Finance éthique

Finance islamique : la France se dote d’un cadre fiscal adapté

Rédigé par | Lundi 22 Décembre 2008 à 16:46

Pour prendre des leçons de la crise financière actuelle et faire de Paris la capitale de la finance islamique, rien n’est trop beau pour être vrai. Comme voulu par Bercy, la France s’est désormais dotée, depuis jeudi dernier, d’un cadre juridique et fiscal adapté pour accueillir la finance islamique sur son territoire.



Christine Lagarde : « la France est ouverte à l’établissement de banques de finance islamique sur son territoire. »
« La France est ouverte à l’établissement de banques de finance islamique sur son territoire », a rappelé jeudi 18 décembre la ministre française de l’Economie et de l'Industrie, Christine Lagarde. Ainsi, le cadre fiscal français est aménagé pour deux produits conformes à la Sharia, la sukuk (obligation islamique) et la murabahah (contrat financier selon les termes duquel un investisseur achète un actif pour le compte d’un client et lui revend avec une marge). La direction générale du Trésor a publié, les concernant, « des fiches de doctrine » pour préciser les aménagements apportés.

Pour Christine Lagarde, « la publication et la mise en ligne de rescrits fiscaux concernant les opérations de sukuk et de murabahah va enfin permettre d’apporter aux investisseurs et aux opérateurs la certitude juridique et fiscale qui est nécessaire au développement de ces opérations de finance islamique en France ». La ministre a également annoncé qu’elle soumettra prochainement à consultation des modifications du régime juridique de la fiducie, connue sous le nom de «waqf» en arabe (donation faite par un particulier à une œuvre d'utilité publique, pieuse ou charitable), afin de faciliter son utilisation pour la finance islamique.

100 milliards d’euros à la clé

La finance islamique était jusque-là soumise à un système de double imposition. Ces nouvelles mesures, qui devraient attirer de plus en plus d’investisseurs musulmans étrangers, font suite au rapport publié début décembre par l’organisme Paris Europlace sur les enjeux et les opportunités du développement de cette finance en France. Selon le rapport, celle-ci peut investir jusqu’à 100 milliards d’euros dans l'Hexagone. Une manne inespérée dont le pays a besoin actuellement. Dans son rapport publié vendredi dernier, l’INSEE (Institut national des statistiques et des études économiques) prévoit, sans surprise, une récession pour le premier semestre 2009 équivalente à celle de 1993…

Pour Fouad Bourabia, avocat, « 95 % du droit français est compatible avec la finance islamique ». Anass Patel, président de l'AIDIMM (Association d'innovation pour le développement économique et immobilier), s'est réjouit de ces annonces lors de la session de formation consacrée à la finance islamique samedi 20 décembre. « Ces dispositifs vont ouvrir la voie aux opérations de produits islamiques, cinq ans après la Grande-Bretagne. La France va enfin rattraper son retard, » explique-t-il, arguant que ces opérations permettront « le financement d'actifs incluant des biens mobiliers et immobiliers accessibles à l'ensemble des professionnels ».

Prochaine étape : les particuliers

Pour accompagner le développement du système en France, ACERFI (Audit, conformité, éthique et recherche en finance islamique), premier comité francophone de conformité au droit musulman consacré à la validation de produits financiers sharia-compatibles, a d'ailleurs été créé début décembre. Totalement indépendante, cette sharia board, constituée de docteurs en droit musulman (sharia scholars), permettra d’asseoir davantage la finance islamique en France.

Ces nouveaux dispositifs fiscaux viennent s’ajouter à la décision d’ouvrir prochainement des banques islamiques dans l’Hexagone. Cependant, seuls les gros investisseurs sont aujourd'hui visés, les banques de détail n'ouvrant que dans trois ou quatre ans...

Il n'empêche que « ces mesures ouvrent aussi la voie aux particuliers désirant se conformer à la loi islamique », assure M. Patel. La finance islamique représente un marché potentiel d'environ 4 millions de musulmans en France, selon une récente enquête. « Les blocages juridiques et fiscaux sont à peu près levés. Maintenant, il faut prouver qu'on existe. » L'AIDIMM envisage ainsi de recruter 10 000 adhérents d'ici à juin 2009, afin d'inciter les établissements bancaires à proposer des produits de finance islamique destiné au grand public dans les mois à venir. Un objectif ambitieux mais réalisable, puisque, en ces temps de crise, ils sont nombreux, qu'ils soient musulmans ou non musulmans, qui adhèrent désormais aux principes d'une finance éthique.

Site de l'AIDIMM


Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur