Politique

Législatives : l’union des partis de gauche scellée, une victoire en vue assurée ?

Rédigé par Lionel Lemonier | Lundi 9 Mai 2022 à 11:00

Entre le 25 avril, jour suivant le second tour de l'élection présidentielle, et le 4 mai, les écologistes, suivis des communistes et des socialistes, ont négocié puis signé un accord avec La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon. Cet exploit réalisé en 10 jours peut-il déboucher sur une victoire de la gauche aux élections législatives ? Tour d’horizon des réactions et des projections sur l’avenir.



Après une campagne présidentielle conduite en ordre dispersé, tous les partis de gauche – ou presque – ont trouvé le moyen de s’entendre pour se présenter ensemble sous le drapeau de la Nouvelle union populaire écologique et sociale. Le hashtag #NUPES n’a pas tardé à circuler massivement sur Twitter, suscitant des réactions diverses suivant les positionnements politiques de leurs auteurs.

De nombreux aspirants candidats aux élections législatives ont annoncé leur désistement au profit de ceux désignés par la NUPES, avec enthousiasme. « Suite à l’accord historique entre LFI et EELV, je retire ma candidature sur la 2e circonscription des Landes. Je m’engagerai auprès des formidables candidat.e.s de cette belle union (…). Go #NUPES ! », indique par exemple Adrien Sartre. « Pensée chaleureuse à toutes celles et tous ceux qui sont en train de retirer leurs candidatures, pour que puisse vivre cette nouvelle union populaire. La victoire sera possible grâce à vous », a signifié Aurélie Trouvé, présidente du parlement de l’Union populaire.


Et puis, il y a la réaction de militants de terrain qui se voyaient candidats naturels mais sont renvoyés au rôle de soutien de « parachutés », des « éternels colleurs d'affiche » pour Mohammed Colin, directeur de Saphirnews. « Vu des quartiers populaires, cette union de la gauche ressemble quand même à une grande opération "parachutage" et à l’invisibilisation massive des militants locaux », note Ilyes Ramdani, ex-rédacteur en chef du Bondy Blog, qui conclut que, « pour le nouveau monde, pas pour maintenant » avec la NUPES. De la déception à la dissidence, il n'y a parfois qu'un pas : au moins une vingtaine de candidats de gauche, selon le JDD, comptent faire campagne envers et contre le candidat investi par le nouveau mouvement.

Reste à savoir si la nouvelle alliance à gauche peut réellement espérer l’emporter en juin. Dans la presse, les éditorialistes s’en donnent à cœur joie. Edwy Plenel a publié un long article sur Mediapart pour se féliciter d'un rassemblement qui offre une « dynamique, aussi inattendue qu’inespérée, d’union des gauches et des écologistes afin d’imposer un changement de majorité parlementaire et, de fait une cohabitation au président réélu ».

A l’inverse, dans une tribune au Figaro, le directeur adjoint de la rédaction Vincent Trémolet de Villers pousse des cris d’orfraie sur « le spectacle avilissant donné par les socialistes et les écologistes » qui ont signé avec La France Insoumise et nous promet « le soleil bolivarien sur une piscine municipale envahie de burkinis ». Sans compter quelques horreurs supplémentaires : « reproduction sans production, souverainisme social, fiscalité délirante, sans-frontiérisme irénique, écologisme apocalyptique, communautarisme tranquille… » Bref, de « l’islamo-gauchisme » qui « consomme la rupture avec la gauche républicaine ».

Des sondages et projections favorables

Ailleurs, les commentateurs politiques restent prudents. « L’urgence sociale et les enjeux électoraux font office de plus petit dénominateur commun idéologique au sein de la nouvelle union », lit-on dans un billet paru dans Marianne dans laquelle la question est posée de savoir si les désaccords temporairement mis de côté peuvent se solder autrement que par un éclatement, une fois passées les élections de juin.

Mais qu’en disent les Français ? Dès le 24 avril, soir du second tour, des sondages de sortie des urnes indiquent que 63 % des électeurs souhaitent imposer une cohabitation au président de la République. Plus récemment, France Info a analysé ce que pourrait apporter l’union à gauche pour les législatives et les résultats sont surprenants.

Les résultats de l’élection présidentielle appliqués circonscription par circonscription débouche sur une qualification au deuxième tour du ou de la candidat.e de la NUPES dans plus de quatre circonscriptions sur cinq. Très précisément dans 471 sur 577. A l’inverse, le Rassemblement national (RN) pourrait se maintenir au second tour dans 296 circonscriptions seulement, tandis que LR pourrait disparaitre de l’Assemblée nationale.

Dans le détail, « la gauche serait la plus présente au second tour, mais aussi la plus souvent en tête au premier. Une tendance qui se maintient, quelle que soit la participation au scrutin ». Interrogée par France Info, le sociologue Vincent Tiberj estime que « la gauche s’est plantée en 2017, car elle était désunie. (…) Mécaniquement, si la gauche est unie, les variations de score entre les différentes formations seront beaucoup moins fortes ».

L'union de la gauche en tête mais l'abstention guette

Le politiste estime commencer à « voir des choses étonnantes. C’est inhabituel de voir la gauche aussi haute dès le début d’élections législatives. Peut-être que quelque chose se joue ». Ce sont les duels entre La République en marche (aujourd’hui Renaissance) et la NUPES qui pourraient être les acteurs les plus nombreux de duels au second tour. Si cette prévision se concrétise, 271 candidats de la NUPES pourraient profiter d’un vote anti-Macron. « Cela dépendra du type de votants d’extrême droite, ajoute Vincent Tiberj. L’électorat populaire ouvriéro-lepéniste peut être attiré par un discours d’une gauche unie. En revanche, le vote RN des classes moyennes conservatrice se dirigera plutôt vers Emmanuel Macron. »

Mais attention, le modèle d’analyse se base sur les résultats de l’élection présidentielle. Or, en juin prochain, la participation des électeurs risque de se réduire car, traditionnellement, les Français se déplacent moins pour les législatives. Par ailleurs, ils ne votent pas forcément de la même façon non plus. Les députés sortants, parmi lesquels nombre de Républicains (LR) pourraient bénéficier d’une sorte de prime aux sortants.

Le dernier baromètre hebdomadaire de Cluster17 paru le 2 mai confirme qu'un rassemblement total des partis de gauche peut espérer arriver en tête du premier tour avec 34 % des voix, soit dix points de plus que la majorité présidentielle. Une proposition de ce genre parait même « satisfaire une demande y compris dans des groupes qui depuis 5 ans ont plutôt tendance à voter pour Emmanuel Macron », indique l’institut de sondage. « Une telle union signerait une forme de réconciliation inédite sur le plan électoral depuis l’élection de François Hollande en 2012. » Reste que le premier tour des élections législatives est encore loin. la campagne n'a pas encore commencé et les Français ont pris l'habitude de se décider réellement le plus tard possible.

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