Cinéma, DVD

«Don't Panik » : un documentaire sur les rappeurs musulmans

Rédigé par Pauline Compan | Samedi 28 Mai 2011 à 17:35

Rap et Islam. L’articulation de ces deux mots a soulevé de nombreuses interrogations chez la réalisatrice du film « Don’t Panik », Keira Maameri. Elle est allée chercher ses réponses auprès de six rappeurs. Artistes reconnus et engagés, tous se revendiquent musulmans et affichent leur identité dans leurs textes. La démarche était naturelle ; le rap réunit beaucoup de musulmans, tant dans le public que chez les rappeurs. Saphirnews s’est rendu à la première projection du film à l’Institut du Monde arabe, jeudi 26 mai. La salle était pleine et les rappeurs et la réalisatrice ont pu échanger avec le public. Reportage.



avec : Youss/ Doug E Tee/ Hasan Salaam/ Manza/ Medine/ ADL
« Don’t Panik » est le troisième documentaire de la réalisatrice Keira Maameri. Passionnée par le mouvement hip hop, elle a déjà réalisé « A nos Absents » qui traite de la mort dans les textes de rap français et « On s’accroche à nos rêves », sur les femmes dans le milieu des cultures urbaines. Avec « Don’t Panik », Keira Maameri s’attaque à la question identitaire, qu’est ce qu’être rappeur et musulman dans le monde actuel ? Un film au-delà des clichés qui n’évite pas la question de l’interprétation des textes sacrés, alors la musique haram ou halal ?

Des rappeurs de tous horizons

Il aura fallu quatre ans à la réalisatrice pour réunir les témoignages de rappeurs à travers le monde entier. Du Sénégal à New York en passant par la Belgique ou la Suède, six artistes s’expriment sur leur musique et leur Foi. Une démarche artistique engagée, avant tout pour « le plaisir des mots, de la poésie, le partage et la revendication », d’après le rappeur Belge Manza.

Le new yorkais, Hasan Salaam avait fait le déplacement pour assister à la projection du documentaire. « J’ai participé à ce film car je pense qu’il avait besoin d’être fait, explique-t-il, je suis noir et musulman aux Etats-Unis et quand vous ajoutez l’islam il y a toujours des questions. Je voulais m’exprimer là-dessus et c’est bien de savoir que j’ai des frères partout dans le monde qui sont confrontés aux mêmes questions que moi »

Ces questionnements, c’est notamment les contradictions qui peuvent naitre dans la personne musulmane et artiste musicale. « J’ai l’ambition d’être un bon frère, un bon ami, une bonne personne et le rap m’aide à le devenir, en ce sens ce n’est pas incompatible pour moi avec ma foi », affirme Hasan dans le film.

Le français Médine parle, quand à lui, de ces périodes d’arrêts. Mais il revient toujours vers la musique : vecteur de transmission de valeurs auprès de la jeunesse (public très touché par le hip hop). « C’est en confrontant les idées que l’on va avancer, par respect pour cet art » conclut-il.

Définir de nouvelles identités

Farid El Asri est docteur en anthropologie sociale. Il intervient dans le film « Don’t Panik » pour exposer quelques conclusions de sa thèse publiée en 2007 : « Les artistes musulmans d’Europe : entre l’univers culturel environnant et le rapport aux sources islamiques ». Pour lui, ces artistes initient un virage dans l’identité des musulmans européens, en apprenant à concilier leurs différentes influences.

« J’ai beaucoup travaillé sur la culture hip hop car il y a une dominance de cette culture par rapport, par exemple, à la musique spirituelle ou la musique andalouse, précise l’anthropologue, le rap permet d’exprimer une grande subjectivité, l’artiste parle de lui, de son vécu et de ses rancœurs. En parlant de leurs contradictions, ils en ressortent plus forts et encouragent le débat. Ce sont des rappeurs d’utilité publique. »