Chroniques du Ramadan

La Révélation du Coran : quand Dieu nous parle

Chroniques du Ramadan

Rédigé par | Dimanche 17 Mars 2024 à 16:25



La mission du Prophète de l'islam commence par la « Révélation du Coran », un phénomène qui n'a rien de comparable à un « aveu », une « découverte » ou même une « reconnaissance ». Quand on parle de révélation, on n'évoque pas le phénomène lui-même car la révélation coranique concerne la suite d'événements qui accompagnent le « phénomène révélation ». C'est ainsi qu'on rappelle la visite de l'ange Gabriel au Prophète dans sa retraite dans la caverne de Hira. Il lui annonce qu'il est prophète de Dieu et lui enseigne les premiers versets. Le Prophète prend peur et rentre se confier à son épouse qui l'assiste, etc. On entend la suite de ces événements et d'autres à chaque début de Ramadan, sans vraiment aborder le phénomène qui occasionne ces événements.

Cette dimension phénoménologique de la révélation n'apparaît pas dans Le Pacte de sourate Fatiha que j'écris, en l'absence de réponse exacte. La dimension paranormale était ma donnée dominante, avec la participation de l'ange Gabriel. La phénoménologie de la Révélation pouvait se passer en songe comme en état d'éveil. Elle se faisait à travers divers types d'interactions avec l'ange et elle pouvait se dérouler dans l'univers physique comme dans l'univers spirituel.

Autant on connaît les événements qui accompagnent la Révélation, autant la tradition nous enseigne les cinq modes de la Révélation qui feront l'objet de notre publication ici. Mais le phénomène lui-même n'est ni confus ni secret, il est juste difficile à synthétiser dans des mots car il ne s'agit ni d'intuition, ni d'inspiration, ni d'illumination, ni de réflexion ou de cognition. Ce que l'on qualifie de Révélation est ici un phénomène à part qui n'a de signification que dans l'authenticité.

Un bon lecteur du Coran doit « lire le Coran avec le cœur »

L'avantage est que le Coran parle de cette Révélation en des termes que Maurice Gloton énumère et analyse les uns après les autres dans Le Coran, Parole de Dieu (Albouraq). Il précise que « les principaux vocables qui désignent la Révélation coranique et en nuancent les modalités sont : Qur'an, Kitab, Tanzil & Inzal, Furqan, Wahy, Dhikr et Kalima. »

Dans l'analyse de ces mots, leurs étymologies, leurs interventions dans le texte coranique, Maurice Gloton montre la grande richesse des significations que couve le mot « Révélation ». On l'utilise ici pour traduire des messages qui renvoient à des significations et des références qui peuvent ne rien à voir les unes avec les autres.

Sur « les différents termes coraniques pour qualifier la Révélation », Maurice Gloton conclut par : « La Révélation divine coranique est riche de plusieurs termes non synonymes qui la mentionnent et dont chacun a une fonction bien précise que le Texte coranique différencie. » Cette analyse s'appuie sur le sens des mots utilisés et leur contexte d'utilisation à l'intérieur du corpus coranique.

Le caractère divin de la Révélation est le premier aspect saillant du phénomène pour un musulman. Et dans la Tradition, le bon lecteur du Coran n'est pas un lecteur qui use de son mental pour savoir ce qu'il déchiffre derrière des caractères arabes. Le bon lecteur du Coran doit « lire le Coran avec le cœur », comme s'il recevait chaque mot directement de Dieu Lui-même. Car le Coran « efface le Prophète » dans la mesure où il retranscrit exactement ce qui est révélé au Prophète et il le fait mot à mot jusqu'aux artifices de la conversation entre Dieu et le Prophète.

Par exemple, une question est posée au Prophète sur sa religion. Il n'a pas de réponse à la question posée et il promet d'y répondre suite à une révélation. La Révélation arrive parfois en commençant par rappeler la question posée au Prophète. Puis, comme dans une conversation, Dieu donne à Son Prophète ce qu'il doit dire. Comme un vrai magnétophone qui n'enregistre que la source divine, le Coran reproduit tout le propos divin.

Selon le contexte, il n'est pas toujours nécessaire de rappeler la question. La réponse est fournie au Prophète comme une consigne. Ces paragraphes, ces chapitres du Coran commencent par « Qul ! » qui signifie « Dis », suivi de la réponse attendu. Du point de vue strictement rédactionnel, ce sont des « Qul » inutiles, des mots qu'un journaliste ordinaire ne retiendrait pas. Mais la rigueur du Coran les retient, indiquant que toute présence du Prophète a disparu pour ne laisser place qu'à Dieu.

Cette Révélation, pour ses primo-auditeurs, crée un désordre social dont ils ne veulent pas.

Pour rester dans le contexte de l'époque, rappelons que l'écriture est naissante et qu'il n'existe pas de tradition du livre dans le monde arabe. L'alphabet n'est donc pas au point. Les données historiques, Ibn Kathir, Ibn al Kalbi et bien d'autres montrent que l'écriture entre à La Mecque à l'époque de la génération du Prophète, avec des gens « un peu plus âgés que lui (Harb, le père d'Abu Sufyan) et le Coran fut le premier livre jamais écrit en langue arabe », explique Muhammad Hamidullah.

Il précise que « des difficultés d'orthographe, au moment où une poussière de dialectes et de patois rendait l'écrivain perplexe. Rappelons que l'alphabet arabe a 28 lettres, mais on n'avait que 15 graphies et il fallait conjecturer les 13 autres : b, t, th, n et y, par exemple, avaient presque la même graphie (comme e, ë, é, è, ê en français s'il n'y avait pas d'accents) ».

Puis, en croisant les sources trouvées dans les papyrus égyptiens conservées à Vienne (Autriche) et d'autres à Berlin (Allemagne) avec les hadiths, Muhammad Hamidullah confirme les récits disant que le Prophète lui-même a encouragé ses secrétaires à utiliser les points diacritiques devenus usuels dans l'écriture arabe. C'est ainsi que sur une graphie, un point en bas donne le B alors qu'il fait N quand on le place en haut, etc. C'est ainsi qu'avec 15 graphies on parvient aux 28 lettres de l'arabe et sans conjecture.

Nous pouvons mener ces analyses avec le recul historique. Mais dans le contexte de l'époque, cette Révélation est comprise comme un acte de révolte sociale. Ce qui m'interroge ici ne soucie pas les contemporains du Prophète. Ils semblent unanimement éblouis par la qualité littéraire du discours coranique. Au point que musulmans et non musulmans s'accordent pour considérer la Révélation en une « révolution littéraire », un miracle littéraire ! Cet émerveillement se poursuit de nos jours. Or en réalité, il échappe à l'immense majorité des musulmans qui n'est pas arabophone.

Les primo-auditeurs de la Révélation comprennent qu'elle annonce un bouleversement total de leurs usages, leurs repères et leurs valeurs. Cette Révélation, pour eux, crée un désordre social dont ils ne veulent pas. Et comme la source est transcendante, elle est douteuse pour les uns et impérative pour les autres. Les premiers traitent le Coran comme des propos d'un poète déganté, d’un fou. Les seconds accueillent le Coran comme divin, le Prophète n'étant qu'un canal de transmission.

Cinq modes de révélation

Le message essentiel de la première Révélation est une invitation à lire, à réciter, au nom de Dieu (Sourate 96, versets 1 à 5). À ce stade, le Prophète ne peut prendre cette consigne que pour lui-même puisqu'il est seul. Il ignore qu'il y a un Coran qui arrive, il ignore qu'il aura à prêcher. Stade de découverte où le Prophète ignore ce qui l'attend et que nous connaissons aujourd'hui. La Révélation est alors une expérience personnelle intime qu'il partage avec la personne la plus proche de lui, son épouse.

La seconde Révélation (Sourate 68, versets 1 à 4) débute curieusement par une lettre : N. On trouvera 29 sourates qui commencent ainsi par des lettres, 14 lettres en tout sur les 28 de l'alphabet. Pour un discours qui est oral, de la part d'un homme qui ne sait pas écrire, ces lettres posent une énigme qui vaut encore de nos jours. Le message essentiel de cette révélation rassure le Prophète sur sa santé mentale. « Par le bienfait de ton Seigneur, tu n'es pas possédé », dit-il.

La troisième Révélation (Sourate 73) invite le Prophète à l'adoration et la quatrième, enfin, lui commande de prêcher (Sourate 74) par « Lève-toi et avertis, et célèbre la grandeur de ton Seigneur ». On peut penser à ce stade que la mission entre dans sa phase active, une aventure qui durera 23 ans.

La sourate Fatiha qui nous intéresse arrive en cinquième révélation. À la différence des précédentes qui sont des versets isolés, la cinquième Révélation est un chapitre complet qui lui vaut le nom de « La Complète », celle qui se suffit à elle-même. Elle arrive comme par télépathie et « s'imprime d'un souffle dans mon cœur », dit le Prophète. En langage moderne, la Fatiha a été téléchargée d'un coup. C'est l'un des modes de la Révélation qui en compte cinq. Ces cinq mécanismes font l'objet d'un nouveau papier ici.

Que Dieu accepte notre jeûne ! Qu'il nous guide sur le droit chemin, la Sirat mustaqeem. Qu'il vide nos cœurs de tout ce qui éloigne de Lui pour les remplir de tout ce qui nous rapproche de Lui. Rendez-vous dans nos dou'a à l'heure de l'iftar.

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Diplômé d'histoire et anthropologie, Amara Bamba est enseignant de mathématiques. Passionné de… En savoir plus sur cet auteur