Politique

Le CFCM boycotte le dîner du CRIF, une décision « irréversible » après les propos de Cukierman

Rédigé par | Lundi 23 Février 2015 à 17:20



Roger Cukierman, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF).
Un mois avant les élections départementales, et quelques heures avant le 30e dîner annuel du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), son président Roger Cukierman a suscité la colère du Conseil français du culte musulman (CFCM) après ses propos, tenus lundi 23 février sur les ondes d’Europe 1, à propos des jeunes musulmans qu'il estime être à l'origine de « toutes les violences » antisémites en France, contrairement au Front national.

Selon le président du CRIF, Marine Le Pen est « irréprochable ». « Je crois qu'on est tous conscients dans le monde juif que, derrière Marine Le Pen, qui est irréprochable personnellement, il y a tous les négationnistes, tous les vichystes, tous les pétainistes », a-t-il déclaré, le jour où un nouveau sondage donne le Front national en tête du premier tour des départementales le 22 et 29 mars, avec 30 % des suffrages.

Les jeunes musulmans derrière « toutes les violences »

Même s’il a affirmé que le Front national est « un parti à éviter » et pour lequel il ne votera jamais, le président du CRIF a expliqué que « c'est un parti qui aujourd'hui ne commet pas de violences ». En revanche, « il faut dire les choses : toutes les violences aujourd'hui sont commises par des jeunes musulmans », a tenu à ajouter Roger Cukierman.

« Bien sûr, c'est une toute petite minorité de la communauté musulmane et les musulmans en sont les premières victimes », a-t-il tempéré. Mais la phrase rendant les jeunes musulmans responsables des violences - antisémites, comprend-on - a été lâchée, sans que celle-ci fasse réagir outre-mesure Jean-Pierre Elkabbach.

En outre, le président du CRIF a affirmé ne pas être « du tout » choqué par l'emploi du terme « islamo-fascisme » utilisé par Manuel Valls, qui « correspond assez bien à la réalité ».

Le CFCM consterné par les propos

En réponse à cette déclaration, le Conseil français du culte musulman (CFCM) a décidé cette année de boycotter le dîner du CRIF, jugeant « inopportun » d'y participer. Le bureau exécutif, réuni ce lundi à la Grande Mosquée de Paris, « a pris connaissance avec consternation » des propos de Roger Cukierman, s'est-il exprimé dans un communiqué.

« Considérer que "toutes les violences aujourd'hui sont commises par des jeunes musulmans" et que son approbation de l'expression "islamo-fascisme" sont des déclarations irresponsables et inadmissibles qui contreviennent au principe même du vivre-ensemble. Le CFCM ne peut accepter que la composante musulmane de France soit aujourd'hui l'objet d'attaques aussi graves qu'infondées », explique l'instance.

Une décision « irréversible » pour Abdallah Zekri

Selon nos informations, le président du CFCM Dalil Boubakeur, et les vice-présidents Anouar Kbibech et Chems-Eddine Hafiz devaient se rendre au dîner du CRIF. « Leur décision de ne pas y participer est irréversible » malgré les tentatives de Roger Cukierman de leur « faire changer d'avis » par téléphone, a indiqué à Saphirnews Abdallah Zekri, qui a pris part à la rédaction du communiqué d'annonce. Joint par notre rédaction, le président de l’Observatoire national contre l’islamophobie, qui déclare avoir « toujours refusé de participer au dîner du CRIF » en signe du refus de « cautionner les violences contre les Palestiniens », a jugé « trop grave » le « niveau de stigmatisation des musulmans » atteint avec les propos de Roger Cukierman.

Après l'entretien sur Europe 1, ce dernier a tenu à clarifier ses positions vis-à-vis du FN, « un parti infréquentable » contre qui il appelle à « faire barrage, à tout niveau, à la montée de ce parti ». En revanche, aucune déclaration publique n'a encore été faite par le CRIF pour répondre à la polémique qui agite les musulmans.

Mise à jour lundi 23 février au soir : Invité de RTL, Roger Cukierman a maintenu ses propos sur « les jeunes musulmans ». « Il faut nommer les choses. On ne peut pas guérir d'une maladie si on ne la nomme pas. (...) L'immense majorité des actes de violence physique antisémites sont commis par des jeunes musulmans mais ils sont une infime minorité de la communauté musulmane », a-t-il déclaré. Il ne regrette rien, sauf la décision du CFCM, qui est « infondée et dommageable pour les juifs et les musulmans ». Le choix de l'instance musulmane l'a « beaucoup surpris » du fait de leurs « relations amicales » de longue date. Des excuses, le CRIF n'en formulera pas.



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur