Société

Jacques Vergès : mort d'un avocat controversé, amoureux de l'Algérie

Rédigé par Maria Magassa-Konaté | Vendredi 16 Aout 2013 à 15:45

Jacques Vergès est décédé jeudi 15 août à l'âge de 88 ans. Figure anticolonialiste, l'avocat au verbe haut s'est fait connaître en défendant des personnalités indéfendables comme le nazi Klaus Barbie. Retour sur le parcours d'un homme qui n'a jamais laissé indifférent.



L'avocat Jacques Vergès s'est éteint à l'âge de 88 ans, jeudi 15 août, à Paris. Connu pour avoir défendu de multiples personnalités que l'on qualifiait d'indéfendables, il fut surnommé « l'avocat de la terreur ». Personnage public, il entretenu, malgré tout, une part de mystère.

Né d'un père français de La Réunion et d'une mère vietnamienne, il voir le jour en 1924 ou en 1925 dans l'actuelle Thaïlande. Après une jeunesse passée à La Réunion, il s'engage dans la Résistance au sein des Forces françaises libres, à Londres, dès 1942. En 1945, il adhère au Parti communiste français (PCF). Dans les années 1950, président de l'association des étudiants réunionnais,  il fait connaissance avec les futurs chefs khmers rouges qui décimeront le peuple cambodgien Saloth Sâr (plus connu sous le nom de Pol Pot) et Khieu Samphân.

Dix ans plus tard, l'élève doué qu'il est (il obtient son baccalauréat à 16 ans) devient avocat et décide de quitter le PCF, qu’il juge « trop tiède » sur la question de l'Algérie. Fervent opposant au colonialisme, il entre dans le collectif des avocats du Front de libération nationale algérien (FLN) et prend la défense de Djamila Bouhired, une membre du FLN, accusée d'attentats à la bombe. A cette époque, l'avocat s'illustre par la provocation en adoptant une stratégie de défense avec laquelle il n'hésite pas à outrager les juges. Pour cela, il est suspendu du barreau en 1961. M. Vergès est également inculpé pour atteinte à la sûreté de l'Etat pour avoir réclamé l'autonomie de La Réunion.

Conversion à l'islam

Un an plus tard, l'Algérie devient sa patrie. Il prend la nationalité algérienne et devient chef de département au ministère des Affaires étrangères algérien. Il y fonde Révolution, un journal maoïste, se convertit à l'islam et épouse Djamila Bouhired, qui fut graciée de la peine de mort. Deux enfants naîtront de leur union, qui durera quelques années.

L'avocat restera en Algérie jusqu'en 1970. Puis c'est le trou noir. Jusqu'en 1978, il disparaît mystérieusement de l'espace public et abandonne sa famille. L'homme, qui aime se mettre en scène, s'amuse à entretenir le mystère qui l'entoure et ne dira jamais ce qu'il a fait durant ces années.

Quand il revient aux affaires, il semble plus que déterminé à susciter la controverse en étant présent dans plusieurs procès ultramédiatisés. En 1987, il prend la défense du nazi Klaus Barbie, jugé pour crime contre l'humanité à Lyon. « Serais-je prêt à défendre Hitler ? Bien sûr ! Et même George W. Bush. Je suis prêt à défendre tout le monde à condition qu'ils plaident coupables », avait-il dit un jour. Lui qui estimait que « les poseurs de bombe sont des poseurs de questions » a également été l'avocat du Vénézuélien Carlos, jugé pour quatre attentats commis en France en 1982 et en 1983.

C'est lui encore, qui pris la défense de Roger Garaudy poursuivi pour contestation de crime contre l'humanité en 1998. Il n'échappa pas de nouveau à de vives critiques en prenant plus récemment, en 2011, la défense du khmer rouge Khieu Samphân pour crime contre l'humanité. La même année, celui qui avait exprimé son souhait de défendre Saddam Hussein, Slobodan Milosevic ou encore Muammar Kadhafi est l'avocat de l'ex-président ivoirien, Laurent Gbagbo.

Mais Jacques Vergès pouvait également défendre les plus faibles comme le jardinier marocain Omar Raddad, accusé du meurtre de sa patronne et victime d'une grosse erreur judiciaire.

Même si sa conception du métier d'avocat pouvait étonner et même faire bondir, l'homme, qui s'érigeait contre le colonialisme et le sionisme, restera, à coup sûr, dans les mémoires.