Société

L'Europe face à une « invasion arabe » : une polémique qui fait pschitt

Rédigé par | Jeudi 3 Mars 2016 à 17:30

« On peut parler aujourd’hui d’invasion arabe. C’est un fait social. » Cette phrase prononcée par le pape François cette semaine a déclenché une polémique mais a-t-elle lieu d'être ?



Le pape François s’est entretenu mardi 1er mars en audience privée au Vatican avec une délégation de Français catholiques de gauche qui comptait dans le lot des députés. Interrogé sur l’avenir de l’Europe et de son identité, le souverain pontife a estimé qu’ « on peut parler aujourd’hui d’invasion arabe. C’est un fait social ».

Cette petite phrase n'a pas manqué de susciter des incompréhensions, jusqu'à créer une polémique... qui, au bout du compte, fait pschitt, au regard d'abord de la phrase qui a suivi sa déclaration.

« Combien d’invasions l’Europe a connu tout au long de son histoire ! Elle a toujours su se surmonter elle-même, aller de l’avant pour se trouver ensuite comme agrandie par l’échange entre les cultures », a-t-il précisé, présentant ainsi les vagues migratoires auxquelles l'Europe fait face comme des phénomènes positifs. Le pape a clairement mal choisi son mot, l'invasion recouvrant clairement une acception péjorative.

Un pape soucieux des migrants

Faut-il mettre l'expression sur le compte d'une maladresse ? Oui selon toute vraisemblance. A l'heure où l'Europe continue de faire face à un afflux des réfugiés venus ces derniers mois du Moyen-Orient, les positions du pape à ce sujet sont claires. Depuis son élection en 2013, il lance régulièrement des appels en direction des Etats européens, leur demandant d'accueillir les victimes de guerre, quelles que soient leurs confessions. Politiques ou économiques, le pape, qui a visité l'île de Lampedusa en juillet 2013, ne fait pas non plus de tri entre les migrants.

« Il est important de considérer les migrants non seulement en fonction de la régularité ou de l’irrégularité de leur condition, mais surtout comme des personnes qui, une fois leur dignité assurée, peuvent contribuer au bien-être et au progrès de tous, en particulier lorsqu’ils assument la responsabilité de leurs devoirs envers ceux qui les accueillent, en respectant de façon reconnaissante le patrimoine matériel et spirituel du pays hôte, en obéissant à ses lois et en contribuant à ses charges », avait-il fait savoir lors de la Journée mondiale des migrants et des réfugiés en janvier dernier.

Aucune confusion pour les participants

Erwan Le Morhedec, alias Koz à l’initiative du blog Koztoujours, estime que « le pape a fait un mauvais choix de mot dans le cadre d'une conversation informelle et à bâtons rompus ». Quant à Jean-Pierre Denis, directeur de la rédaction à La Vie qui fut présent à la rencontre avec le pape, les propos du pape ont été sortis de leur contexte, réfutant le fait que « le pape appelle au choc des civilisations ». « Tout l’entretien dit le contraire. Pour lui, avec l’islam, il n’y a qu’une solution, c’est le dialogue. Aucun de ses discours ne prête à la moindre confusion », ajoute-t-il. La polémique est ainsi close, bien que les identitaires ne se privent pas de partager la phrase du pape dans les réseaux sociaux pour alimenter leurs thèses xénophobes.

Lors de cette rencontre, le pape a critiqué l’anticléricalisme français issu des Lumières, jugeant qu’il faudrait qu’elle réussisse à « dépasser cet héritage ». « Une critique que j’ai envers la France est que la laïcité résulte parfois trop de la philosophie des Lumières, pour laquelle les religions étaient une sous-culture », affirme-t-il. A ses yeux, « la France doit devenir un État plus laïque. Il faut une laïcité saine » qui « comprend une ouverture à toutes les formes de transcendance, selon les différentes traditions religieuses et philosophiques. D’ailleurs même un athée peut avoir une intériorité. »



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur