Société

Les mosquées françaises mal préparées contre la grippe A ?

Rédigé par | Jeudi 27 Aout 2009 à 00:29

La grippe A (H1N1) continue de faire parler d’elle. Comme tout lieu de rassemblement, les mosquées, particulièrement pleines pendant le mois du Ramadan, figurent parmi les lieux à risque. Sans précaution, les fidèles peuvent facilement propager le virus. Pourtant, peu de mosquées, en France, ont délivré un message d’information et de prévention durant leurs prêches. Il n’en est rien aux États-Unis et en Grande-Bretagne, où les représentants du culte musulman ont adopté une attitude plus offensive contre le danger à l’attention des imams et des fidèles.



A l’heure où les territoires et les départements français d’outre-mer ont atteint le seuil épidémique, la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, a lancé, lundi 24 août, sa campagne de prévention contre la grippe A.

Parmi les « gestes barrières » permettant de limiter la transmission du virus, il suffit de se laver les mains plusieurs fois par jour avec du savon ou d'utiliser une solution hydroalcoolique ; de se couvrir le nez et la bouche avec sa manche ou d’utiliser un mouchoir à usage unique en cas de toux ou d’éternuement. En cas de symptômes grippaux, il faut contacter son médecin traitant (le 15 uniquement en cas d’urgence).

Pour compléter ce message et sensibiliser l’ensemble de la population, des spots de prévention télé et radio, des modules pédagogiques diffusés sur Internet et des affiches ont fait une apparition remarquée. Mais ce message sensibilisera-t-il les mosquées, habituellement pleines pendant cette période de jeûne ?

Les mosquées, lieux publics à risques

Le virus peut très vite se propager dans des lieux de rassemblement tels que les écoles et les lieux de culte. Il suffit d’un simple éternuement, d’une toux, de se toucher ou de se passer des objets sans précaution. Le pèlerinage à La Mecque, qui réunit entre 2 et 3 millions de musulmans du monde entier, se trouve ainsi menacé cette année par une éventuelle pandémie.

Le risque est encore plus grand lorsque le lieu est exigu et confiné comme le sont généralement les salles de prière d’un grand nombre de quartiers en France. Un taux de remplissage élevé, le manque de produits hygiéniques et un mauvais entretien des sanitaires et des salles d’ablutions accélèrent évidemment la propagation du virus. Il est d’usage de faire ses ablutions chez soi dans ce cas.

Le risque est pris très au sérieux par la Grande Mosquée de Paris. « Nous n’avons pas encore donné d’informations à ce sujet aux fidèles, mais nous nous y préparons. Nous avons mis à leur disposition du savon liquide bactéricide dans les sanitaires et nous laverons assez souvent les tapis de prière. Nous allons les préparer aux risques de la grippe lors de prochains sermons, en principe dès la fin du mois d’août », déclare, pour Saphirnews, Zoubeir Salhi, responsable des services généraux de la Grande Mosquée.

Des recommandations encore peu entendues

« Si un musulman se trouve dans une localité ou un pays touché par une épidémie, la religion lui fait l’injonction de ne pas quitter les lieux pour ne pas transporter ailleurs la maladie dont il souffre. Les fidèles se doivent d’appliquer toutes les mesures d’hygiène. L’islam est la religion de l’hygiène et de la solidarité », rappelle-t-il.

« On recommande bien sûr aux personnes atteintes du virus ou présentant des symptômes de faire leurs prières à la maison et de s’adresser à leur médecin. Nous allons doucement essayer de les convaincre que cette recommandation est importante », ajoute M. Salhi.

Le masque destiné à se couvrir la bouche est un plus, notamment pour les personnes à risque, dont la santé peut vite se dégrader en cas de contamination. Cependant, M. Salhi ne souhaite « pas non plus crier à la panique. « Nous laissons les pouvoirs publics délivrer le message qu’il faut au bon moment et nous tâcherons de l’adapter à l’usage de nos salles de prière et de faire prendre conscience à la communauté des fidèles de son existence ».

Si les Grandes Mosquées de France semblent être préparées contre le danger, il n’en est pas forcément de même pour les petites mosquées de quartier, où le message a du mal à passer. Des « cela ne nous concerne pas » ou « Allah est avec nous » se font parfois entendre au détour d’une discussion…

Les musulmans britanniques et américains mieux préparés

Dans d’autres pays, des responsables religieux et associatifs vont plus loin. Alors que le Conseil français du culte musulman (CFCM) n’a officiellement pas fourni de recommandations aux mosquées de France, le Council on American Islamic Relations (CAIR) appelle, depuis avril dernier, les imams à « utiliser les prières quotidiennes et celles du vendredi (…) comme des plateformes d’informations permettant de prévenir la propagation de la grippe A ».

Au Royaume-Uni, le Conseil consultatif des mosquées et des imams (MINAB) a aussi pris les devants. L’organisme national, dont le but est d’améliorer la performance des imams, a publié, en juillet, une plaquette d’informations sur la grippe A et les précautions à prendre en cas d’apparition de la maladie, à destination de toutes les mosquées du pays.

Selon ce guide explicatif que s’est procuré Saphirnews, il est vivement conseillé aux imams et aux gérants des mosquées de s’assurer que les toilettes et les salles d’ablutions soient propres et bien équipées en savon liquide, de privilégier les mouchoirs en papier plutôt que des serviettes en tissu, de faire des stocks pour éviter tout manque et d’installer des sèche-mains et des poubelles sur pied.

Partager son repas, notamment les soirs du mois du Ramadan, est commun dans les mosquées. Le MINAB déconseille également de partager les couverts et les verres et appelle les prédicateurs à diffuser les principes de précaution.

Jusque-là, aucune mosquée n’a été touchée par la maladie. Mais il est urgent que ces conseils soient rapidement diffusés et appliqués afin que le risque sanitaire reste à son plus bas niveau. Le travail et l’attitude du MINAB dans ce contexte sont à reproduire par les représentants du culte musulman en Europe, à commencer par le CFCM.

En attendant, la vigilance est de mise. Le retour des vacances d’été est proche. En métropole, l’épidémie de grippe pourrait bien atteindre son pic en septembre lors de la rentrée scolaire.


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Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur