Sur le vif

Quand un savant musulman provoque des tensions entre le Maroc, l'Algérie et la Mauritanie

Rédigé par Lionel Lemonier | Mardi 16 Aout 2022 à 17:15



Les récents propos d’Ahmed Raissouni, le président de l’Union internationale des savants musulmans (IUMS), sont en passe de susciter de nouvelles tensions diplomatiques entre le royaume du Maroc et ses voisins, la Mauritanie et l’Algérie.

« Je suis un partisan de la ligne défendue par Allal El Fassi (l’ancien secrétaire général du Parti de l’Istiqlal, un parti marocain nationaliste et conservateur fondé en 1943 pour obtenir l’indépendance, ndlr). Le Maroc doit récupérer ses frontières historiques. Avant la colonisation européenne, la Mauritanie faisait partie intégrante du Maroc », a déclaré Ahmed Raissouni dans une interview à une télévision marocaine. En 2016, rappelle Yabiladi, des propos équivalents de Hamid Chabat, un homme politique et syndicaliste marocain, ont été à l’origine d’une crise diplomatique que le roi Mohammed VI devra circonscrire en urgence.

Ce sont néanmoins ses réponses à une question posée sur le Sahara occidental qui ont provoqué les premières réactions les plus acerbes en Algérie. « Le peuple marocain est prêt à marcher sur Laayoune (ville située dans le territoire disputé, ndlr) et Tindouf (en Algérie, où sont installés d'importants camps sahraouis. ndlr). Il est prêt à y rester des semaines entières », a en effet indiqué le savant. « Ahmed Raissouni a franchi dangereusement la ligne rouge », indique de son côté le quotidien TSA, qui qualifie les propos du savant de « dérapage d’une gravité extrême ».

L'Algérie fulmine, l'IUMS reagit

Plusieurs partis ont appelé Ahmed Raissouni à présenter ses excuses, pointant des propos « irresponsables » comme le Front de libération nationale (FLN), au pouvoir, qui a jugé « plus approprié » pour le savant d'appeler à « des rassemblements de masse dans diverses villes du Maroc contre la normalisation avec l'entité sioniste, qui occupe Jérusalem et profane Al-Aqsa ».

Il « porte la responsabilité des conséquences de sa déclaration, dans des circonstances internationales et régionales tendues, attisant les flammes de la fitna », a fustigé le Mouvement de la société pour la paix, important parti islamiste en Algérie.

L’Union internationale des savants musulmans a rapidement réagi pour éviter que son institution soit éclaboussée par la controverse. Ahmed Raissouni « a le droit d’exprimer son opinion personnelle avec plein respect et appréciation pour lui et les autres, mais ce n’est pas l’opinion de l’Union », a précisé l’entité religieuse dans un communiqué publié lundi 15 août et signé par Ali Mohieddin Al-Qara Daghi, son secrétaire général. L’instance rappelle également l’importance pour les pays musulmans de régler leurs différents « par un dialogue constructif et une coopération sincère ».

Pour mémoire, le Maroc a reconnu l’indépendance de la Mauritanie en 1969. Cette reconnaissance avait suscité des grincements de dents au sein du Parti de l’Istiqlal dirigé alors par d'Allal El Fassi. Quant au Sahara occidental, le conflit n'a toujours pas trouvé une issue et est la source depuis des années de vives tensions entre le Maroc et l'Algérie.

Lire aussi :
Depuis la Mauritanie, les leaders religieux musulmans au front contre l'extrémisme et pour la paix en Afrique
Le Maroc ouvre la voie d'une normalisation de ses relations avec Israel