Sur le vif

Qatar + banlieues : l’addition qui fait jaser des politiques

Rédigé par La Rédaction | Mardi 2 Octobre 2012 à 12:50



L’idée que des fonds provenant du Qatar puisent financer des projets d’entrepreneurs issus des banlieues françaises est loin de faire l'unanimité dans la classe politique. Des députés de droite, à présent dans l'opposition, ont émis le souhait de voir créer une commission d'enquête parlementaire sur les investissements du Qatar en France.

Fin 2011, le Qatar avait exprimé son intérêt pour les banlieues en proposant de dédier un fonds de 50 millions d'euros aux porteurs de projets résidant dans ces zones. Gelé durant la campagne présidentielle, le nouveau gouvernement avait ensuite annoncé que ce fonds serait alloué aux PME avant de faire marche arrière.

Mais dernièrement, l’Etat a décidé d’accepter que ce fonds soit utilisé pour les banlieues tout en l’élargissant aux zones rurales pauvres. De plus, il prendra une participation dans ce fonds. Une façon de garder le contrôle pour les socialistes, dont un certain nombre avait critiqué le projet l’an dernier.

Aujourd’hui, ce sont des élus de droite attaquent le projet. « Ça pose question, cela ne va pas de soi que le Qatar puisse investir à coups de dizaines de millions d'euros dans le sport, les quartiers, sans qu'on comprenne très bien la stratégie de long terme », a ainsi jugé Bruno Le Maire, l’ancien ministre de l’Agriculture, dimanche 30 septembre sur Radio J.

« L'investissement étranger doit être recherché mais, surtout dans ces conditions qu'on sent un peu ambiguës, il doit être encadré », a estimé pour sa part Nathalie Kosciusko-Morizet sur Canal +. « Moi, je veux savoir quelles sont les conditions d'engagement de ces fonds. Est-ce qu'il va y avoir un droit de regard public? Est-ce qu'on va savoir où va l'argent, comment c'est contrôlé », a-t-elle ajouté. Ces anciens membres du gouvernement oublient que c’est Nicolas Sarkozy qui s’est rapproché du Qatar durant son mandat et que le fonds ne leur avait pas posé problème lorsqu'il avait été annoncé fin 2011.

A gauche de la gauche socialiste, ce fonds pour les banlieues est également loin d'être apprécié. Jean-Luc Mélenchon, le co-président du Parti de gauche, a comparé le Qatar à « une espèce d'avatar d'un système monstrueux ». « La présence du Qatar dans les banlieues est l'enfant de la politique pourrie de contractions des dépenses de l'Etat, de refus de services publics et de l'ouverture des marchés financiers », a t-il ainsi jugé la semaine dernière.

« Le Qatar a commencé à s'installer ici, là-bas, et ainsi de suite. Ça, ça s'appelle une espèce de colonisation. Par qui sommes-nous colonisés ? Nous sommes colonisés par l'argent. L'argent n'a pas de patrie, l'argent n'a pas de peuple, l'argent n'a pas d'autres intérêts que lui-même », a t-il vigoureusement dénoncé.

Le Qatar investit depuis longtemps de nombreux secteurs de l'économie française sans que polémique ne soit soulevée : elle y trouve son compte, la France aussi. « Le fond d'investissements dans les banlieues suscite immédiatement l'image d'une horde d'imams allant prêcher le wahhabisme, la haine de l'Occident dans nos banlieues déjà prêtes à exploser. Pourtant, lorsque l'ambassade américaine fait des banlieues sa priorité d'action politique et culturelle, on ne fait pas de telles remarques », souligne Pascal Boniface sur son blog. Les préjugés ont la vie tenace et la classe politique aime les alimenter.

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