plus en plus loin. On reçoit des gens qui viennent de tout Marseille pour venir manger chez nous. Cela a donc développé le chiffre d’affaires », affirme le manager. « Le restaurant pilote à Toulouse, le premier à l’avoir testé, a immédiatement doublé son chiffre d’affaires », nous rappelle-t-il.

Les retombées sont donc significatives : + 50 % sur le ticket moyen ; doublement du chiffre d’affaires en volume et en valeur ; augmentation des approvisionnements mais aussi création d’emplois.
Malgré un fort turn-over, typique de la restauration rapide, le halal au Quick a permis, dans chacun des deux restaurants tests de Marseille, l’embauche supplémentaire de dix équipiers et le renforcement de l’équipe d’encadrement, représentant ainsi une hausse de plus de 20 % de la masse salariale.
Une croissance forte et rapide, qui ferait rêver de nombreuses entreprises en ces temps de crise. Et pourtant…

Le complexe du halal

Chose étrange, rien ne semble indiquer la qualité halal des produits sur les menus, ni nulle part ailleurs dans les tracts et affiches de l’enseigne. Aucune mention de l’information non plus sur le site Internet de la marque belge. Pas davantage de campagne de communication sur cette nouvelle « halalité » comme habituellement pour un lancement de produit.

Une explication ? « Même s’il y a 6 millions de musulmans en France, cela reste quelque chose qui est mal vu au niveau marketing. Si le chiffre d’affaires a doublé, c’est donc grâce au bouche-à-oreille », nous confie William Warzee. En effet, la nouvelle ne réjouit pas tellement certains groupes de droite extrême, qui voient d’un mauvais œil cet intérêt pour les consommateurs de référence musulmane. L’embellie des chiffres d’affaires aura-t-elle raison d’eux ?