Politique

Iftar du Ramadan : depuis Strasbourg, Christophe Castaner répond aux attaques du CFCM

Rédigé par | Jeudi 30 Mai 2019 à 11:45

Entre le Conseil français du culte musulman (CFCM) et le ministère de l'Intérieur, les relations ne sont assurément pas au beau fixe. Depuis Strasbourg où Christophe Castaner a choisi de se rendre pour l'iftar du CRCM Alsace, il a répondu aux attaques lancées à son endroit, déclarant n'être aucunement « un obligé » et assumant de s'adresser « à tous les musulmans », y compris à ceux qui font de l'ombre au CFCM.



Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner s'est rendu, mercredi 29 mai, à l'iftar organisé à Strasbourg par le CRCM Alsace, présidé par Abdelhaq Nabaoui (à droite du ministre). © Ministère de l’Intérieur
Christophe Castaner était l’hôte de marque du Conseil régional du culte musulman (CRCM) Alsace, qui organisait, mercredi 29 mai, un dîner de rupture du jeûne du Ramadan à la Villa Schutzenberger, à Strasbourg. Ce déplacement du ministre de l’Intérieur est intervenu au lendemain de l’iftar annuel du Conseil français du culte musulman (CFCM) auquel il a choisi de ne pas s’y rendre, non sans provoquer de vives réactions.



Aux cadres du CFCM qui ont interprété l’absence de Christophe Castaner comme une « désinvolture », ce dernier s’en est dit « étonné ». « Est-ce de la désinvolture de se rendre à la rencontre des musulmans partout sur le territoire ? Est-ce de la désinvolture de se rendre à la rencontre d'un CRCM exemplaire qui souhaite tout simplement faire bouger les choses ? Je ne crois pas. Alors oui j'assume, je revendique même de m'adresser à tous les musulmans », a-t-il exprimé.

Le ministère de l’Intérieur n’est pas « un obligé »

« Je mène depuis plusieurs mois un dialogue avec le CFCM, notamment dans ses travaux de réforme. Je ne peux hélas que constater la frilosité du CFCM », poursuit-il, confirmant ainsi publiquement sa déception des statuts adoptés en avril dernier.

« Ma présence ici à Strasbourg n'est pas anodine d'abord parce que l'islam en France ne se construit pas à l'étranger et qu’il se construit partout (en France) et pas uniquement à Paris, n'en déplaise à ceux qui pensent que le ministère de l'Intérieur serait un obligé », déclare-t-il, assumant donc de discuter aussi avec l’Association musulmane pour l’islam de France (AMIF) que le CFCM ne manque jamais d’attaquer.

Castaner veut « des représentants réellement représentatifs »

« Le sujet n'est pas, pour l'État, de structurer lui-même une religion ou de dire à tel ou tel culte comment il doit s'organiser. (...) Cela n'est pas la laïcité », a martelé le ministre, voulant « s'assurer que si la République ne s'immisce pas dans les cultes, aucun État étranger ne puisse le faire ».

L’islam « qui, tout en restant lui-même, doit trouver sa voie en Europe, et, plus spécialement en notre chère France, dans les valeurs de la République, sans ingérence d’aucun Etat étranger, quel qu’il soit », avait aussi appuyé, avant lui, Abdelhaq Nabaoui dans un discours fort élogieux à l’égard du ministre de l’Intérieur.

Ce dernier a souhaité, au nom de l’Etat, voir « assurer la transparence des circuits de financement et de l'absence de conflit d'intérêts » – le cœur du projet de l’AMIF, remarquera-t-on –, veiller à ce que le culte musulman puisse « se doter de représentants réellement représentatifs » et « lutter activement contre ceux qui prétendent agir au nom d'une religion et qui porte, en fait, le projet d'un islam politique comme une alternative à notre République ».

Le ministre dit non à la création d’une faculté théologique musulmane

Aux côtés d’Abdelhaq Nabaoui, et non loin du président de l’AMIF Hakim El Karoui ainsi que du président de l’Union des mosquées de France (UMF) Mohammed Moussaoui qui ont fait le déplacement à Strasbourg, Christophe Castaner a loué le CRCM d'Alsace comme « un modèle, un laboratoire d'idées pour le futur de l'islam en France » qui entreprend des « initiatives innovantes » comme la création d'un Conseil des imams et des cadres religieux en Alsace (CICRA).

« Je souhaite que la relation de confiance, que l'approche apaisée et constructive qui se bâtit ici à Strasbourg puisse être un exemple et une inspiration pour toute la France », a souligné le ministre qui, tout en prenant en compte la particularité du régime alsacien en matière de gestion des cultes, a écarté l'idée de créer une faculté de théologie musulmane au sein de l'université de Strasbourg, qui abrite déjà des facultés de théologie catholique et protestante.

« En Alsace, la laïcité n’est pas une crispation à l’égard des religions », nous a indiqué Abdelhaq Nabaoui, en marge de la visite ministérielle qu’il perçoit comme « un honneur » et « un encouragement à poursuivre nos actions ».

Quant à ses relations en dents de scie avec le CFCM, il nous indique que ses représentants ont bien été invités à l’iftar mais que la plupart « se sont excusés ». Seul Fatih Sarikir, secrétaire général de Milli Gorus, a confirmé son déplacement à Strasbourg, qui compte une importante communauté turque. Il figurait parmi les 80 invités dont ont fait partie le maire de Strasbourg Roland Ries, l’eurodéputée Fabienne Keller et tous les représentants des cultes.


ENCADRE

Le président du CRCM Alsace avait organisé un premier iftar le 16 mai mais « plusieurs personnalités du culte musulman et représentants des autorités locales n'ont pu s'y rendre ». La présence de Christophe Castaner a amplement justifié l'organisation d'un second iftar pour cette antenne régionale du CFCM dont les membres sont appelés à se renouveler aux prochaines élections vers le mois d’octobre. Abdelhaq Nabaoui n’a pas confirmé, pour l’heure, son intention de mener une liste en vue de briguer un nouveau mandat à la tête d’un CRCM aujourd’hui convoité.



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur