Bien-être

L’amour comme engagement spirituel

De l’amour

Rédigé par | Mercredi 21 Juin 2017 à 11:00



L’amour est un engagement spirituel qui consiste, indépendamment de ses états d’âme, de ses émotions et des épreuves quotidiennes, de choisir de cultiver dans son couple et sa famille quatre valeurs directrices : l’amour, la miséricorde, la joie et le contentement.

Quatre valeurs directrices de l’amour

L’amour (al-hubb, al mawaddah), c’est la volonté et l’activité consistant à offrir de la tendresse, de la joie et du bonheur à l’autre. Pour cela, on a besoin de se décentrer de sa personne, de ses propres désirs, besoins et peurs… Souvent, on est tellement centré sur ses propres besoins et ses aspirations que l’autre existe seulement pour répondre à ceux-ci.

L’amour vrai nous arrache de toute forme d’égoïsme pour nous pousser vers plus grand que soi : vers l’autre, vers sa famille, vers sa société, vers Dieu…

La miséricorde (al-rahmah), c’est la volonté et l’activité consistant à soulager la souffrance et à alléger les peines de l’autre. La miséricorde est l’énergie qui nous pousse à agir au service de l’autre, à l’image d’une mère avec son enfant.

La joie et le contentement, c’est la volonté et l’activité consistant à se réjouir de ce que l’on a, ou à se réjouir parce que l’autre est heureux, même lorsqu’on est soi-même moins avantagé. C’est partager avec l’autre ses sources de joie, c’est exprimer de la gratitude : al-hamdulillah (que Dieu soit remercié/loué) en toutes circonstances !

Concrètement, cela veut dire, accepter le détachement, ne pas toujours chercher à posséder, à gagner ou à avoir raison. La joie et le contentement ont priorité sur la possession. Ils nous permettent de conserver l’amour malgré nos désaccords avec l’autre. Ils nous donnent la capacité de pardonner et de dépasser le mal.

Ainsi, en se laissant grandir par ces quatre valeurs directrices, chacun peut s’élever et être « à l’image de Dieu ».

Aimer pour Dieu

Il y a une grande différence entre désirer, avoir un sentiment amoureux, aimer et enfin, aimer pour Dieu. Quand on désire une rose (une femme ou un homme), on l’arrache à la terre pour l’avoir pour soi. Quand on a un sentiment amoureux, on lui donne de l’eau tous les jours, pendant quelque temps. Mais quand on l’aime, on l’arrose tout le temps, sur la durée ; à chaque fois qu’elle en a besoin, on prend soin d’elle. Et quand on aime une rose pour Dieu, on prend soin non seulement d’elle mais aussi du jardin et de l’écosystème dans lequel elle habite : des autres plantes, arbres, insectes, de l’eau, de l’air, etc., car on sait que si le jardin ou si l’écosystème va mal, la rose ira mal…

Aimer pour Dieu revient donc à se mettre au service de plus grand que soi et que son couple : au service de sa famille élargie et de sa société.

Aimer sa femme pour Dieu, c’est s’élever vers Dieu pour apprendre à voir comme Il voit, à aimer ce qu’Il aime, à agir comme Il agit. Aimer pour Dieu, c’est chercher à plaire à Dieu en toute chose, à être une Maison pour sa femme, même lorsque les désirs ou les sentiments diminuent, même quand l’ennui menace son couple. On atteint cet état intérieur lorsque l’on devient une Maison pour sa femme, un Vêtement et une Aile, indépendamment de sa météo émotionnelle.

Et plus un homme ou une femme s’efforce d’agir pour Dieu, pour Lui plaire, plus son cœur, son regard et ses actes se transforment, s’ennoblissent au point de devenir à l’image de Dieu : « Dieu le Très-Haut a dit : “ (…) Parmi tous les moyens employés par Mon serviteur pour se rapprocher de Moi, rien ne M’est plus agréable que la réalisation de ses devoirs. Mon serviteur ne cesse de se rapprocher de Moi par des bonnes actions jusqu’à ce que Je l’aime. Une fois que Je l’ai aimé, Je deviens son ouïe avec laquelle il entend, sa vue avec laquelle il voit, sa main avec laquelle il combat et son pied avec lequel il marche. S’il Me demande alors quelque chose Je la lui donne et, s’il se met sous Ma protection, Je la lui accorde” » (hadîth rapporté par al-Bukhârî).

Aimer au nom de Dieu, aimer pour Dieu, c’est toujours refuser d’être prisonnier de ses limites, de sa frustration, de sa colère, de son désespoir et de son désordre intérieur ; c’est toujours laisser de la place dans son cœur et dans sa vie pour que quelque chose de grand et de meilleur se passe.

D’ailleurs, « on ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux » (Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince. éd. Gallimard, 2007, p. 92), enseigne le renard au petit prince.

Autrement dit, on ne voit bien que lorsque le cœur se purifie et s’ouvre sur plus grand que soi : sur le bien de l’autre, sur le bien commun, sur le bien que Dieu appelle à concrétiser dans sa vie. On ne voit bien que lorsqu’on se donne pour Dieu.

Un chemin d’élévation morale et spirituelle

Parfois, dans le couple ou dans la vie de famille, on peut être confronté à l’ingratitude de ceux à qui on donne. On peut se sentir terriblement éprouvé et seul-e lorsque personne autour de nous ne reconnaît nos efforts. Mais Dieu est témoin de chaque bonne action, petite ou grande, et s’engage à donner à chaque effort sa juste valeur et à en multiplier la récompense : « Certes, Dieu a acheté de ceux qui portent la foi, leurs personnes et leurs biens en échange du Paradis. (…) Et qui est plus fidèle que Dieu à son engagement ? Réjouissez-vous donc de l’échange que vous avez fait : Et c’est là le très grand succès » (Coran, s. 9, v. 111).

Ainsi, au-delà de l’amour jetable qui n’exige pas de chacun qu’il se purifie et se dépasse, il existe l’amour vrai qui est un chemin d’élévation morale et spirituelle. En effet, l’amour vrai est une voie qui apprend l’amour de Dieu à travers l’amour d’une personne et de toutes les personnes qui font partie de notre bout de monde. Aimer une femme imparfaite (ou un homme imparfait), qui ne nous offre pas un bonheur permanent et total, c’est une véritable voie vers la sagesse. C’est ce qui fait dire à Socrate ce conseil qui résonne encore : « Dans tous les cas, mariez-vous : si vous tombez sur une bonne épouse, vous serez heureux. Si vous tombez sur une mauvaise, vous deviendrez philosophe, ce qui est excellent pour l’homme. »

En conclusion, l’islam est une invitation (da’wah) universelle : vivre l’amour comme une révolution intérieure et extérieure, avec miséricorde, avec joie et avec contentement.



De formation pluridisciplinaire – philosophie (université Sorbonne-Paris-I), sociologie (Sciences… En savoir plus sur cet auteur