Société

Les migrants tunisiens de Paris en situation d’urgence

Rédigé par Pauline Compan | Vendredi 29 Avril 2011 à 13:16

Ils s’appellent Khalid, Djamel ou Ali. Ils sont peintres en bâtiment, électriciens ou encore étudiants en histoire ou en informatique. Tous ont fui la Tunisie et son chaos. Ils viennent chercher un refuge, du travail, une formation. Ils dénoncent la corruption qui gangrène toujours leur pays et le chômage endémique. Ils se retrouvent à Paris, en situation irrégulière et font régulièrement l’objet d’arrestations arbitraires. Les associations dénoncent une situation d’urgence, des pratiques policières douteuses et un manque criant de moyens et de structures d’accueil. La stratégie actuelle de l’Etat ? Eviter que les migrants ne se fixent sur un point de chute, une manière de les rendre invisibles.



Le Secours islamique de France installe son dispositif pour distribuer duvets et kits alimentaires
Ils sont une centaine d’après les estimations de Djillali, le responsable des missions sociales France du Secours islamique. Mais il s’agit seulement de ceux qui sont présents autour de ce square, porte de la Villette (Paris 19e). Tous des hommes, âgés de 18 à 40 ans. Ils ont atterri à Paris après le fameux voyage Lampedusa-Italie-France, qui a fait l’objet d’un rencontre entre les deux chefs d’Etat. Mais ce square du 19e arrondissement n’est pas le seul lieu où trouver ces migrants. Les associations en ont recensés à Belleville (20e arrondissement) et sur Massy (91).

Les arrestations se sont multipliées ces derniers jours. Une soixantaine de migrants a été raflée mercredi 27 avril, porte de la Villette, même chiffre pour la journée du mardi 26. Un militant d’un groupe local d’Europe-Ecologie de Pantin, qui se rend tous les jours sur le square du 19e, explique que les conditions légales de garde à vue ne sont bien souvent pas respectées : heures de garde à vue supplémentaires et absence de conseils juridiques. Tout est fait pour mettre la pression sur ces migrants.

La situation est urgente. Ces personnes vivent dehors, n’ont rien à manger et ne reçoivent pas de soutien de leur consulat. « Seul le consul a été changé depuis la chute de Ben Ali, tous les autres fonctionnaires sont en poste depuis des années. Ils ne facilitent pas les démarches des immigrés », explique un militant d’une association franco-tunisienne.

Il n’y a pas de lieux d’accueil, pas de structures d’urgence. La mairie de Paris a bien mandaté l’association Chorba pour tous pour distribuer des repas chauds le soir sur le square et France Terre d’Asile essaye de mettre en place une aide juridique, mais les moyens manquent. La réponse de l’Etat se limite à ces arrestations traumatisantes au nom d’une lutte contre l’immigration illégale. Elles ont pour résultat d’empêcher les migrants d’installer un camp de fortune et les poussent au nomadisme : cela ne les rend que plus invisibles.

Jeudi 28 avril, des citoyens et des militants avaient rendez-vous square de la Villette pour dénoncer cette situation. L’ancien leader des Don Quichotte, Augustin Legrand, était présent, tout comme des représentants de plusieurs associations. Le Secours islamique de France avait déployé un dispositif d’urgence pour distribuer 250 duvets, kits d’hygiène et kits alimentaires. Une action indispensable pour cette association, également présente à la frontière Lybie-Tunisie et qui a constaté un meilleur accueil des migrants libyens en Tunisie. Le SIF se dit prêt à gérer un lieu d’hébergement d’urgence « si l’Etat l’autorise ».