Sur le vif

Pap Ndiaye, un anti-Blanquer à l’Education nationale qui fait hurler l'extrême droite

Rédigé par Lionel Lemonier | Lundi 23 Mai 2022 à 16:25



© Palais de la Porte Dorée / Cyril Zannettacci
Pap Ndiaye a participé, lundi 23 mai, à son tout premier conseil des ministres du gouvernement d'Elisabeth Borne. Dès sa nomination surprise vendredi 20 mai comme ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse, le nouveau locataire de la rue Grenelle s’est pris un torrent de boue sur les réseaux sociaux. Cet historien renommé en France et à l’étranger est un spécialiste des minorités ethniques et de l’immigration. Diplômé de l’Ecole Normale Supérieure et ancien professeur à Sciences Po Paris, il alimente régulièrement la recherche sur les conditions de vie des Noirs dans les pays ayant pratiqué la colonisation ou l’esclavage. Il a notamment écrit l’ouvrage « La Condition Noire. Essai sur une minorité française » (Calmann-Lévy, 2008).

Le directeur du Palais de la Porte Dorée, institution qui comprend le Musée national de l'histoire de l'immigration, succède à Jean-Michel Blanquer. Alors que ce dernier avait fait de la lutte contre le « wokisme » et « l'islamo-gauchisme » un combat personnel à la tête de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye a affirmé au Monde en juin 2021 qu'il partageait « la plupart des causes » des militants dits woke « comme le féminisme, la lutte pour la protection de l’environnement ou l’antiracisme », tout en indiquant qu'il n'approuvait pas « les discours moralisateurs ou sectaires » de certains d'entre eux.

Sur « l'islamo-gauchisme », ce mot-valise qui sous-entend une proximité entre les milieux islamistes et la gauche française, le nouveau ministre a considéré sur France Inter que le terme utilisé par Jean-Michel Blanquer ne désignait « aucune réalité dans l'université » et qu'il s’agissait d'une « manière de stigmatiser des courants de recherches ». Il s'agit donc bien d’une rupture politique avec la ligne de son prédécesseur.

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L'extrême droite hurle à la déconstruction du pays

Parmi les premiers à réagir, les représentants officiels du Rassemblement national et de Reconquête. Ils dénoncent de concert les positions de cet universitaire sur les violences policières ou encore les luttes contre les discriminations envers les minorités. « La nomination de Pap Ndiaye, indigéniste assumé, à l’Education nationale est la dernière pierre de la déconstruction de notre pays, de ses valeurs et de son avenir », affirme Marine Le Pen sur Twitter.

De son côté, Jordan Bardella affirme qu’en « nommant Pap Ndiaye, ministre l’Education nationale, Emmanuel Macron confie un ministère crucial pour notre avenir à un militant communautariste et indigéniste. Avec ce remaniement, la dislocation de la Nation s’accélère ! » Quant à Eric Zemmour, il prédit carrément que Pap N’diaye va réécrire l’histoire française… Il faut bien soutenir la motivation des troupes pour la campagne des législatives.

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Ailleurs, les positions ne sont pas forcément moins sévères. « La nomination de Ndiaye est une insulte à la mémoire de Samuel Paty. Mettre un intellectuel qui hait à ce point la République à la tête du ministère le plus vital pour la République, celui de la formation du citoyen et de la transmission des valeurs républicaines… C’est dingue », juge pour sa part Fatiha Agag-Boudjahlat, candidate « citoyenne, féministe, universaliste, laïque » dans la 4e circonscription de la Haute-Garonne.

La candidate « de gauche républicaine », qui tient une chronique sur la chaine LCP, ajoute :« Nommer un homme acquis à l’indigénisme au ministère de l’Education, adepte de la culpabilité blanche et européennes éternelles… le triomphe du wokisme. » Dans un tweet suivant elle ose : « Il oublie sa mère blanche qui a élevé ses enfants seule, abandonnée par le père. Non, la seule filiation qui compte est celle africaine. Il est contre la laïcité, c’est une catastrophe. » Sans peur d’une plainte en diffamation.

Un appel à témoignages face à la haine

Tandis que Jean-Luc Mélenchon a estimé que la nomination de Pap Ndiaye est « une audace », Dominique Sopo, président de SOS Racisme, s’est réjouit pour sa part du choix d'« un homme d’origine subsaharienne, symbole représentant l’immigration ». Dans une vidéo sur BFMTV, il ajoute que « pour une fois, il s’agit d’un homme. Chose rare dans la vie politique dominée par des hommes, où les questions de diversité sont souvent portées par des femmes, manière de faire double quota sur une seule personne ».

Face aux déferlement de haine à l'égard du ministre, SOS Racisme a lancé sur Twitter un appel à témoignage en vue d'éventuels dépôts de plainte : « Si vous êtes témoins de discours haineux, merci de nous faire parvenir le lien du post - commentaire accompagné d'une capture d'écran. »

Au micro de RTL, samedi 21 mai, Marie Ndiaye, Prix Goncourt 2019 et sœur du nouveau ministre, a réagi à la polémique : « Quand on accepte ce genre de mission, on accepte aussi ce qu’il y a de plus détestable (…). Mon frère est quelqu’un qui n’est jamais extrême, jamais dans les radicalités, il cherche les consensus. On s’y attendait, ça n’a rien de surprenant. » Une réaction digne mais triste pour une situation intolérable dans le pays des droits de l’Homme.

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