Culture & Médias

Festival de Cannes : une 63e édition riche en polémiques

Rédigé par | Dimanche 23 Mai 2010 à 21:38

Trois films en compétition officielle, « Hors-la-loi » de Rachid Bouchareb, « Des hommes et des dieux », de Xavier Beauvois, et « Un homme qui crie », de Mahamat-Saleh Haroun, ont été fort remarqués au Festival de Cannes 2010, qui s’est achevé dimanche 23 mai par la remise des palmarès du jury, présidé cette année par le metteur en scène Tim Burton.



L’Algérie a été au centre des attentions à Cannes. La 63e édition du festival le plus couru de la planète a été marquée cette année par la polémique suscitée par le film de Rachid Bouchareb Hors-la-loi, qui raconte le destin de trois frères – interprétés par Djamel Debouzze, Sami Bouajila et Roshdy Zem – témoins des massacres de Sétif, le 8 mai 1945, et qui se retrouvent en France en pleine guerre d’indépendance de l’Algérie.

La polémique est née dès le mois d’avril par l’intermédiaire de Lionel Luca, député UMP des Alpes-Maritimes, et Bernard Brochand, député-maire UMP de Cannes. Sans qu'ils l'aient vu, ces derniers s’insurgent sur la vision donnée du réalisateur quant aux événements de Sétif.



Le passé colonial algérien, un tabou pour la France

Selon diverses sources, la fête célébrant la capitulation allemande à Sétif a débouché sur la mort de 3 000 à 50 000 personnes (45 000 selon le gouvernement algérien) et d’une centaine d’Européens. Bien que M. Bouchareb, connu pour Indigènes, rappelle que son film reste une fiction, les élus l’accusent d’avoir « falsifié l’Histoire » car Hors-la-Loi occulterait la mort des Européens, qui est, selon eux, la cause de la répression de l’armée française.

Munis de pancartes « La France diffamée. La France caricaturée. La France humiliée », près de 1 200 personnes, essentiellement des anciens combattants et des militants d’extrême droite, ont défilé, vendredi 21 mai, à Cannes, pour protester contre la version du film projeté lors du Festival. Après l’avoir visionné le jour même, Lionel Luca maintient sa colère. Près de 50 ans après l'indépendance d'Algérie, les nostalgiques sont encore nombreux à n'avoir pas totalement digéré la défaite de l'armée française et surtout à ne pas reconnaitre les torts de celle-ci à cette époque.


Les moines de Tibhirine sur grand écran

Moins polémique celui-ci mais tout aussi remarqué, le film français de Xavier Beauvois Des Dieux et des hommes, qui revient sur le destin tragique des sept moines trappistes de Tibhirine, enlevés en mars 1996, lors de la guerre civile algérienne, et retrouvés assassinés en mai 1996. L’enlèvement a longtemps été imputé au Groupe islamique algérien (GIA).

Cependant, cette version de l’histoire est remise en cause depuis 2006, puis en 2009 par un ancien attaché militaire à l'ambassade d'Alger, qui affirme, de par les confidences d’un officier algérien, que les moines auraient été tués par erreur lors d'une opération menée… par l'armée algérienne.

Des Dieux et des hommes s’est vu décerné le Grand Prix du Festival, dimanche 23 mai, ainsi que le prix du jury œcuménique la veille.


Le cinéaste tchadien Mahamat-Saleh Haroun, pour sa part, a remporté le prix du Jury pour son film Un homme qui crie, dont le titre est inspiré d'un texte (« Un homme qui crie n'est pas un ours qui danse »), d'Aimé Césaire, dans son Cahier d'un retour au pays natal. Ce film était le premier film à représenter l'Afrique noire depuis treize ans au Festival de Cannes.

Enfin, bien que Hors-la-loi n’ait rien reçu, celui-ci risque bien – à n'en pas douter – d’attirer les foules au cinéma à sa sortie, en septembre prochain.



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur